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Il est temps que les journalistes et intellectuels aient l’honnêteté morale de rapporter les faits tels qu’ils sont sans les manipuler, le blanc n’est jamais que d’un côté, le noir non plus
Pour vous éviter une audition de la lecture de toutes les personnalités présentes, vous avez sur vos tables la liste de ces personnes, que celles ou ceux que j’ai omis veuillent par avance m’en excuser, et je les en remercie.
Quelques remerciements particuliers à mes amis venus de l’extérieur, Richard Prasquier, président national du CRIF, dont la mission et l’engagement représentent une somme considérable de travail, de dévouement et d’abnégation, un très grand merci Richard pour ton engagement total dans ta mission exemplaire.
Merci Roger Cukierman, précédent président du CRIF avec qui j’ai toujours eu beaucoup de plaisir à travailler, et qui continue sans cesse à œuvrer pour la représentation du judaïsme en France et dans le monde puisqu’il est vice-président du Congrès juif mondial, et je vous éviterai toutes ses autres fonctions, merci Roger de ta présence qui me fait, sincèrement tu le sais, très chaud au cœur,
Merci à mon ancien compagnon de route, Monsieur Moshe Sebag, actuellement Rabbin de la synagogue de la Victoire à Paris, votre séjour en Touraine a définitivement marqué la communauté juive de Tours ; nous avons ensemble scellé des relations de profonde amitié tant vous nous avez apporté, vous et votre épouse Myriam, de bonheur, de joies, de spontanéité, et de tolérance,
Merci Jean-Pierre Gauzi, secrétaire général du Comité français pour Yad Vashem qui met tant d’énergie au profit de cette superbe institution dans laquelle je me suis engagé depuis quelque temps maintenant, merci Jean-Pierre.
Merci à vous tous, Monsieur le Préfet, élus locaux et régionaux, Mesdames et Messieurs les représentants des religions catholique, protestante, musulmane et bien sûr juive avec qui nous avons toujours entretenu des relations cordiales malgré nos différences,
Merci Angèle Taleux, que j’ai le plaisir de saluer ce soir, Angèle est cette jeune élève de l’école Mirabeau, aujourd’hui au Collège, qui a eu le courage de lire devant plusieurs centaines de personnes ce poème merveilleux de Maya Angelou lors de la cérémonie que nous avons organisée le 22 mars dernier à la mémoire des victimes de l’assassinat antisémite de Toulouse. Angèle merci à toi et merci à ta maman qui t’a donné l’autorisation d’accomplir ce véritable acte citoyen.
Merci enfin à vous Georges Bensoussan, dont le travail d’historien est de notoriété publique ; votre acceptation d’être cette année notre invité d’honneur est pleine de symboles tant vos constantes études, recherches et nombreuses publications sur l’histoire du judaïsme sont reconnues partout comme étant des travaux exceptionnels de vérité et d’analyses que personne ne peut contester.
L’objet de cette soirée n’est pas, pour vous, d’être venu m’écouter, d’autant plus que souvent, vous me reprochez, sans doute à juste titre, d’être trop long.
Je voudrais donc simplement vous présenter quelques une de mes réflexions que je qualifierai d’appels à la raison, tant je suis lassé devant les injustices, les manipulations particulièrement vives en cette période de crise, où la vérité n’a plus de sens, où le mensonge est quotidien, où toutes les valeurs que nos enseignants essaient peu ou prou de transmettre aux enfants sont de plus en plus bafouées par le monde adulte, par notre monde.
Nous avons voulu dédier comme thème de ce dîner celui du rôle fondamental de l’enseignement pour essayer de protéger l’avenir de notre société qui ne s’annonce pas aussi clair que nous le souhaiterions.
Sans chercher à dramatiser, ouvrons simplement les yeux et que voit-on devant nous ?
• Une société qui n’a plus depuis des décennies de grands hommes d’État, que ce soit en France ou dans le monde, est une société en danger,
• Une société qui n’a plus confiance, particulièrement en France, en ses hommes politiques tant, trop souvent, leur message ou leur comportement n’est pas celui que nous serions en droit d’attendre, c’est-à-dire exemplaire, honnête, propre, ne cherchant que l’intérêt public et rien d’autre, est une société en danger,
• Une société où l’on cherche aujourd’hui à contester les fondements mêmes du judaïsme tels que la circoncision, le droit de manger de la viande cachère, est une société en danger,
• Une société qui est sur le point de remettre en cause, par simple idéologie et pour satisfaire une infime minorité de personnes, par ailleurs tout à fait respectables, les bases mêmes du mariage, du droit des enfants d’avoir père et mère, est une société en danger,
• Une société où des enfants remettent de plus en plus souvent en cause l’enseignement de leurs professeurs, et plus grave, où leurs parents leur donnent raison, est une société en danger,
• Une société où un Maire qui donne une simple claque à un enfant mal élevé se voit poursuivi en justice, est une société en danger,
• Une société qui se tait, fin 2012, devant l’interdiction donnée dans une chaine d’hôtel en France, récemment achetée par le Qatar, de souhaiter un bon Noel à ses clients, mais exclusivement de bonnes fêtes, est une société en danger,
• Une société où dans le pays des droits de l’homme, 70 ans après la Shoa, des adultes et des enfants, sont agressés et tués en 2012 en France, uniquement par ce qu’elles sont nées de religion juive, est une société en danger,
• Une société où l’écrasante majorité de la presse ne s’apitoie que sur les malheurs d’une seule partie du trop long conflit israélo-palestinien, sans jamais s’offusquer sur les massacres de civils en Syrie depuis plus d’une année, sur la montée d’un islamisme extrémiste en Égypte, que dire de l’Iran et de tant d’autres pays en Afrique et ailleurs, est une société en danger,
• Une société où seul le coupable de tous les maux de la terre s’appelle Israël, pourtant seul pays démocratique de tout le proche orient, est une société en danger,
• Une société qui se tait devant la montée d’un islamisme extrémiste rampant en Europe, sous nos yeux, alors qu’une immense majorité de musulmans modérés, se tait, de peur sans doute, de représailles, est une société en danger,
Mesdames et Messieurs, je pourrais poursuivre cette litanie pendant des heures, tant la situation est affligeante.
