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qu'un nouvel horizon s'ouvre, apaisé, et serein pour le dialogue entre les hommes, pour la connaissance et la compréhension mutuelle, car l' Humanité est une
Le 16 juillet 1942, la France de Vichy commettait l’acte irréparable qui la mettrait au ban de l’histoire pour l’éternité. Sur ordre du gouvernement français de l’époque, et avec la participation active des forces de police et de la préfecture de Paris, 13 152 juifs dont 4051 enfants vont être raflés pour la plupart au petit matin, sans autre issue que de suivre leurs représentants de l’ordre vers un enfer dont ils n’avaient aucune idée.
Arrêtés, transportés, puis parqués au vélodrome d’hiver de Paris, ces hommes, ces femmes, ces enfants vont attendre des heures et des jours interminables qu’une main occulte décide de leur sort.
En revoyant les rares documents de l’époque, mais aussi le film de Roselyne Bosch, « La Rafle », on prend la mesure de la déshumanisation des juifs pour la seule et bonne raison qu’ils étaient juifs.
Et pourtant, malgré l’horreur véhiculée par l’image, on doit se persuader que la réalité dépassait de très loin ce que les documents abandonnent à l’imagination.
Manque d’eau, manque de sanitaire, manque de nourriture, un lieu nu.
Et si la Police de Vichy avait donné des conditions décentes de détention, l’issue fatale aurait-elle été différente ?
C’est précisément la haine véhiculée par l’idéologie nazie, et reprise par le gouvernement antisémite de Vichy, c’est précisément cette haine irrépressible, irrationnelle, qui s’exprimait dans la mise en scène de déshumanisation des juifs du Vel d’Hiv.
Ils n’étaient plus rien, ils ne valaient rien, ils ne valaient plus rien !
Comme on arrache de mauvaises herbes sans état d’âme, les fonctionnaires zélés, supplétifs de la Gestapo, ont arraché les mauvais ferments de la société, en croyant follement que la société française, que l’Europe, que le Monde, en serait purifié.
Au terme d’un calvaire local qui coutera sur place la vie à quelques centaines de personnes parmi les plus fragiles, personnes âgées et enfants, au terme de ce premier calvaire, ces juifs seront envoyés aux confins de l’Europe, dans un lieu aux noms inconnus d’eux, Auschwitz, Birkenau, Treblinka, et d’autres encore.
Ces noms, aujourd’hui, sonnent à nos oreilles comme autant de noms familiers, lieux d’infinie tristesse, lieux de mémoire, lieux où l’oubli est interdit.
Les juifs d’Europe, les juifs du monde entier, ont difficilement, mais surement surmonté l’épreuve, pansé leurs plaies ; mais la cicatrice est là.
Et les numéros matricules, comme autant de marques réservées aux bestiaux, disparaissent, les uns après les autres.
Nous sommes les enfants de ces hommes et de ces femmes, de ces vieillards et de ces enfants, assassinés sans avenir.
Nous sommes les dépositaires de leur mémoire et nous donnons souffle à leur évocation, à la part de vie que la folie des hommes leur a arrachée.
Mais l’humanité est incorrigible. La Shoah n’a pas été le dernier génocide de l’histoire humaine. Il en est, certes, le plus dramatique par son ampleur, par sa planification, par la rage froide qui animait ses bourreaux.
Toutefois, nous n’oublions pas que la Shoah a emporté à ses côtés, une grande partie du peuple tzigane, des centaines de milliers d’handicapés, physiques et mentaux, des homosexuels, des déviants politiques, tous ceux qu’une idéologie d’une supériorité de la race avait relégués au rang de sous-hommes.
D’aucuns auraient pu penser après la Shoah, que l’humanité reconnaitrait le juif comme une, parmi tant d’autres, des figures humaines.
Après la reconnaissance en 1995, par Jacques Chirac, Président de la République, de la responsabilité de la France, dans la déportation des juifs de France, nous étions, juifs et non juifs, tous ensembles, citoyens français, tous enfants de la République, nous étions plein d’espoir.
L’espoir que la Société française serait un espace exemplaire et propice au vivre ensemble, sans différence, sans barrières, sans suspicion.
Il faut aujourd’hui déchanter.
L’antisémitisme bourgeois et intellectuel existe et fleurit au quotidien dans nos villes.
De plus, il faut reconnaître, comme le rappelait Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, sur une radio parisienne :
»La France connaît la résurgence d’un antisémitisme marginal, mais bien vivant, résurgent de là où on ne l’attendait pas. Cet antisémitisme nouveau n’est plus le fait d’une idéologie fasciste et n’est plus nourri des accusations vieillies de peuple déicide.
L’antisémitisme est une offense à la République. »
Il fleurit aujourd’hui dans certaines banlieues d’immigration arabo-musulmane où la haine du juif constitue l’exutoire d’une précarité économique, d’une misère sociale et d’une rancœur culturelle.
Certes, la vie des juifs n’a pas été facile en terre d’Islam, et principalement en Afrique du Nord, comme l’explique brillamment, l’historien Georges Bensoussan dans son dernier ouvrage : «JUIFS EN PAYS ARABES, Le grand déracinement. »
Toutefois, les juifs et les musulmans, arabes ou non, ont réussi à vivre, à coexister, à construire une civilisation brillante pendant près de 15 siècles.
