- English
- Français
la responsabilité du crime consistant à exterminer la totalité de la population juive de Pologne retombe au premier chef sur les exécutants ; mais, indirectement, elle rejaillit également sur l’humanité tout entière
Les combattants du ghetto de Varsovie, membres de l’Organisation Juive de Combat, insurgés contre l’entrée des Allemands dans le ghetto le 19 avril 1943 étaient exsangues, affamés et mal armés : un revolver par combattant, 10 à 15 balles et 4 à 5 grenades. Évidemment conscients de l’échec annoncé, ils choisirent leur fin plus qu’ils ne la subirent. Personne ne sait comment sont morts les principaux chefs de la résistance juive dans ce ghetto incendié où le commandant SS Jurgüen Stroop avait carte blanche.
A Paris, le 19 avril 2012, près de 300 personnes ont répondu à l’appel de et se sont réunies au Mémorial de la Shoah pour rendre hommage à ceux qu’on aime appeler « héros » comme pour amortir l’affront de l’immense défaite du peuple juif assassiné. Parmi elles, l’ambassadeur d’Israël, l’ambassadeur de Lituanie, de nombreux élus de la République, les représentants des cultes catholiques, protestants, l’Iman Hassan Chalgoumi et des représentants du culte musulman, de nombreux rabbins et beaucoup de survivants de la déportation. La cérémonie animée par Claude Hampel, président délégué de la commission du Souvenir du CRIF, a comme chaque année laissé place au yiddish, à travers la magnifique récitation à deux voix (Michèle Tauber et Gérard Grobman) d’un poème d’Itzik Fefer dans la traduction de Charles Dobzynski : « Les ombres du ghetto de Varsovie ».
« C’est arrivé près de chez vous »… Tomasz Orlowski, ambassadeur de Pologne en France, par la voix de son ministre conseiller Janusz Styczek a livré en réflexion à l’assemblée les mots de Szmul Zygielbojm : « la responsabilité du crime consistant à exterminer la totalité de la population juive de Pologne retombe au premier chef sur les exécutants ; mais, indirectement, elle rejaillit également sur l’humanité tout entière ».
« Cette phrase » continue l’ambassadeur de Pologne « retentit plus particulièrement aux oreilles des Polonais, car elle contient un appel exigeant à reposer, toujours, la terrible question : quels voisins avons-nous été lorsque les Juifs étaient conduits à la mort ? » Sa réflexion fait écho au remarquable et courageux travail de la journaliste polonaise Anna Bikont, auteur du « Crime et le Silence » paru en 2011, qui dans le sillage des « Voisins » de Ian Gross interroge la vérité historique complexe et douloureuse de la cohabitation entre Juifs et Polonais.
Né à Varsovie, le 20 juin 1936 dans une famille juive éclairée, parlant polonais, Paul Felenbok a échappé a une mort certaine en quittant le ghetto par les égouts grâce à la résistance avant l’insurrection d’avril 1943. Seul survivant, avec son frère aîné de cette longue cavale fugitive, Paul Felenbok rejoint la France en 1946 où pris en main par la Commission Centrale de l’Enfance (1) il peut enfin gouter au plaisir des grands espaces. Ces grands espaces l’enivrent, il ne les quittera pas et en fera son champ d’exploration en devenant astrophysicien.
Le hasard du calendrier a voulu que ce 19 avril soit aussi le Yom Ha Shoah. Comme en Israël, nous commémorions alors d’un même élan la destruction et la bravoure, « Shoah ve Gevoura ». Une fois n’est pas coutume.
(1) sur ce sujet, voir la remarquable pièce de théâtre de David Lescot « La Commission Centrale de l’Enfance »