Le CRIF en action
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Publié le 5 Février 2004

Principaux extraits du discours de Nicolas Sarkory, ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, au dîner du Crif de Toulouse-Midi-Pyrenées, lundi 2 février 2004

Chers amis,



Permettez-moi d'abord de vous adresser mes plus vifs remerciements pour m'avoir invité à participer à votre dîner de ce soir. Ce n'est un secret pour personne : je suis un ami fidèle de la communauté juive de France. Et quand on a des amis, on est content de leur rendre visite. En tant que ministre de l'intérieur, je suis allé au dîner du CRIF à Lyon, puis à celui de Nice. Je suis allé bien sûr au dîner de samedi dernier à Paris, comme les années précédentes. C'est une joie pour moi d'être ici ce soir, dans cette communauté de la région Midi-Pyrénées.

Votre communauté est inquiète et déconcertée. Elle le dit de manière diverse : parfois avec véhémence, au prix de certaines approximations sur les chiffres, parfois avec plus de nuances, mais jamais sans fermeté.

Ces inquiétudes sont légitimes et le gouvernement les comprend pleinement.

Au cours de l'année 2003, nous avons enregistré une baisse de 37% des violences antisémites sur l'ensemble du territoire national. 125 actions graves ont été recensées contre 195 en 2002. J'ai fait connaître ces chiffres à M. le ministre de l'intérieur d'Israël que j'ai rencontré mercredi dernier, car il m'a semblé que des informations erronées avaient pu être portées à la connaissance du gouvernement israélien.

Comme vous le savez, nous avons créé, avec la direction nationale du CRIF, un groupe de suivi permanent de ces violences et nous échangeons nos informations et nos statistiques sur un rythme hebdomadaire. Je crois que nous pouvons dire qu'il n'y a plus de désaccord entre nos chiffres et les vôtres.

Il n'en reste pas moins vrai que les facteurs d'inquiétude subsistent. 125 actions violences contre des juifs dans notre pays, c'est trop bien sûr, beaucoup trop. Nous ne sommes pas parvenu à redescendre sous le cap franchi au cours de l'année 2000. Par ailleurs, et c'est un motif réel de préoccupation, de trop nombreuses agressions concernent des mineurs et sont le fait de mineurs.

Je puis vous dire que la lutte contre l'antisémitisme constitue pour moi un objectif de première importance et le gouvernement dans son ensemble s'est engagé dans le même sens. Il n'y a pas une seule agression dont je ne sois pas précisément et immédiatement informé ; ce qui signifie, et c'est cela qui compte, qu'il n'y a pas une seule enquête de police qui soit négligée. Et chaque fois que je le peux, je souhaite rencontrer les victimes.

Car la question de l'antisémitisme n'est pas celle de la communauté juive. C'est celle de la communauté nationale. Pas seulement parce que la France a une dette imprescriptible à l'égard de la communauté juive, ni même parce que les juifs ont une place unique dans notre pays. C'est celle de la communauté nationale parce que l'histoire a malheureusement montré que l'antisémitisme était le mal absolu, l'archétype et la racine de la haine.

Cette détermination produit des résultats. En 2003, nous avons interpellé et présenté à la justice 93 auteurs ou suspects de violences ou de menaces antisémites. De nombreuses affaires, qui ont profondément ému nos concitoyens et vos familles, ont donné lieu à des réactions immédiates de nos forces de police. L'agresseur du rabbin Serfaty, insulté et frappé à Ris-Orangis, est actuellement en prison et il sera sanctionné. Ceux qui avaient maquillé le drapeau israélien avec des croix gammées ont été identifiés et font l'objet de poursuites. Les agresseurs du jeune Jordan à la patinoire de Boulogne ont été interpellés et placés en garde à vue dans les heures qui ont suivi. Ils sont actuellement mis en examen et font l'objet d'un contrôle judiciaire. Quant à leur camarade, qui s'était cru permis de prononcer par téléphone des menaces de mort à l'encontre de la jeune fille qui avait témoigné contre les agresseurs, il a été identifié le jour même et interpellé à la première heure le lendemain matin.

Du côté des sanctions judiciaires, des peines exemplaires sont prononcées :

- Cour d'Appel de Chambéry, fin 2003, 3 ans de prison pour violences antisémites ;

- Lyon, septembre 2003 : 6 mois fermes pour des dégradations contre la synagogue ;

- Lyon encore, en janvier 2004 : 6 mois fermes pour avoir lancé une pierre contre un père de famille juif et l'avoir insulté.

Enfin, le gouvernement exerce une extrême vigilance contre cet antisémitisme mondain qui croit pouvoir prospérer dans les médias et sur internet. A plusieurs reprises, des poursuites ont été engagées, par exemple à l'encontre de l'humoriste Dieudonné.

Alors, il est vrai que nous avons des insuffisances. Il n'est pas normal qu'un enfant soit victime pendant deux mois de violences antisémites dans un établissement scolaire de la République, comme cela s'est passé au lycée Montaigne à Paris, sans provoquer la moindre réaction de la communauté éducative. Trop d'infractions demeurent malheureusement non élucidées, comme l'agression de ces jeunes scouts en marge des manifestations contre la guerre en Irak.

Je peux vous dire toutefois que ma détermination est totale et que tous les moyens et toutes les instructions sont donnés à nos forces de police pour que la lutte contre l'antisémitisme soit menée sans faiblesse. Le gouvernement a également dégagé une enveloppe de 15 millions d'euros pour sécuriser les sites sensibles de la communauté juive, c'est-à-dire les synagogues, les écoles confessionnelles et les centres communautaires, notamment grâce à la vidéosurveillance. Car, la première des politiques pour lutter contre l'antisémitisme et terrasser la bête immonde est d'élucider les infractions, interpeller les suspects et condamner les auteurs. La meilleure des préventions est la certitude de la sanction.

Je tiens à vous dire également que je réfute totalement la notion d'affrontements communautaires, parfois utilisée pour qualifier l'antisémitisme en France.

Je la réfute d'abord parce que je me refuse à rentrer dans un quelconque processus d'explication du racisme. Celui qui n'aime pas les juifs a le même visage que celui qui n'aime pas les arabes. C'est le visage de la haine. Et il n'y a aucun rapport entre la politique de Sharon et l'agression d'un jeune juif dans une patinoire.

Je la récuse aussi parce que c'est un fait que les juifs n'agressent personne.

Au-delà de la répression, il faut également, et d'urgence, restaurer l'école comme un lieu d'apprentissage de la tolérance et de rejet absolu du racisme et de l'antisémitisme. Des mesures éducatives ont été entreprises par le ministre de l'éducation nationale et un plan de lutte contre les violences antisémites en milieu scolaire et périscolaire va être mis en place sous l'autorité de mon ministère, de celui de la justice et de celui de l'éducation nationale.

Certaines collectivités territoriales organisent chaque semaine ou chaque mois des visites du camp d'Auschwitz pour les collégiens ou les lycéens. Nous devons soutenir ces initiatives. Un enfant qui a vu l'inimaginable n'aura plus jamais besoin qu'on lui explique qu'on ne peut pas dire "j'aime pas les juifs".