Le CRIF en action
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Publié le 6 Août 2003

Message de Nissim Zvili, Ambassadeur d’Israël en France

Après tous ces merveilleux discours, je me suis posé la question suivante : ces hommes politiques de France ont une position tellement claire sur ce qui se passe en Israël et sur les relations israélo-françaises. Pourquoi alors ne réussit-on pas à convaincre l'opinion publique française qu'Israël n'a pas toujours tort, que parfois nous avons raison, que nous vivons dans une région qui est très difficile, que nous vivons un conflit qui est très dur et auquel il n'y a pas de solution facile.



Notre génération, ma génération, se souvient avec une certaine nostalgie des relations qu'il y avait dans les années 1950 et 1960 entre la France et Israël. Je me souviens, jeune enfant, avoir vu l'arrivée des premiers Mystères, les avions de combats français, qui nous ont aidés à gagner la guerre des Six Jours. Ce n'était pas seulement une relation politique entre le gouvernement français et le gouvernement israélien, c'était des liens profonds de solidarité du peuple français pour l'État d'Israël et du peuple Juif.

C'est exactement ce dont nous manquons aujourd'hui.

Je dois avouer que comme ambassadeur d'Israël en France, je sens aujourd'hui qu'il y a une vraie volonté du côté du gouvernement français, du côté de la classe politique française, d'améliorer les relations entre la France et Israël. On investit tous les efforts nécessaires pour réussir. Je le sens dans tous les ministères de la république, je le sens chez le Président de la république, je le sens même au Quai d'Orsay dont o a l'habitude de dire que c'est un des éléments les plus hostiles à l'État d'Israël.

Je sens cette évolution et ce qui m'inquiète, c'est que je ne ressens pas encore de changement ni dans les médias, ni dans l'opinion publique française. C'est la première chose que j'avais dite lorsque je suis arrivé en France, j'étais et je suis complètement catastrophé par l'image déformée de l'État d'Israël tel qu'il est présenté par les médias français. Les médias français ont fait un travail que jusqu'à présent je ne réussis pas à comprendre, mais ce qui nous inquiète vraiment c'est que cette image déformée de l'État d'Israël s'est infiltrée, a pénétré l'opinion publique française. Lutter contre cela, c'est beaucoup plus difficile.

Je suis très heureux de savoir que les dirigeants de presque tous les partis importants de France soutiennent la cause israélienne, c'est très important. Maintenant, il faut aller sur le terrain, faire un travail de base sur les Français, sur la société française, convaincre les Français.

L'État d'Israël a une armée puissante, c'est vrai. C'est une décision prise il y a cinquante-cinq ans. Il n'y a pas eu depuis cinquante-cinq ans un seul jour de paix dans cette région. Nous avons pris la décision de ne jamais compter sur quelqu'un d'autre pour assurer la sécurité et l'existence de l'État d'Israël.

Personnellement, je suis très fier de cette armée, une armée avec l'éthique morale la plus élevée du monde, une armée qui lutte dans une guerre impossible, une des guerres les plus difficiles à laquelle on ait eu à faire face au cours de ces dernières années, plus difficile que toutes celles passées. Je suis très fier de la jeune génération qui tient, qui réussit dans une guerre qui est parfois impossible.

Nous n'allons pas plier face au terrorisme. Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour avancer vers un processus de paix mais nous ne céderons jamais à la violence, au terrorisme.

C'est un message qui doit être clair : si nous sommes déterminés à aller vers un processus de paix, ce n'est pas par faiblesse, c'est parce que nous sommes parvenus à la conclusion que c'est dans l'intérêt de l'État d'Israël d'assurer la paix dans cette région.

En hébreu, on dit "un peuple, un cœur". C'est exactement ce que je ressens depuis que je suis ici en France : le cœur de la communauté juive de France vibre avec le cœur des Juifs qui vivent en Israël. Quand nous sommes tristes en Israël vous êtes tristes en France ; quand nous sommes inquiets en Israël, vous êtes inquiets en France ; quand nous sommes heureux en Israël, vous êtes heureux en France, mais vous devez le savoir que c'est vrai aussi dans l'autre sens.

Cinq pour cent du peuple Juif vit en France. 500 000 Juifs ont choisi de vivre en France parce qu'ils ont cru qu'ils allaient vivre dans un état libre, de droit, dans lequel la démocratie est reine. Ce que je demande aux élus français, ce n'est pas seulement de comprendre l'inquiétude des Juifs de France face au racisme, à l'antisémitisme ; c'est de la partager.

Vous n'êtes pas, nous ne sommes pas paranoïaques, mais nous avons besoin de cette vigilance pour assurer que cette bête immonde ne va pas ressurgir. Quand je dis "partager", je dis que si on lutte pour déraciner les phénomènes du racisme et de l'antisémitisme, on ne le fait pas pour calmer la communauté juive de France, on le fait pour assurer l'avenir la société française.

L'État d'Israël n'oubliera jamais ce qu'il doit la France. La France nous a soutenus dans les périodes les plus critiques et les plus dangereuses peut-être lors de la création de l'état d'Israël. Si nous avons une certaine force de dissuasion aujourd'hui en Israël qui permet notre existence dans cette région, c'est grâce à la France. Mais la France ne doit pas oublier que c'est Israël qui partage avec elle les valeurs de base la démocratie, de la liberté, des droits de l'homme, de la femme. Nous partageons l'avenir de ce monde.

C'est au nom de cette amitié qu'il faut essayer de soutenir Israël dans un de ses conflits les plus difficiles. Je veux voir un gouvernement français, une communauté française, une société française qui comprend la complexité de la vie en Israël. Je veux voir la société française prête à soutenir l'État d'Israël dans ce conflit.