Le CRIF en action
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Publié le 5 Novembre 2009

Mohammed Sifaoui au CRIF

La commission pour les relations avec les Musulmans s’est réunie le 3 novembre en présence du président Richard Prasquier, et sous la direction de son nouveau président délégué, Jean Corcos. Ses membres étaient venus écouter le journaliste franco-algérien Mohamed Sifaoui, venu présenter un exposé sur « Les menaces de l’islam radical ».




L’invité de la commission a d’abord retracé son parcours personnel : né dans une famille engagée pour l’indépendance du pays, mais francophone et francophile, il s’est toujours senti proche du courant démocrate, pris en étau entre les dirigeants successifs du pays et - à partir des années 80 -, la mouvance islamiste. Il a vécu la montée en puissance du F.I.S, puis la guerre civile des années 90, où il a vu assassiner de nombreux intellectuels et journalistes, échappant lui-même par miracle à un attentat contre son journal. Le retour de Bouteflika au pouvoir en 1999 et l’amnistie accordée à d’ex-terroristes ont été accompagnés d’une répression contre les démocrates : condamné à un an de prison, il a préféré quitter l’Algérie et venir vivre en France, où il n’a pas cessé depuis dix ans d’enquêter sur les mouvances islamistes, poussant ses enquêtes en Europe, en Afghanistan et au Pakistan.



Mohamed Sifaoui n’aime pas le terme « d’islam radical », considérant plutôt qu’il existe des « musulmans radicaux » tenant du « salafisme ». Ce courant remonte à l’école la plus rigoriste de l’islam, tenant d’une lecture littérale du Coran, qui a donné naissance successivement au wahabbisme en Arabie Saoudite, puis aux Frères Musulmans : et il faut le confronter idéologiquement, car sinon « ils ont un boulevard devant eux ». Il pense aussi qu’il ne faut pas surestimer leur importance numérique en France, car les 1.900 mosquées « ne peuvent contenir plus de 500.000 personnes lors de la prière du vendredi », la majorité des Musulmans de notre pays n’étant donc pas pratiquante (autres chiffres : la « grande manifestation » pour le foulard islamique à l’école qui n’a réuni que 15.000 personnes ; les journées de l’UOIF au Bourget qui rassembleraient 25.000 personnes ces dernières années).



D’où une question, qui allait revenir à plusieurs reprises lors du débat qui a suivi : pourquoi donc a-t-on l’impression que c’est ce courant qui est majoritaire dans notre pays, et pourquoi entend-on si rarement des Musulmans démocrates comme Mohamed Sifaoui ?
A cela il a donné plusieurs réponses : il y a des responsables d’émissions de télévision qui, idéologiquement, le rejettent ; d’autres, d’abord à la recherche d’un fort audimat, préfèrent des invités comme Tariq Ramadan, qui correspond mieux à l’image que se fait le grand public des Musulmans : quelqu’un « qui réfléchit sur la lapidation », et qui joue faussement les modérés en condamnant Ben Laden.
Les intellectuels « trop intégrés », comme Mohamed Sifaoui ou d’autres, n’intéressent pas car « ils sortent de leur case ». Pour avoir une tribune, il faut qu’ils publient, alors que les autres attirent les télévisions simplement en défendant la Burqa ou autres archaïsmes. Par ailleurs, il a exprimé deux craintes : d’abord, que ce refus de dépasser les stéréotypes corresponde à une vieille tradition xénophobe en France ; ensuite, que l’on tente depuis ces dernières années d’importer chez nous le modèle communautariste américain, mais en le transposant aux religions et où les populations vivraient séparées selon leur confession : à ce titre, il a dit trouver très inquiétant les prières dans l’espace public comme certaines rues ou le port de la Burqa qu’il a qualifiés « d’attentats contre les valeurs communes ».



A la fin de ce débat, Mohamed Sifaoui a dédicacé son dernier ouvrage, « Ben Laden dévoilé », une bande dessinée réalisée avec le dessinateur Philippe Bercovici (éditions 12 bis)
Photo : D.R.