Mon propos consiste à attirer votre attention sur le fait que notre société est vraiment malade :
• malade de son progrès,
• malade de son incapacité à défendre ses valeurs ancestrales,
• malade d’un développement trop rapide,
• malade d’un enrichissement démesuré de certains,
• malade d’accepter comme priorité de ses citoyens le respect de leurs droits avant celui de leurs devoirs,
• malade de ne plus reconnaitre les valeurs essentielles de l’homme, de la vie.
Quand les juifs d’un pays sont en danger, écoutez-moi bien, c’est le pays lui-même qui est en danger, ses valeurs fondamentales, sa liberté si chèrement acquise, toutes ces valeurs pour lesquelles nos aïeux se sont battus au péril de leur vie, ces valeurs sont devenues bancales, fragiles prêtes à être démolies.
Je vous l’annonce publiquement : je suis convaincu que notre pays est en réel danger, en danger de l’existence même de sa future démocratie, en danger de la possibilité de faire respecter demain ses valeurs fondamentales la liberté, l’égalité et la fraternité.
Lorsque, président de la communauté juive de Tours pendant quinze ans, je recevais le nouveau Préfet lors de son installation dans la ville, j’en ai reçu un bon nombre… je lui disais, avec un peu de provocation je le reconnais, que j’avais toujours sur moi non pas ma carte d’identité ou mon permis de conduire, mais mon passeport et que j’ai toujours veillé à ce que ma famille ait constamment un passeport en règle : vos prédécesseurs, Monsieur le Préfet, ont toujours été impressionnés par mes propos, mais soyez assuré qu’ils sont vrais, qu’ils sont sincères, qu’ils sont une des leçons de l’histoire des juifs, que ce soit en France ou ailleurs.
Mon passeport est dans ma veste.
Oui Mesdames et Messieurs, six millions de victimes coupables d’être nées juives cela ne s’oublie pas, et cela ne doit pas s’oublier puisque Toulouse a existé en 2012, puisque des jeunes juifs sont attaqués en France uniquement parce qu’ils portent la kippa donc parce qu’ils sont juifs.
Devant vous tous je lance un appel à la raison : il y a quelques années j’avais déjà publié un appel que j’avais dénommé « France réveille-toi » ; depuis, la France ne s’est pas encore réveillée.
Il est temps que nos enseignants qui font un travail remarquable, soient respectés, soient honorés, ne soient pas sans cesse contestés par des morveux et par certains de leurs parents trop souvent incapables de les élever,
Il est temps que notre République rappelle à tous ses citoyens ses bases fondamentales, parmi lesquelles celles de l’enseignement de son histoire, de l’histoire du monde et que le travail des historiens soit utilisé, non seulement pour la vérité du passé, mais pour la protection des libertés de demain, et pour taire les mensonges des révisionnistes.
Il est temps que les journalistes et intellectuels aient l’honnêteté morale de rapporter les faits tels qu’ils sont sans les manipuler, le blanc n’est jamais que d’un côté, le noir non plus.
Il est temps que les dirigeants des nouveaux moyens de communication ainsi que les rédacteurs de propos haineux, racistes, révisionnistes, soient poursuivis par la justice à chacune de leur manipulation,
Il est temps que les sages, il en existe, prennent la parole, nous sommes, vous êtes la majorité de sages, mais nous sommes, vous êtes trop silencieux, trop modestes, trop prudents.
Je vous ai promis de ne pas être trop long, je vais donc donner la parole à Georges Bensoussan, sage s’il en est un, historien de renommée internationale, monstre de travail de recherches de la vérité sur les faits passés, qui va, avec son érudition, ses immenses connaissances, sa culture et son honnêteté morale digne d’un sage, nous parler de ce qu’il a appelé « Voir ce que l’on voit ».
Georges n’est pas de ceux qui cherchent les honneurs, la gloire ni les titres. Georges Bensoussan est l’exemple même de celles et ceux que je cherche, malgré leur modestie, à mettre à leur juste place, celle de l’avant celle de l’enseignement de la seule vérité, celles des vrais et grands historiens, celle des hommes d’honneur et du devoir.
François Guguenheim
Tours, le 10 décembre 2012