Le CRIF en action
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Publié le 18 Janvier 2008

Les Juifs d’Albanie

S’il y a un pays où les Juifs n’ont jamais été très nombreux à travers l’Histoire, c’est bien l’Albanie. Dans ce petit Etat balkanique de 29 000 km2, indépendant depuis 1912, où vivent quelque trois millions d’habitants parlant l’albanais, une langue indo-européenne, les Juifs ont, au sommet de leur croissance démographique, constitué une communauté d’à peine 3 ou 4000 âmes.


C’est à la suite de la conquête de Jérusalem et de sa destruction par les Romains en 70 que les premiers Juifs atteignent, sur des embarcations de fortune, les côtes albanaises. Ils seront rejoints plus tard par ceux de leurs frères fuyant l’Espagne et le Portugal de l’Inquisition. Sous l’Empire ottoman, au quinzième siècle, la communauté, essentiellement regroupée dans les ports, quoique modeste, est florissante. Les Juifs sont installés à Tirana, la capitale, mais aussi à Valona, à Bérat, à Durazzo et à Elbassan. En 1673, le faux messie, Sabbataï Zvi, converti de force à l’islam, est exilé par le sultan en Albanie où il finit ses jours. En 1685, la guerre turco-vénitienne rejaillit sur les Juifs de Valona qui fuient vers Berat. Ceux qui restent sont faits prisonniers. Entre 1788 et 1822, la communauté subit le joug inflexible d’Ali Pacha. En 1911, lors de la grande révolte populaire, les Juifs albanais, accusés d’être à la solde des autorités, sont brimés et vilipendés. Au recensement de 1930, ils ne sont que 204. Il faut attendre 1937 pour que la communauté juive albanaise soit reconnue par le gouvernement. La Seconde Guerre mondiale et la folie meurtrière des Nazis vont pousser vers l’Albanie des Juifs de Grèce, de Yougoslavie et d’Italie. Il convient de noter que les Juifs albanais n’ont jamais été inquiétés par les autorités durant cette sombre période. La proclamation de la République populaire en 1946 sous la houlette du sinistre Enver Hoxha introduit un communisme pur et dur dans le pays. Les religions y sont interdites, y compris l’islam pourtant majoritaire. Un « judaïsme de l’ombre » se dessine. Bien qu’il n’y ait jamais eu de synagogues (on évoque parfois celle de Valona et le seul cimetière juif a été rasé en 1944 pour faire place à un bâtiment administratif) ni de communauté organisée dans le pays, les Juifs commencent à pratiquer une forme de marranisme qui se combine avec la multiplication des mariages mixtes. On jeûne symboliquement le shabbat et les jours de fêtes, les quelques ouvrages en hébreu et les mézouzot sont cachés. A Kippour, on maintient la tradition de manger des amandes en fin de journée, ce qui ne risque pas d’attirer l’attention. Les plus courageux font pratiquer des circoncisions sur les nouveaux nés par des médecins musulmans. Ceux qui peuvent immigrer illégalement le font. Jusqu’en 1967 la pratique religieuse sera interdite et la terrible milice des « Sigurimi » veillera au respect de cette mesure, traquant sévèrement, à la période de Pessah, les possesseurs de matzot.
La communauté juive apeurée vit alors sous la triple menace de l’antisémitisme musulman, de l’antisémitisme chrétien et de l’antisionisme du gouvernement. Les Juifs sont désignés sous le vocable turc infamant de « Chifuts » et les militants palestiniens les plus extrémistes, ceux de Georges Habache et de Nayef Hawatmeh sont accueillis à bras ouverts dans le pays.
En 1985, Ramiz Alia succède à Enver Hoxha. Le pays, peu à peu, sort du sous-développement et se démocratise. Les Juifs commencent à espérer d’autant plus, que sous le Premier ministre Fetos Nano, une association d’amitié avec Israël est créée. En 1990, l’interdiction de la pratique religieuse est levée. Mais les Juifs, 40 familles, soit 200 personnes, n’ont désormais qu’un objectif : rejoindre Israël. L’opération « Tapis Volant » est lancée par l’Agence Juive. Entre décembre 1990 et mai 1991, 400 personnes, Juifs, demi-Juifs, Marannes, rejoignent l’Etat juif, mais ils ont l’obligation d’abandonner tous leurs biens.
En 1992, Sali Bérisha a succédé à Ramiz Alia avant de céder la place, en 1997 à Rexhep Meidani remplacé, en 2002 par Alfred Moisiu. Depuis peu, l’Albanie a un nouveau président, Bamir Topi.
Des relations diplomatiques ont été établies depuis le début des années 1990 entre Israël et l’Albanie mais, à notre connaissance, il n’y a plus aucun Juif en Albanie. Le judaïsme albanais se retrouve, pour l’essentiel, à Beer Sheva, dans le Néguev et à Carmiel, en Galilée.
Jean-Pierre Allali
Article à paraître dans « Tribu 12+ »