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Pour avoir révélé la beauté de notre ville et de ses territoires, pour avoir rassemblé des milliers de Marseillais et de Provençaux dans la joie et la fierté, acclamons tous ceux et celles qui ont travaillé à la célébration de la culture, de nos cultures.
Monsieur JC Gaudin, Maire de Marseille, Monsieur JN Guérini Président du conseil général, Monsieur Michel Vauzelle, Président du conseil régional, Monsieur Eugène Caselli Président de Marseille Provence Métropole sans oubli bien sûr l’état représenté par Madame la ministre Marie Arlette Carlotti, l’Union européenne et la chambre de commerce.
Madame la ministre, chère amie
Vous voir ici ce soir n’est pas une surprise. Vous êtes fidèle à notre dîner depuis des années, quelles qu’aient été vos fonctions. Aujourd‘hui, nous comptons sur vous pour faire entendre au plus haut niveau de l’état, les interrogations, les préoccupations et disons-le les inquiétudes de la communauté juive de notre région.
Monsieur le Maire,
La passion qui vous unit à votre ville filtre dans chacun de vos actes et chacune de vos décisions. Vous avez compris que Marseille est une mosaïque de communautés qui doivent toutes être respectées dans leur pluralité.
Vous avez tenu à recevoir l’ensemble de notre communauté et avez été attentif à nos préoccupations quotidiennes.
Aidé notamment par Monsieur Daniel Sperling, conseiller régional, adjoint au maire en charge du plan « Mieux vivre ensemble », vous avez fait de votre ville un bouquet de cultures s’enrichissant les unes des autres.
Mr Vauzelle, l’institution que vous représentez est un des piliers essentiels à la survie de nos associations. Vous l’avez compris en donnant à notre ami Jocelyn Zeitoun les pleins pouvoirs pour suivre os dossiers au quotidien. En recevant à votre table l’ensemble des acteurs de notre communauté, en prêtant une oreille attentive et empathique à chacune de nos requêtes et préoccupations, vous avez renforcé ce lien indéfectible qui nous unit.
Monsieur Guérini, une fois de plus cette année, vous avez prouvé votre attachement à Israël, en organisant un voyage où, comme à chaque fois, l’émotion laissait place au réconfort.
Émotion avec les écoles de l’espoir, réconfort de savoir que face au drame, un ami se tient à vos côtés. Je pense aux pompiers de Haïfa, assistés, puis invités à parfaire leur formation au sein des excellentes équipes de notre département. Vos équipes aidées de Monsieur Clément Yana ont toujours fait les choix précis des rendez-vous israéliens et à chaque fois, ce qui aurait dû être une rencontre de travail devenait un échange fraternel, mais aussi fructueux. Pour tout cela et encore plus, soyez remercié.
Monsieur Eugène Caselli, en étant présent à nos côtés pour chacun de nos rassemblements, chacune de nos commémorations, en ayant pris la mesure de notre tristesse à la mort de notre chère Ida, vous avez réussi à vous imprégner de notre culture, jusqu’à en connaître les moindres subtilités. Nul besoin avec vous de nous lancer dans de longues justifications, vous nous comprenez.
Nous le savons Mesdames, Messieurs les grands élus, vous êtes nos amis et c’est à nos amis que je veux dire sans détour :
Nous sommes des citoyens engagés dans la vie de la cité et à ce titre nous revendiquons le droit de défendre haut et fort nos valeurs alors que partout le communautarisme est montré du doigt et la laïcité érigée en étendard. Nous devons nous évertuer à faire chaque jour la preuve que permettre à notre culture de perdurer et défendre Israël ne sont pas des insultes à la république ni des preuves de repli identitaire.
J’en suis convaincue, vivre pleinement sa culture sans frustration est la garantie du bien-vivre ensemble. Le nivellement culturel ne peut être que superficiel. Depuis des millénaires, la culture juive traverse les ans et les drames en restant le socle de notre peuple. Jamais elle n’a été un obstacle à la république.
Je salue cordialement tous les élus, représentants du monde politique et aussi de la société civile ici présents.
Ils ont pour nombre d' entre eux constatés combien tout au long de cette année nous n'avons eu de cesse de les rencontrer, d'échanger et de jeter les ponts de l'amitié et du respect.
C'est, j'en suis convaincue, avec toutes ces bonnes volontés et, bien sur, en nous appuyant sur l'engagement de vous tous: acteurs associatifs, bénévoles, mes partenaires du comité directeur que nous pouvons espérer rester maîtres de notre avenir commun.
