Le CRIF en action
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Publié le 22 Juillet 2010

Prasquier à Valérie Pecresse : «Nous sollicitons votre intervention, et un rappel des règles et des usages aux responsables universitaires»

Paris, le 21 juillet 2010




Madame le Ministre,



Le CIELAM (Centre Interdisciplinaire d'Etudes des Littératures d'Aix-Marseille) organisait en mars-avril 2011 un colloque sur « Ecrire aujourd’hui en Méditerranée, échanges et tensions », qui aurait dû avoir lieu à l’Université d’Aix. Ce colloque était le premier chapitre d’un programme à long terme sur les « inter-culturalités littéraires en Méditerranée », qui comprend un second colloque en 2013, et un certain nombre de séminaires. Ce colloque avait trois volets : une rencontre scientifique, une manifestation pédagogique (des classes de cinq collèges et de lycées travailleront sur certaines œuvres et viendront présenter leurs travaux au colloque), une manifestation culturelle (lectures, rencontres d’écrivains).



Dès le début, il avait été entendu que seraient invités des écrivains de tout le pourtour méditerranéen, dont entre autres quelqu'un d'Israël. Une universitaire avait alors proposé le nom d’Esther Orner et apparemment aucune objection n'avait été formulée. Esther Orner, d’origine belge, a émigré en Israël en 1950 à l’âge de treize ans. Elle a passé ensuite une vingtaine d’années à Paris. Depuis 1983, elle vit à Tel-Aviv, où elle enseigne la traduction à l’Université Bar Ilan. Aujourd’hui, Ester Orner est une voix majeure dans la littérature israélienne francophone contemporaine.



Malheureusement, en juin 2010, lors d’une dernière réunion, il a été dit que certains écrivains arabes, invités, ne viendraient pas si un écrivain israélien était présent. Devant la position des écrivains arabes en question, position qui heureusement n’était pas unanime, une universitaire proposa de démissionner du comité scientifique. Finalement, devant l’indignation et l’émotion légitime qui a été suscitée par cette affaire, le comité d’organisation du colloque « Ecrire en Méditerranée » a adressé un communiqué qui rappelle que les universitaires tenaient à la présence d’écrivains israéliens, mais qu’ils ont pris acte de l’impossibilité actuelle de la rencontre qu’ils avaient prévue. Dans un communiqué, le 20 juillet 2010, Jean-Paul Caverni, Président de l'Université de Provence Aix-Marseille I, a fort justement tiré les conclusions de cette affaire : « L’université étant universelle, toute entrave à l’universalité est contraire à l’essence de l’université. Tout universitaire qui met comme condition à sa participation à un colloque la non participation d’un autre universitaire falsifie l’esprit de l’université et par là-même s’en exclut. L’annulation du colloque « Ecrire aujourd’hui en Méditerranée : échanges et tensions », répond à un souci de respect de l’esprit universitaire, qui est d’abord un respect des personnes. On ne colloque pas avec qui exclut le dialogue ».



Si le CRIF se félicite donc de la décision d’annuler ce colloque et rend hommage aux autorités universitaires, nous constatons malheureusement que la mobilisation contre la présence d’intellectuels israéliens dans des colloques constitue l’un des volets les plus ritualisés de l’action militante contre Israël et le « sionisme », relayée largement, au-delà des groupes propalestiniens, par quelques organisations politiques ou culturelles de divers types, prétendument « antiracistes » ou « pacifistes ». Cette mobilisation prouve qu’un certain nombre d’irrédentistes refusent catégoriquement l’existence de l’Etat d’Israël.



C’est pourquoi nous sollicitons votre intervention, et un rappel des règles et des usages aux responsables universitaires. Seule, une vigilance accrue permettra à l’avenir d’empêcher que la liberté ne soit enterrée avec fleurs et couronnes de rhétorique soi-disant progressiste.



Je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’expression de ma haute considération.



Richard Prasquier,
Président du CRIF.



Photo : D.R.