Le CRIF en action
|
Publié le 20 Juillet 2007

Toulouse commémore la rafle du Vel’d’Hiv

La cérémonie officielle de la Commémoration de la Rafle du Vel’d’Hiv s’est déroulée devant le Monument de la Résistance et de la Déportation à Toulouse, lundi 16 juillet. Cette cérémonie a rassemblé 300 personnes.


En hommage aux victimes, le Préfet Jean-François Carenco, le Général Marc Duquesne et de nombreuses personnalités civiles et militaires étaient présentes.
Six gerbes ont été déposées par le Préfet, Yvette Benayoun-Nakache qui représentait le Conseil Régional Midi-Pyrénées, Jean-Jacques Mirassou qui représentait le Conseil Général, Jean Diebold pour la Mairie de Toulouse, Eric Zerbib, Président du CRIF Midi-Pyrénées, et par la délégation des Tsiganes.
A la suite des allocutions du Préfet Jean-François Carenco et d’Eric Zerbib, ont retenti la Marseillaise, le Chant des Partisans et le Chant des Marais. Une visite de la crypte a clôturé cette cérémonie.
Enfin, la communauté s’est recueillie rue de la Pomme à Toulouse à la mémoire de Thomas Bauer et Sarah Fixman, deux jeunes résistants juifs arrêtés et exécutés par la milice française le 22 juillet 1944. Roger Attali, Président de la Commission Mémoire du CRIF Midi-Pyrénées, a rappelé dans son discours l’histoire de ces deux jeunes résistants.
******
MESSAGE DE MONSIEUR LE PREFET DE REGION MIDI-PYRENEES
PREFET DE LA HAUTE-GARONNE
C’est avec une profonde émotion que nous sommes rassemblés aujourd’hui et qu'au nom de l'Etat, je suis avec vous pour honorer, encore et toujours, la mémoire des hommes, des femmes et des enfants juifs ou tziganes tous victimes de traitements inhumains du régime nazi et pour la plupart morts dans l’horreur et la barbarie.
L’été 1942 marque le souvenir d’une tragédie ignoble. Si le XXème siècle fut le siècle de progrès comme l’humanité n’en a jamais connus, il fut aussi celui des malheurs immenses. La détresse, la souffrance, la mort ignoble, aucun mot ne suffit à exprimer la douleur. 76 000 déportés juifs sont arrêtés en France dont 20 000 dans nos régions simplement parce qu'ils étaient juifs. Nous devons absolument garder la mémoire des rafles survenues au plus près de nous à Noé dans les quartiers du Récébédou à Portet-sur-Garonne et de Bourrasol à Toulouse. Presque aucun enfant ne reviendra de cet enfer, quelques adultes seulement y survivront. Ceux qui en ont échappé parlent d’humiliation, de trahison, d’abandon et de désarroi moral. En cet instant de recueillement, nous devons nous rappeler la douleur et l'horreur. Nous devons garder le souvenir de ces victimes qui n'avaient commis aucun crime, si ce n'est celui d'exister.
Par ces temps d’épouvante, une telle haine fit heureusement jaillir la Révolte. Monseigneur SALIEGES de Toulouse et de nombreux anonymes «Justes de France» se mirent spontanément à la disposition du peuple opprimé et martyre. Ils s’unirent afin de le protéger. Au risque de leur vie, ils ont recueilli, caché, dans les conditions difficiles de l’occupation, des familles entières privées de tout.
Nous devons nous rappeler chaque jour que notre liberté est précieuse, qu'elle est sans cesse menacée. La France fidèle à ses valeurs de justice, de tolérance ne doit pas oublier, car c'est leur tombeau qui est le socle de notre avenir.
Le passé aussi nous incite à construire l’avenir dans le respect absolu de l’autre. Plus qu’hier et moins que demain, il nous appartient de combattre la haine et l’intolérance. La France, terre des droits de l’homme, combat avec force et vigueur le racisme, la xénophobie et toute forme de violence.
Ainsi que l’a écrit Simone Veil "aujourd’hui en refusant l’oubli du passé, c’est pour un avenir de paix et de fraternité que nous devons tous ensemble œuvrer ". Jamais je n'oublierai cette courte phrase d'une déportée : "Ils ont mis nos mères nues et nos mères n'étaient plus nos mères".
Je vous remercie d’être venus aujourd’hui, unis dans la même émotion et le même recueillement pour que vive notre République toujours et que vive la France.
*******
ALLOCUTION D’ERIC ZERBIB, PRESIDENT DU CRIF
Nous voilà réunis ici, comme chaque année, par un devoir sacré de mémoire.
La commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv. a pris désormais un caractère national. Un fait officialisé par la Déclaration du Président Jacques Chirac sur les responsabilités de l’Etat Français dans la déportation et l’extermination de plus de 76 000 juifs français et étrangers.
