Le CRIF en action
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Publié le 9 Novembre 2010

Stephen Harper : «Nous devons lutter contre l'antisémitisme au-delà de nos frontières»

« Membres du Comité directeur, Collègues parlementaires, Mesdames et Messieurs, je commencerai par vous dire combien je suis heureux de vous voir si nombreux venus ici du monde entier pour la deuxième conférence annuelle de la Coalition interparlementaire de lutte contre l'antisémitisme.




C'est un signe, non seulement de votre engagement à notre cause commune, mais aussi de l'élan créé à la Conférence de Londres l'an dernier. C’est aussi, par conséquent, un grand signe d'espoir.



L'histoire nous enseigne que l'antisémitisme est une forme de haine tenace et particulièrement dangereuse. Et des événements récents montrent que cette haine est désormais en résurgence dans le monde entier. Le travail de la Coalition interparlementaire de lutte contre l'antisémitisme n'a donc jamais été aussi important ou opportun.



Au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens, je vous félicite et vous soutiens dans la grande et importante œuvre que vous accomplissez.



Je tiens à remercier le ministre Jason Kenney, d'avoir invité la Coalition à Ottawa, et du leadership exceptionnel dont il fait preuve dans la lutte contre l'antisémitisme.



Je voudrais également remercier l’ami qui m’a présenté, Scott Reid, qui préside la Coalition parlementaire canadienne de lutte contre l'antisémitisme, et le vice-président Mario Silva, qui ont organisé la conférence.



Et je tiens enfin à remercier tous mes collègues du Parlement ici présents, dont le professeur Irwin Cotler, pour leur dévouement à votre mission.



Mesdames et Messieurs, chers Collègues, il ya deux semaines j'ai visité l'Ukraine pour la première fois.



À Kiev, j’ai déposé une couronne au Babi Yar, le site de l'une des nombreuses atrocités de l'Holocauste. Je me suis senti là comme à Auschwitz en 2008, en ayant l’impression que de telles horreurs défient toute compréhension.



Je savais que sur ce site, je me trouvais dans un endroit où s’était déployé tout le mal - dans ce qu’il a de plus cruel, d’obscène et de grotesque. Mais si un mal de cette ampleur peut être inconcevable, il est néanmoins réel.



C’est un fait historique. Et c'est un fait de notre nature - de pouvoir choisir d'être inhumain. Tel est le paradoxe de la liberté. Ce formidable pouvoir, cette grave responsabilité - de choisir entre le bien et le mal.



N'oublions pas que, même dans les heures les plus sombres de l'Holocauste, on était libre de choisir le bien. Et certains l'ont fait. C'est l’éternel témoignage des Justes parmi les Nations. Et n'oublions pas que, même maintenant, il y a ceux qui choisiraient le mal et lanceraient un autre Holocauste, si on les laissait faire. C'est le défi auquel nous devons faire face aujourd'hui.



L'horreur de l'Holocauste est unique, mais ce n'est qu'un chapitre dans l‘histoire longue et ininterrompue de l'antisémitisme. Mais, dans les débats contemporains qui influencent le sort de la patrie juive, malheureusement, il y a ceux qui rejettent le langage du bien et du mal. Ils disent que la situation n'est pas noir et blanc, qu'il ne faut pas choisir son camp.



Face à la résurgence de cette ambivalence morale, nous devons parler clairement. La commémoration de la Shoah n'est pas simplement un acte de reconnaissance historique.



Ce doit être aussi une compréhension et un engagement. La compréhension que les mêmes menaces existent aujourd'hui. Et l’engagement solennel de lutter contre ces menaces.



Dans de nombreuses régions du monde et des contextes très divers, les Juifs sont aujourd'hui de plus en plus soumis aux actes de vandalisme, menaces, insultes et aux vieux mensonges.



Permettez-moi d'attirer votre attention sur certaines tendances particulièrement inquiétantes. L'antisémitisme gagne du terrain dans nos universités, où les étudiants juifs font quelquefois l’objet d'attaques. Et, dans l'ombre d'une idéologie haineuse aux ambitions mondiales et qui prend la patrie juive pour bouc émissaire, les juifs sont sauvagement attaqués partout dans le monde - je pense par exemple à l’effroyable attentat de Mumbai en 2008.



Un impitoyable tenant de cette idéologie menace effrontément de « rayer Israël de la carte », tout en faisant fi à maintes reprises des obligations que son pays a prises en vertu des traités internationaux. Je pourrais continuer, mais je sais que vous serez d'accord sur un point : tout cela n'est que trop familier.



Nous avons déjà vu tout cela. Et notre complaisance est inexcusable. En fait, nous avons le devoir d’agir. Et cette action doit commencer chez soi.



