Président d’honneur du colloque, Charles Baron, par ailleurs membre de la Commission du Souvenir du CRIF, s’est présenté comme « celui qui doit transmettre, mais ne doit pas pleurer » Il a insisté sur la nécessité de la pédagogie, qui doit compléter la commémoration : « Raconter, voilà notre vocation première. Les commentaires viendront plus tard » Ses propos « Estimant que le pardon ne résout rien », ont trouvé écho auprès de Yolande Mukagasana, co-présidente d’honneur et survivante du génocide des tutsis. « Qui a reçu une procuration des morts pour pardonner ? a t-elle demandé, ajoutant : « Il ne suffit pas de créer des tribunaux pour se donner bonne conscience ». Elle a dénoncé l’insuffisance de l’action du Tribunal chargé de juger les crimes du Rwanda. « Yolande Mukagasana, a demandé que les mémoriaux du génocide rwandais soient inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Elle a également insisté sur la nécessité impérieuse de prévention et d’éducation : « la violence on l’a renie, mais on ne sait jamais jusqu’où elle peut aller, et qui peut être la prochaine victime ».
Intervenant sur l’évolution du concept de crime contre l’humanité, Michel Zaoui, membre de l’exécutif du CRIF, a dénoncé le risque de banalisation de la notion de crime contre l’humanité en raison de l’interférence du politique et du juridique. Il a rappelé que le crime contre l’humanité était un crime d’Etat, qui, dans une vision idéologique, vise un groupe ou un peuple et qui décide qui peut vivre ou ne pas vivre sur la terre. En 1964, le parlement français avait voté l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, de façon à pouvoir poursuivre des nazis qui avaient demandé à se réfugier en France. Trois procès (Barbie, Touvier et Papon) ont permis la mise à l’épreuve de cette notion. Mais lors du procès Barbie, aux côtés des parties civiles juives, les résistants ont pu se joindre à la procédure car les juges ont élargi la notion de crime contre l’humanité aux « opposants à la politique » d’un Etat hégémonique. La France avait refusé de voter des conventions internationales reconnaissant aux crimes de guerre un caractère imprescriptible : elle craignait que des militaires français qui avaient commis des crimes en Algérie ou ailleurs soient jugés.
Il eut été plus cohérent, moralement, juridiquement, politiquement que les résistants se portent parties civiles pour crimes de guerre et non pas pour crimes contre l’humanité. La confusion provoquée par cette situation a permis que le concept de crimes contre l’humanité soit revendiqué, à tort et à travers par des groupes divers de victimes. Michel Zaoui a souligné, par contre, l’influence positive du politique : la déclaration du 16 juillet 1995, dans laquelle Jacques Chirac a reconnu la responsabilité de la France dans la déportation des juifs de France, et qui a contribué à débloquer le judiciaire et mémoriel en disant que la France avait aussi des comptes à rendre ».
Ouvrant le colloque, le Grand Maître du Grand Orient Jean-Michel Guillardet, a invité les participants à rester des « sentinelles de la République, car la bête immonde est toujours prête à renaître ».
Le CRIF était représenté à ce colloque par Haïm Musicant, son directeur général. Le programme de cet événement avait été mis en place par un Comité scientifique, dont faisait partie Marc Knobel, qui a donné une contribution écrite dans laquelle il conclut: « Il y a des mots pour se rappeler au silence du monde. N’est-ce pas au fond l’une des leçons d’Auschwitz ? ». Les participants se sont vu offrir « Des mots sur l’innommable … Réflexions sur la Shoah », texte rédigé par le Grand Rabbin Gilles Bernheim pour les Etudes du CRIF.