Le CRIF en action
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Publié le 8 Novembre 2010

«Le dialogue judéo-musulman est en route», entretien avec le rabbin Serfaty, président de l’Amitié Judéo-Musulmane de France, par Bernard Koch

Du 5 au 7 novembre, pour la deuxième année consécutive, auront lieu en France, les "Journées Mondiales du Dialogue entre Juifs et Musulmans". Une initiative originale qui a fait ses preuves aux Etats-Unis, au Canada. Une centaine de lieux de culte et d’associations, juifs et musulmans participent à cette manifestation inter-cultuelle et permettent aux fidèles de chaque communauté de parfaire leur connaissance mutuelle. Bernard Koch s’entretient avec Michel Serfaty, rabbin de Ris-Orangis et Président de l’Amitié Judéo-Musulmane de France qu’il a créée en 2005.



- Comment est née cette idée ? Quelle en est sa genèse ?



L’idée du week-end portes ouvertes mosquées-synagogues nous a été proposée par l’association américaine : Foundation for Ethnics understandings (F.F.E.U.) que préside le Rabbin Marc Schneier à N.Y. Lancée aux USA et au Canada, il y a 3 ans, elle a connu un réel succès dont les prolongements se traduisirent par de nombreuses activités réunissant juifs et musulmans de ces deux pays. En observant les résultats positifs de cette initiative, nous avons à notre tour décidé de la reprendre en France.



- Quel impact peuvent-elles avoir sur ce dialogue dont vous avez été l’un des tout premiers initiateurs à travers votre association Amitié Judéo-Musulmane de France ?



L’impact de cette initiative est évident : il consolide les relations tissées entre juifs et musulmans en France depuis que nous avons lancé les « Tours de France et d’Ile de France du bus de l’amitié ». De nouveaux adhérents se manifestent et cherchent des antennes locales plus proches pour matérialiser leur désir de créer d’authentiques sentiments d’amitié entre juifs et musulmans.



- Cette fois, l’initiative passe par le religieux, puisque les fidèles sont invités à se rendre visite et à dialoguer sur les lieux de culte… Pensez-vous que le religieux peut avoir plus de poids, plus de choses à dire, que le profane, pour promouvoir ce dialogue, et au-delà de ce dialogue, pour promouvoir le processus de paix ?



Judaïsme et Islam sont perçus en France davantage comme des religions malgré leurs apports culturels respectifs. Les manifestations d’hostilités entre juifs et musulmans s’expriment plus dans les sphères sociales pauvres qui se déclarent sous influence de quelques mosquées radicales. Les franges sociales juives et musulmanes issues de milieux aisés sont moins affectées par les comportements antisémites.



- Cette manifestation est l’occasion de faire le point sur ce dialogue dont vous êtes l’un des meilleurs observateurs, vous qui le vivez chaque jour sur le terrain et chaque année, avec votre bus à travers l’Hexagone. Où en est-il ? Percevez-vous une évolution, une avancée sur ce dialogue ?



Le dialogue judéo-musulman « est en route ». Il progresse lentement certes mais ce qu’il produit de ville en ville d’une année à l’autre par des activités de plus en plus nombreuses, des témoignages de solidarités depuis trois ans témoignent tous de cette avancée.



- Comment réagissent, selon vous, les communautés juives et musulmanes face à ce dialogue ?



De plus en plus de responsables juifs et musulmans se mobilisent et témoignent de l’intérêt pour leurs jeunesses ou leurs fidèles, de rencontrer l’autre pour mieux le connaître, de créer des occasions de solidarités et montrer qu’ils peuvent marcher ensemble.



- Vous êtes Rabbin d’une communauté, Ris-Orangis dans l’Essonne. Comment le Rabbin que vous êtes voit-il l’avenir de ce dialogue qui n’est pas sans lien avec les évènements au Proche-Orient ?



L’expérience de terrain des six tours de France et des six tours d’Ile de France, nous a donné l’occasion d’appréhender la place du dialogue par rapport aux évènements du Moyen Orient. La plupart de nos concitoyens musulmans, près de 85 à 90%, ignorent tout du conflit israélo-palestinien et n’en rapportent que des clichés et des stéréotypes. Ils sont bien plus préoccupés par leur avenir, la formation, l’emploi, etc. C’est donc en les aidant à réussir leur intégration que nous opérons des changements de leur regard sur nous.



- Difficile de ne pas vous poser une question qui se réfère à l’actualité récente. Un massacre à Bagdad dans une Eglise, des colis piégés interceptés au Yémen et à Londres adressés à des lieux de culte juifs aux Etats-Unis. L’Islam une fois de plus stigmatisé. Quelle influence ont ces tragiques évènements dans votre réflexion sur le dialogue qui vous est cher ?



La lutte contre l’islamisme et contre le terrorisme qui en est issu ne laisse pas indifférents nos concitoyens musulmans. Ils mesurent de plus en plus combien les valeurs de l’occident, celles qui placent l’homme au centre des priorités de l’existence, à l’inverse des visions des terroristes qui méprisent l’être humain au bénéfice de l’autorité dictatoriale de leur système politique, ont plus de chance d’aboutir à la paix.



- Comme vous le savez, il y a dans chaque communauté, d’importantes poches de résistance à ce dialogue entre Juifs et Musulmans. Des réticences et même une haine réciproque. Qu’est-ce que vous auriez envie de leur dire à ces « boudeurs », à ces réfractaires ? Peut-on encore les convaincre ?



Près de 100 ans pour voir le dialogue judéo-chrétien évoluer dans le bon sens, laisse penser que le dialogue judéo-musulman à peine naissant demande également de la patience, de l’écoute et de la détermination pour décourager les sceptiques des deux cotés. Je n’ai pas de doute que nous sommes en marche vers un mieux vivre ensemble et une meilleure compréhension.



Photo : D.R.



Source : Entretien mené par Bernard Koch, Diasporablog, 3/11/2010



Pour en savoir plus : Voir le site de l’Amitié Judéo-Musulmane (http://www.ajmf.org/) et le site Diasporablog engagé dans le dialogue interreligieux (http://diasporablogj.blogspot.com/2...)