Soyez-en tous fiers et heureux!
Chers amis, nous avons, ce soir, le grand honneur de recevoir monsieur Ronald Lauder, Président du Congrès Juif Mondial.
Nous vous souhaitons la bienvenue dans notre ville, Marseille.
Une ville plus belle, plus riche de possibilités et de diversités : en somme une ville plus passionnante que sa réputation.
C'est une terre qui, depuis des siècles, voit des peuples se croiser, commercer, et parfois s'implanter.
Comme tous les grands ports de ce monde, elle a cela de commun avec New York, New York où vos ancêtres arrivèrent un jour comme des milliers d'émigrants.
Vous êtes aussi là, ce soir, parce que nous avons choisi d'honorer la mémoire et la vie d'une femme exceptionnelle : votre mère, madame Estée Lauder.
Vous serez le récipiendaire de la médaille du CRIF, qui lui sera décernée à titre posthume pour l'exemplarité de sa vie.
Vous-même, continuez son action en consacrant votre temps et votre énergie à la présidence du Congrès Juif Mondial.
Ce congrès qui, comme Marseille, alimente tous les fantasmes.
Créé en 1936, en réaction à la montée du nazisme, il n'aura de cesse de dénoncer, souvent dans l'indifférence générale les crimes commis contre les juifs européens.
Après la Seconde Guerre mondiale, il soutiendra la création de l'État d'Israël auprès des instances internationales.
Le congrès juif mondial se battra pour que les victimes de la Shoah reçoivent réparation.
Durant la guerre froide, il réclamera la liberté pour les juifs soviétiques.
Il a aussi soutenu ces grands oubliés de l'histoire que furent les juifs des pays arabes contraints à l'exil et au déracinement.
Par toutes ces actions, le congrès juif mondial illustre et réalise parfaitement la vision de votre illustre prédécesseur : monsieur Nahum Goldman qui disait:
"Le congrès doit constituer une adresse permanente pour le peuple juif. Face à la fragmentation et à l'atomisation de la vie juive, il doit instaurer une représentation légitime habilitée à parler au nom des millions de juifs aux nations et aux juifs eux-mêmes."
C'est, malheureusement, le caractère international de l'antisémitisme qui nécessite une telle instance.
Pour aborder les sujets qui nous préoccupent en tant que juif et citoyen français, j'ai choisi de me placer sous le signe d'un mot, d'un concept du judaïsme qui est universel.
La Amidah.
Ce mot signifie : être debout au sens littéral, plus profondément il nous enjoint de nous "dresser contre".
La Amidah nous renvoie aux propos de Georges Steiner:
" Le juif a été ce veilleur de nuit qui ne procure aucun repos, mais qui, au contraire, arrache l'homme au sommeil des conforts ordinaires et de l'intérêt personnel."
Être debout, se dresser contre lorsque, il y a si peu de temps, des soldats français des jeunes enfants juifs et un jeune enseignant juif furent cruellement exécutés à Montauban et Toulouse.
L'affaire Merah, a-t-on pris l'habitude de dire, n'est pas une affaire de plus.
C'est un drame national, une catastrophe qui n'a pas fini d'ébranler notre pays.
Il n'y a qu'à regarder la prolifération de violences contre les juifs qui ont suivi ces heures terribles.
Être debout c'est avoir la lucidité et le discernement de faire la différence entre l'antisémitisme qui avance et qui pollue, qui s'affranchit et s'expose dans une université à La Rochelle à travers une pièce de théâtre, ou dans le délire névrotique d'un pitoyable « humoriste ».
Contre cet antisémitisme, nous avons des moyens, un engagement sans faille, une mémoire ancestrale.
Nous devons nous dresser contre et aller partout où il essaye de faire des émules pour parler, enseigner.
Pour investir tous les espaces de dialogue et d'opinion puisque le vide attire les opportunistes de l'exclusion.
Il nous faut aller dans les universités pour porter ces valeurs qui ne laissent pas de place au rejet de l'autre.
C'est notre combat, car nous savons que les mots, les slogans, les anathèmes servent toujours de passerelles au passage à la violence.
Dans ce combat, je tiens à saluer le travail de notre ami Alain Chouraqui, ici présent ce soir. L’UNESCO vient de reconnaître l’importance mondiale du camp des milles pour l’éducation, la science et la culture en lui attribuant une chaire UNESCO en partenariat avec l’université d’Aix-Marseille. Elle est la seule chaire attribuée à la France cette année sur le thème mémoire et éducation.
