Le CRIF en action
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Publié le 17 Novembre 2008

Moisi et Kaspi : Obama réconcilie Les Etats-Unis avec le monde

Dominique Moisi, conseiller spécial de l'IFRI (Institut français de relations internationales) et André Kaspi, Professeur émérite à la Sorbonne ont été invité par le CRIF à analyser l’élection du nouveau président des Etats-Unis, lors de l’Assemblée générale du CRIF qui s’est tenue à Paris, le dimanche 16 novembre 2008.


Dans un premier temps, Dominique Moisi est revenu sur l’élection à proprement dite. Selon lui, Barack Obama est un homme exceptionnel, même s’il est arrivé au pouvoir dans des circonstances exceptionnelles. Il faut rappeler à cet égard que l'embellie que le candidat républicain, John McCain, avait connue dans les sondages au début du mois de septembre 2008 a été stoppée net par la crise financière survenue après la faillite de la banque Lehman Brothers.
Dominique Moisi pense qu’il y avait de toute manière une sorte d’évidence statistique dans l’élection d’un démocrate après huit années de gouvernance républicaine et d’administration Bush. De plus, Barack Obama a su insuffler, parce qu’il est doté de qualités intellectuelles. Il a un fort caractère. Dans les difficultés, il a su faire preuve de pugnacité, de courage et de détermination. Il a su également gérer dans sa campagne électorale la modernité en s’adressant plus particulièrement aux jeunes, utilisant toutes les facettes de haute technologie et de l’Internet pour communiquer autrement et trouvant les fonds nécessaires. André Kaspi a rappelé pour sa part que près de 70% de l’électorat juif américain a voté pour le candidat démocrate. Il serait d’ailleurs faux de penser, estime-t-il, que les Juifs se américains -traditionnellement en grande majorité démocrate- se déterminent exclusivement en fonction d’Israël. Ce sont surtout les questions de politique intérieure qui préoccupent les Juifs américains.
Dans la seconde partie de son exposé, Dominique Moisi est revenu sur sa doctrine politique. Selon lui, Barack Obama est un pragmatique, partisan du compromis pour faire avancer ses idées et ses projets.
Sur le plan de la politique étrangère, il ne faut quand même pas attendre de grands bouleversements. Par contre, Barack Obama influera certainement pour que l’Amérique donne d’elle-même une autre image et qu’elle soit plus porteuse d’un message universel. La fermeture de la prison de Guantanamo, par exemple, modifiera à cet égard l’image de l’Amérique. Dans les grandes lignes, Barack Obama considère d’abord qu’en Afghanistan, la situation s’aggrave, à la suite de quoi probablement, estime Dominique Moisi, envisagera-t-il de négocier avec les Talibans. Il souhaite par ailleurs effectuer un retrait en 16 mois des troupes américaines de combat d'Irak, qui commencerait probablement dès sa prise de fonction.
Barack Obama a affiché aussi sa volonté de commencer un dialogue « sans préconditions » avec l’Iran, pour marginaliser Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien. Il affirme cependant après son élection qu'il considère le programme nucléaire iranien comme inacceptable. De toute manière, estime Dominique Moisi, Barack Obama ne voudra pas engager l’Amérique dans un autre front (avec l’Iran), alors que les Etats-Unis sont confrontés à une crise économique et sociale de grande ampleur.
Sur le conflit israélo-palestinien, le conseiller spécial de l’IFRI, a rappelé que, même si la situation géopolitique n’est pas claire au Proche-Orient (élections prochaines en Israël et dans l’Autorité palestinienne), Barack Obama essayera de relancer le processus de paix. En ce qui concerne les relations bilatérales USA – Israël, Dominique Moisi a rappelé que Barack Obama a prononcé durant la campagne électorale, le 4 juin 2008 à la conférence de l’Aipac (American Israel Public Affairs Committee) un discours dans lequel il apportait son soutien au statut de Jérusalem, comme capitale indivisible d’Israël. Enfin, il est probable qu’il durcisse le ton à l’égard de la Russie.
Dans une troisième partie, Dominique Moisi a estimé que Barack Obama est probablement conscient que l’Amérique a perdu de sa centralité économique et stratégique. Sa présidence intervient dans un contexte de guerre en Irak, de guerre en Afghanistan et d'une importante récession de l'économie américaine et de crise financière. Il ne faut probablement pas attendre que Barack Obama fasse des miracles, dans les conditions actuelles.
La grande force de Barack Obama, c’est sa capacité de se mettre à la place de l’autre, a conclu Dominique Moisi. Il va réconcilier les Américains avec eux-mêmes, et les Etats-Unis avec le reste du monde.