C’était il y a 65 ans, le démarrage du grand massacre des Juifs d’Europe.
La rafle du Vélodrome d’Hiver cyniquement appelée « Opération Vent Printanier » débute à Paris et en région parisienne le 16 juillet 1942 à 4 heures du matin jusqu’au 17 juillet en fin de journée.
12 884 Juifs dont 5 082 femmes et 4 051 enfants sont brutalement arrêtés par 9 000 hommes des forces de l’ordre du régime de Vichy, des policiers et des gendarmes français, en uniforme.
Cette rafle faisait suite à deux ans de mise à l’écart, d’humiliations et de spoliations des juifs par un statut spécial, inique et honteusement discriminatoire, transformant les Juifs en gibier à traquer.
Et parmi ces Juifs tant d’enfants dont l’humanité pouvait attendre des savants ou des poètes ou plus vraisemblablement des êtres ordinaires, mais des enfants sans descendance, des enfants martyrs sans sépulture, tous partis si vite dans les chambres à gaz et pas un seul survivant parmi ces 4 051 enfants.
Les célibataires et les couples sans enfant sont immédiatement expédiés en Allemagne ou en Pologne via Drancy.
Les familles avec enfants sont internées au Vélodrome d’Hiver, rue Nélaton, sous l’immense verrière, presque sans eau, dans des conditions de promiscuité et d’hygiène déplorables pendant plusieurs jours et même quelques semaines avant d’être embarquées vers les différents camps de Drancy, Beaune-la-Rolande et Pithiviers, antichambres de ce que les documents administratifs français appellent pudiquement « une destination inconnue » et que les enfants juifs détenus à Drancy désignent sous le nom imaginaire et poétique de Pitchi-Poï : ce sont en fait les camps d’extermination de masse, d’Auschwitz, Chelmno, Sobibor, Treblinka (la liste est tragiquement longue) nés de la pensée malade des participants à la conférence de Wannsee de janvier 1942, réunis sous l’autorité de Heydrich, qui mirent au point les modalités de la « solution finale de la question juive » et décidèrent de « passer l’Europe au peigne fin, afin d’en éradiquer jusqu’au moindre de ses Juifs. »
La folie criminelle nazie est venue mettre en question l’essence même de l’Humanité et Auschwitz demeurera dans l’histoire des hommes comme une immense et terrible déchirure.
Le meurtre de masse a été conçu, planifié et réalisé de façon scientifique, systématique et méthodique par un appareil d’Etat sophistiqué qui ne souffre aucune comparaison.
Extermination de tout un peuple sur tout un continent qui a constitué pour la civilisation occidentale ce que la philosophe Hanna Arendt nomme « une tradition éclairée rompue par la barbarie ».
Il y a donc des morts qui ont des droits sur les vivants selon l’injonction d’Elie Wiesel qui constate avec amertume que « le monde n’a malheureusement pas tiré la leçon de la Shoah ».
L’entreprise nazie et collaborationniste reposait sur le mensonge absolu et le retournement des valeurs. Le portail du camp d’Auschwitz ne portait-il pas cette sinistre devise « le travail rend libre » ? « C’est parce que la haine et le mensonge furent les outils fondamentaux de leur mort que la vérité historique leur est due » affirme Simone Weil.
Le Juif, figure ontologique du Mal était indifféremment désigné dans la logomachie nazie comme une vermine, une sangsue, un bacille ou un poison et devait donc, à ce titre, être éradiqué.
Il s’agissait là d’une nécessité de salubrité planétaire. Et la logique antisémite ne peut que se conforter dans la certitude que ce crime n’est pas un crime et que les bourreaux ne sont coupables de rien puisqu’à Auschwitz, on n’a exterminé que des poux selon l’écœurante terminologie révisionniste et négationniste des Faurisson et autres Garaudy.
Plus de soixante ans après, n’est-ce pas la même haine, le même délire, la même logique, la même terminologie qu’utilise aujourd’hui le président iranien Ahmadinedjad qui appelle à la destruction du chancre qu’est Israël et à l’extermination des Juifs infidèles et qui vient de réunir il y a quelques mois à peine, une pseudo conférence mondiale sur le génocide des Juifs pour tenter de démontrer que « la Shoah est un mensonge mis au service des visées hégémoniques sionistes ».
Au 21ème siècle, des jeunes se font enlever et assassiner parce que Juif. Permettez-moi de rappeler ici devant vous la mémoire du jeune Ilan HALIMI.
En France, enlevé, martyrisé, torturé, et enfin tuer, et ce afin de lui soutirer quelques argents, à lui ou à sa famille, car dans l’esprit de ses ravisseurs-assassins, les juifs ont de l’argent !