Los d’un prochain voyage Mr Lauder, faites-nous l’honneur de visiter ce lieu, devenu incontournable de notre passé.
J'ai, ce soir, une pensée pour Clément Meric, qui aurait du pouvoir vivre longtemps en dialoguant et en portant les idées qui étaient les siennes!
Et puis, il y a ces jeunes qui, endoctrinés par des extrémistes qui haïssent l'Occident et sa modernité, ciblent le juif qui serait d'après eux, la raison de tout leurs mal-être.
Mal-être, qui réel ou non, rejoint la cohorte des sinistres pseudos justifications de la haine des juifs.
Ceux-là n'hésitent pas à tuer!
Le problème qu'ils posent est grave pour tous et il nécessite la mobilisation de l'État et des moyens dont il dispose.
Si des lieux de culte, des écoles juives sont pris pour cibles, nul ne doit oublier que ce sont des citoyens français qui sont menacés.
Nous avons l'habitude et le souci permanent et absolu de la vigilance.
Le CRIF avec le SPCJ ne relâche pas ses efforts.
Pour autant, nous vivons tous dans une république qui s'enorgueillit de garantir à chacun la première des libertés : celle d'aller et venir en paix!
À Toulouse, le chef de l'État, François Hollande n'a t'il pas décrété : la lutte contre l'antisémitisme, grande cause nationale?
Je profite de la présence de tous nos amis représentant les communautés sœurs de notre ville pour remercier chaleureusement de leur soutien après le drame :
Monseigneur Pontier, que nous félicitons pour ces nobles fonctions de président des évêques de France
Monsieur Norvan Zakarian, Primat du diocèse de France de l’Église apostolique arménienne
Le Pasteur Keller toujours présent à nos côtés
Monsieur Mohamed Moussaoui fraîchement réélu Président du CFCM
Nous n'oublions pas nos soldats engagés au Mali qui risquent leurs vies dans la lutte contre le terrorisme islamiste qui s'emploie à établir une plateforme de l'Afrique vers l'Europe.
Et nous pensons aux familles des otages français dont nous espérons une prochaine libération.
Cette année 2013 est aussi l'année des 70 ans de la rafle du vieux port.
Comme chaque fois notre amie, notre mère, notre sœur Ida Palombo était là.
Au nom des siens, au nom des nôtres, de ceux qui ne revinrent pas, des survivants meurtris elle était là.
Avec courage et douleur, inlassablement, elle témoignait.
Nous sommes fiers de lui avoir apporté la satisfaction de voir présents aux dernières commémorations du 27 janvier, le ministre des anciens combattants Monsieur Kader Arif et Madame Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée des affaires sociales.
Il y a peu, Ida nous a quittés. Elle restera pour toujours dans nos cœurs.
Elle était comme tous les survivants de la Shoah un exemple d’Amidah.
Rester debout envers et contre tout, elle est là, la victoire de ces hommes et de ces femmes.
Car, enfin, ces fiers nazis, qu'ont-ils laissé derrière eux? Où sont leurs œuvres littéraires ? Philosophiques ou architecturales?
Le Troisième Reich s'est dissous dans le néant.
Ici et là ressurgissent des nostalgiques pleins de haines et de violences. Les tentations totalitaires ne meurent jamais vraiment.
Elles se contentent de changer de visages et de se parer de nouveaux atours.
Nous nous sommes rapprochés de monsieur le recteur d'académie Monsieur Dubreuil pour associer les enfants des collèges à la commémoration de la Shoah.
Un travail formidable a été accompli par Madame Renée DRAY BENSOUSSAN et son équipe pour que des collèges participent voir, organisent des commémorations en leur sein même. (Anatole France)
Ce quelque chose en nous qu'a déposé la chaîne des générations, de nos pères, de nos mères, leur destin, leur souffrance, cet héritage, nous l'apportons au monde.
Pour que nos enfants, les enfants de nos enfants n'aient jamais à connaître de telles ténèbres!
La mémoire est nécessaire, certes, mais le droit à exister d’Israël est tout aussi important.
Hertzl disait d'Israël que c'était "une vieille terre neuve" !
Il en est toujours ainsi, jeune pays, vieux conflit !
C'est un pays cher à notre cœur, qui a cette capacité incroyable de souvent décevoir les augures les plus certaines.