Beaucoup de juifs d’Europe auraient envié la vie de leurs frères en terre d’Islam.
La fanatisation de jeunes, en situation d’échec, conduit à désigner aujourd’hui le juif comme le bouc émissaire, comme le responsable de leurs difficultés, et bien au-delà, comme la cause de tous les maux de la planète.
Le cas de Mohamed Mera avait plusieurs précédents : l’attentat de la rue Copernic, visait aussi des juifs, mais ses auteurs n’étaient pas des musulmans français. C’était des terroristes internationaux palestiniens ou libanais.
Il s’agissait de Carlos dans le cas d’un terrorisme politique, mais où les juifs déjà, étaient considérés comme les représentants de l’Etat d’Israël.
L’antisémitisme nouveau auquel nous nous trouvons confrontés, s'est exprimé avec la plus extrême des violences, aussi inattendues qu'imparables par l'assassinat d'Ilan Halimi.
Souvenons-nous!
Le 21 janvier 2006, un jeune juif est enlevé par un gang autoproclamé, gang des barbares.
Au prétexte que sa judéité faisait obligatoirement de lui et de sa famille des gens riches susceptibles de payer une rançon,
au prétexte primaire ou secondaire que la précarité de nos concitoyens d'origine africaine et maghrébine aurait quelque chose à voir avec la prétendue réussite des juifs et avec l'existence de l'État d'Israël, ce gang, nourri des images les plus éculées des juifs et du judaïsme, ce gang va s'acharner pour faire vivre un calvaire à Ilan Halimi, dont l'issue sera fatale.
Les agressions physiques ont repris de plus belle depuis l'attentat de Toulouse.
Nous pourrions, et nous devons faire preuve d'optimisme, en nous persuadant, à juste titre, que la très grande majorité de nos concitoyens arabo-musulmans, africains ou antillais ne sont pas antisémites.
Toutefois, la vigilance s'impose.
Tous les responsables politiques, tous les dirigeants d'associations, tous les animateurs socioculturels ou sportifs, doivent s'impliquer dans la dénonciation et dans la lutte contre l'antisémitisme, dont l'expression actuelle pourrait amener la République française à perdre ses idéaux de liberté, de fraternité, et d'égalité, dont la laïcité est le meilleur des garants.
Le 5 juillet 2012, il y a tout juste trois semaines, un adolescent juif scolarisé à l'école Otsar Hathora de Toulouse, dans cette même école où Mohamed Mera avait assassiné trois enfants et un jeune rabbin, ce jeune juif, était agressé violemment dans le train Toulouse Lyon par deux jeunes musulmans à peine plus vieux que lui.
On peut se demander avec effroi, si la figure de Mohamed Mera n'est pas devenue celle d'un héros auquel s'identifient nombre de jeunes musulmans de notre pays.
La lecture de certains messages sur Face Book ou sur Twitter nous convaincrait assez facilement de ce problème pathologique.
Qui pourrait imaginer l'issue de cette agression si des voyageurs courageux et des contrôleurs de la SNCF ne s'étaient pas interposés à temps.
L'indifférence habituelle en pareil cas est monnaie courante.
Cette fois-ci, le courage de quelques-uns a permis que l'agression ne se termine en lynchage.
Ces hommes courageux s'inscrivent dans le sillon tracé par leurs aînés que l'histoire appelle dorénavant Justes des Nations.
Aujourd'hui, nous commémorons donc l'anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv, mais aussi nous rappelons la mémoire de ces Justes des Nations en France et partout en Europe qui ont protégé, qui ont sauvé, qui ont aidé physiquement et psychologiquement des juifs condamnés à la mort.
Ils ont parfois bravé l'ennemi.
Ils ont souvent refusé de s'identifier aux ordres de la police française de Vichy.
Leur courage était dicté par leur conscience morale.
Leur amour de l'humain a toujours pris le pas sur leurs convictions politiques, religieuses ou partisanes.
L'hommage qui leur est rendu aujourd'hui prend sa source à Jérusalem, à l'Institut Yad Vaschem, où leurs noms resteront à jamais gravés dans la mémoire du peuple juif et de la mémoire de toute l'humanité.
Je veux rappeler ici et aujourd'hui, cet aphorisme talmudique commun au judaïsme et à l'Islam:
"Qui sauve un homme, sauve toute l'humanité tout entière ", mais aussi son corollaire:” Qui tue un homme, tue l'humanité tout entière."
Je formule, en mon nom, au nom du Crif Sud Ouest Aquitaine, au nom de tous les miens, et au nom de tous les hommes de bonne volonté, 70 ans après cette rafle du Vel d'Hiv, qu'un nouvel horizon s'ouvre, apaisé, et serein pour le dialogue entre les hommes, pour la connaissance et la compréhension mutuelle, car l' Humanité est une, car la survie de l' Humanité dans sa diversité impose de reconnaître tous ces éléments comme constitutifs d'un tout harmonieux.
Je vous remercie.