Au Canada, nous avons pris un certain nombre de mesures pour évaluer l'antisémitisme et lutter contre lui. Vous entendrez sans doute parler, par mes collègues canadiens, des mesures que nous avons prises à ce jour.



« Je mentionnerai pour l'instant que, pour la première fois, nous nous occupons des propres antécédents du Canada dans l'antisémitisme officiellement sanctionné. Nous avons créé un fonds pour l'éducation sur le rejet délibéré par notre pays des réfugiés juifs avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.



Mais nous devons bien sûr, lutter contre l'antisémitisme au-delà de nos frontières, puisqu’il s’agit d’un nouveau phénomène mondial. Et nous devons reconnaître, que s’il est en substance aussi brutal que jamais, ses méthodes sont aujourd’hui plus sophistiquées.



En exploitant les idéologies antisémites, antiaméricaines et antioccidentales, il vise le peuple juif en désignant sa patrie, Israël, comme la source de l'injustice et des conflits mondiaux, et utilise pour ce faire et de manière perverse, le langage des droits de la personne.



Nous ne devons cesser d’exposer ce nouvel antisémitisme pour ce qu'il est. Comme tout autre pays, Israël peut, bien sûr, faire l’objet de critiques justes. Et comme tout pays libre, Israël peut lui-même se soumettre aux critiques que suscite un débat démocratique sain et nécessaire. Mais quand Israël, le seul pays au monde dont l'existence même est attaquée, fait l’objet d’une condamnation constante et ouverte, je crois que nous sommes moralement tenus de prendre position. Il est de notre devoir à nous tous de nous élever contre la diabolisation, les « deux poids deux mesures » et l’atteinte à sa légitimité dont il fait l’objet.



Et je le sais, soit dit en passant, pour en avoir payé le prix. Que ce soit à l'Organisation des Nations Unies, ou sein de toute autre instance internationale, il est facile de suivre ces discours anti-israéliens, sous prétexte d'impartialité et en se targuant d’être un « courtier honnête ». Après tout, cela rapporte beaucoup plus de votes d’être anti-israélien que de prendre position. Mais tant que je serai Premier ministre, que ce soit à l'ONU ou dans la Francophonie ou n'importe où ailleurs, le Canada prendra cette position, quel qu’en soit le coût. Et Mes amis, je dis cela non seulement parce que cela est juste, mais parce que l'histoire nous enseigne, et l'idéologie du mouvement anti-israélien ne le dit que trop bien si nous l’écoutons, que ceux qui menacent l'existence du peuple juif sont, à terme, une menace pour nous tous.



J’ai parlé du paradoxe de la liberté. C'est la liberté qui nous rend humains. Qu’elle nous conduise à l'héroïsme ou à la dépravation dépend de la façon dont nous l’utilisons.



Alors que grandit le spectre de l'antisémitisme, notre responsabilité est de plus en plus claire. Nous sommes des citoyens de pays libres. Nous avons le droit, et donc l'obligation, de parler et d’agir. Nous sommes des citoyens libres, mais aussi les représentants élus de peuples libres. Nous avons le devoir solennel de défendre les plus vulnérables, de contester les agresseurs, de protéger et de promouvoir les droits de la Personne et la dignité humaine, chez nous et à l'étranger. Aucun de nous ne sait réellement si nous choisirions de faire le bien, dans les circonstances extrêmes des Justes. Mais nous savons qu’il y a aujourd'hui ceux qui choisiraient de faire le mal, si on les laissait faire. Ainsi, nous devons utiliser notre liberté dès aujourd'hui, et les contrer de même que l’antisémitisme sous toutes ses formes.



Voilà, Mesdames et Messieurs, l’objet de notre intervention d’aujourd'hui : notre détermination commune à confronter cette terrible haine. Le travail que nous avons entrepris, dans nos propres pays et en collaboration les uns avec les autres, est un signe d'espoir.



Notre action commune est un signe d'espoir, tout comme l’existence et la persistance de la patrie juive. Et c'est ici que l'histoire sert non pas à nous alerter mais à nous inspirer.



Comme je l’ai dit à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de l'État d'Israël, Israël apparaît comme une lumière, dans un monde émergeant d’une obscurité profonde. Contre toute attente, cette lumière n'a pas été éteinte. Elle brille confortée par les principes universels de toutes les nations civilisées- la liberté, la démocratie et la justice.



En collaborant plus étroitement dans la famille des nations civilisées, nous affirmons et renforçons ces principes. Et nous déclarons notre foi dans l'avenir de l'humanité, dans la puissance du bien sur le mal.



Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour répandre cette foi.»



Déclaration du Premier ministre du Canada à la conférence d'Ottawa sur la lutte à l'antisémitisme, lundi 8 novembre 2010.



Photo : D.R.



Source : www.pm.gc.ca