Ainsi lors des dernières élections législatives alors que les gazettes françaises et autres annonçaient un raz de marée ultra religieux, on a assisté à l'émergence d'un nouveau parti laïc.
Au Moyen-Orient, l'espoir est toujours jeune et plein de vie, les haines sont toujours vieilles et morbides!
L'espoir, c'est des imams français, avec à leurs côtés l'Imam Chalgoumi, qui vont à la rencontre de ce jeune pays.
L'espoir, ce sont des imams israéliens qui viennent en France pour témoigner de leurs vies et de leurs attentes.
L’espoir, c’est ce magnifique voyage organisé avec le cercle des amis du CRIF où plus de cinquante personnes non juives pour la plupart ont découvert avec notre ami Philippe Korcia, Israël, son énergie, sa vitalité, son incroyable optimisme malgré l’ennemi guettant à toutes les frontières !!!!!!
L'espoir, c'est Monsieur Boualem Sansal, écrivain algérien, qui va en Israël, qui rencontre des écrivains israéliens, des amis juifs et qui s'en félicite.
Quand on le stigmatise en lui reprenant un prix littéraire si mérité, Monsieur Boualem Sansal transforme la pierre en or en opposant à une haine tenace sa générosité.
C'est pourquoi il recevra, ce soir la médaille de la paix du CRIF avec l'association "un cœur pour la paix".
Pour ceux qui appellent au boycott d'Israël, à la ghettoïsation de ses chercheurs, de ses artistes, de ses intellectuels une main tendue reste un tabou.
Pendant ce temps, en Syrie, les massacres continuent!
Tandis qu'un dictateur martyrise son peuple, les "indignés" détournent le regard et désignent leur ennemi préféré : Israël
L'Iran et son bras armé, le Hezbollah ne ménage pas leur peine pour déstabiliser et ensanglanter une région fragilisée.
Les tyrans se soutiennent dans leur lutte liberticide.
Comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères, monsieur Laurent Fabius, la France ne permettra pas à l'Iran de se servir de la guerre civile syrienne pour faire oublier son programme nucléaire.
La France s'oppose à ce que l'Iran, un pays qui appelle à la destruction totale des juifs et du pays des juifs participe aux discussions prévues à Genève sur la situation syrienne. Tout cela nous redonne espoir.
À l'indignation sélective et à la bonne conscience paresseuse, nous opposons la Amidah!
Debout contre l'atteinte aux libertés des journalistes et des intellectuels!
Debout contre le sort fait aux femmes par les islamistes intégristes!
Debout contre tous les fanatismes qui tuent l'humain et sa conscience!
Debout pour que la grande espérance des printemps arabes ne se perde pas dans le désespoir et l'obscurantisme.
Dans un monde plus tribal qu'il ne l'a jamais été, nous continuerons à porter l'espoir sans lequel la violence serait le seul horizon possible.
Nous traversons une crise économique qui touche et fragilise l'Europe dans son ensemble.
Cette crise génère un climat délétère en favorisant les crispations identitaires.
Les populismes et les extrêmes refleurissent et se nourrissent des inquiétudes des peuples en plein désarroi.
Pour y faire face, nous appelons à la responsabilité civique et républicaine de tous, politiques et citoyens.
Les débats légitimes dans une grande démocratie doivent être apaisés et ne souffrent aucune récupération démagogique.
Si nous n'y prenons garde, alors, dans notre région, le front national soi-disant respectable saura faire bon usage de la moindre de nos faiblesses.
Parce que la vérité n'est pas dans un seul rêve, mais dans plusieurs rêves, nous avons tous la responsabilité de nous tenir debout face à une crise sociale qui suit inévitablement une crise économique.
Être debout, oui, mais plus encore!
Une légende juive raconte que l'esprit d'un disparu erre dans l'éternité, il va de porte en porte.
De pouvoir en pouvoir.
Et soudain, il s'immobilise.
Un homme lui demande: " pourquoi restes-tu debout ici?"
"Je ne puis aller plus avant », lui répond-il.
Et l'homme lui réplique " il n'est pas bon qu'il en soit ainsi! Si tu t'attardes ici, si tu cesses d'aller plus loin, toujours plus loin, tu perdras l'esprit et tu demeureras en cet endroit comme une pierre muette"
C'est pourquoi, mes amis, convaincus que notre profonde humanité rejoint notre profonde judéité, il nous faut poursuivre notre chemin.