Le CRIF en action
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Publié le 17 Juillet 2009

Selon la Cour européenne des Droits de l’Homme, un élu ne peut se prévaloir de la liberté d’expression pour inciter au boycott de produits israéliens

A l’époque des faits, Jean-Claude Fernand Willem était le maire (communiste) de la commune de Seclin. Le 3 octobre 2002, au cours d’une réunion du conseil municipal et en présence de journalistes, M. Willem annonça son intention de demander à ses services de boycotter les produits israéliens sur le territoire de la commune. Il affirma avoir pris cette décision pour protester contre la politique menée par le gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien. Des représentants de la communauté juive du département du Nord déposèrent une plainte auprès du ministère public qui décida de poursuivre le requérant pour provocation à la discrimination nationale, raciale et religieuse, sur le fondement des articles 23 et 24 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881. Relaxé par le tribunal correctionnel de Lille, M. Willem fut condamné en appel le 11 septembre 2003 à une amende de 1.000 euros (EUR). Son pourvoi en cassation fut rejeté.




La Cour européenne des droits de l’homme a communiqué le 16 juillet 2009 par écrit son arrêt de chambre dans l’affaire Willem c. France (requête no 10883/05, introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 17 mars 2005) concernant la condamnation du maire de Seclin pour avoir incité au boycott de produits israéliens.



M. Willem estime que son appel au boycott de produits israéliens s’inscrivait dans un débat politique portant sur le conflit israélo-palestinien et relevant sans conteste de l’intérêt général. Sa condamnation constituerait par conséquent une violation de sa liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention. La Cour conclut, par six voix contre une, à la non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.



La Cour relève que l’ingérence dans la liberté d’expression du requérant était prévue par la loi, car elle se fondait sur les articles 23 et 24 de la loi de 1881 sur la presse, et qu’elle était motivée par un but légitime, celui de protéger les droits des producteurs israéliens. Elle rappelle que pour qu’une ingérence dans la liberté d’expression, notamment d’un élu, soit conforme à la Convention, il faut qu’elle soit « nécessaire dans une société démocratique ». A l’instar des juridictions françaises, la Cour constate que M. Willem n’a pas été condamné pour ses opinions politiques mais pour avoir incité à un acte discriminatoire et de ce fait condamnable. La Cour note également que, selon le droit français, le requérant ne pouvait se substituer aux autorités gouvernementales pour décréter le boycott de produits provenant d’une nation étrangère et, par ailleurs, que la peine infligée était d’une relative modicité. Elle conclut par conséquent que l’ingérence litigieuse était proportionnée au but légitime poursuivi et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10.


Photo : D.R.