Comment sa mère, petite secrétaire, aurait elle pu payer une quelconque rançon ?!.... .
Oui mais voilà, les préjugés ont la peau dur… .
En Israël, trois soldats – Guilad SHALIT, Eldad REGUEV, et Ehoud GOLDVASSER - kidnappés sur le territoire israélien, et ce depuis plus d’un an déjà, sans que leurs familles aient quelques nouvelles.
Trois jeunes soldats enlevés pourquoi ? Parce que Juifs !
Trois jeunes soldats enlevés par qui ? Par des organisations terroristes comme le H’amas ou le Hezbollah, lequel est actuellement reçu à Paris dans le cadre d ‘une réunion interlibanaise.
Rappelons que cette organisation terroriste refuse de livrer toute information sur le sort, au mépris du droit de la guerre, des conventions internationales, ainsi que de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité des Nations Unies!;
Pourquoi cette différence de traitement entre les soldats israéliens enlevés sur le sol national, alors qu’ils n’étaient pas en mission, et la dizaine de soldats anglais capturés par des passe darans iraniens, traités et relâchés conformément au droit de la guerre, par le régime du diabolique Président AMADINEDJAD ? Parce que Juifs encore !
A l'heure où des représentants du Hezbollah sont invités sur le territoire de la République, nous tenons à réaffirmer que le Hezbollah est une organisation terroriste, comme l'a récemment déclaré le Président de la République.
Nous affirmons qu’inviter le Hezbollah à Paris, alors qu’il détient en otage deux soldats israéliens, qu’il ne permet pas au Comité International de la Croix Rouge de rendre visite à ces deux soldats ni ne donne la moindre garantie sur leur état de santé, n’est pas rendre service à la paix, aux Nations libres, et à l’Humanité !
Nous rappelons que des civils et militaires français ont été victimes du terrorisme du Hezbollah, notamment lors de l’attentat du Drakkar en 1983.
Qui s’inquiète vraiment aujourd’hui de ces situations difficiles à travers le monde, y compris sur notre sol national ? La poltronnerie et l’hypocrisie diplomatiques tout comme les intérêts économiques sont érigés en vertus munichoises.
Le silence du monde est assourdissant au Darfour comme il le fut au Rwanda et en Bosnie en son temps, et l’incantation est honteusement préférée à l’action.
Pourtant dire la vérité, transmettre la mémoire, évoquer les heures sombres, c’est rappeler à chacun et en premier lieu aux jeunes, que le pire n’est jamais loin, tapi dans l’ombre et que la liberté, l’égalité et la fraternité sont un rude combat à mener chaque jour de façon déterminée.
Mais dire la vérité, c’est raconter aussi le courage admirable de tous celles et ceux qui ont su dire non, qui ont su rester debout, en harmonie avec leur conscience.
Dire la vérité, c’est raconter les Justes, ces hommes et ces femmes anonymes, ces villages entiers qui ont caché des Juifs, au péril de leur vie. En ces temps troublés de l’Occupation et de la collaboration, ne pas s’opposer c’était prendre parti, se taire c’était acquiescer ou se soumettre.
Malgré le silence pour le moins ambigu du pape Pie XII, des membres ordinaires et éminents du clergé catholique de France, mais également des pasteurs de l’Eglise protestante ont bravé les difficultés et les risques pour s’opposer aux persécutions décrétées à l’égard des Juifs. Des curés, des moines, des archevêques, des sœurs de congrégations religieuses, mais aussi des fonctionnaires, des policiers, des boutiquiers, des agriculteurs ont incarné la dignité et la conscience en cachant et en sauvant des Juifs ce qu’exprime le Père Riquet dans une note à l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques « un scandale pour la conscience chrétienne aussi bien qu’un défi à l’intelligence française ».
Une cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat Français ne pouvait prendre tout son sens humain et pédagogique que couplée avec un hommage légitime aux Justes.
« La lutte contre l’antisémitisme, c’est l’affaire des non-juifs » disait Jean-Paul Sartre et c’est une question de principe qui ne souffre aucune condition.
C’est pourquoi, à la lumière des récents sondages et statistiques sur les actes antisémites en France, l’on peut légitimement s’inquiéter d’une dérive bien plus insidieuse et dangereuse que le négationnisme, qui est celle de l’amalgame, de la banalisation et de l’indifférence.
Auschwitz est le signe le plus tragique de la faillite vertigineuse de l’humanisme occidental.
Soyons les sentinelles vigilantes de l’avenir.
Pensons et agissons de sorte qu’Auschwitz ne se répète pas.
Et pour ne jamais oublier que la lumière succède toujours aux Ténèbres, Albert Camus nous suggère que « seule l’obstination de la Mémoire et du Témoignage peut répondre à l’obstination du Crime Absolu ».