Le CRIF en action
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Publié le 22 Juillet 2013

Discours de Roger Cukierman, président du CRIF

Cette cérémonie  nous rappelle une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité.

 

1942, le début du grand massacre des Juifs d’Europe.

 

12.884 juifs raflés les 16 et 17 juillet 1942, et conduits au Vel d’Hiv proche du lieu de cette cérémonie. Cette rafle intervenait  deux ans après le statut des Juifs les transformant en gibier. Une rafle commise par des Français. En uniforme.

Pour éviter le pire, sachons tirer avec courage, les leçons de l’Histoire ! Nous le devons au souvenir de nos martyrs, nous le devons à la voie tracée par les Justes

-           Et parmi ces Juifs tant d’enfants dont l’humanité pouvait attendre des savants, ou des artistes, ou plus vraisemblablement des gens ordinaires. Ces  enfants de la rafle du Vel d’Hiv, tous, sans exception, partis dans les chambres à gaz. Pas un seul survivant  parmi ces 4.051 enfants. On a volé leur avenir. Ils sont morts sans qu’ils puissent jamais fonder un foyer et avoir à leur tour des enfants.

 

-           Serge Klarsfeld et son Association des Fils et Filles de Déportés ont su retrouver des photos bouleversantes. Nous les avons vues exposées dans bien des lieux. Ce faisant Serge a  accompli un travail pédagogique exceptionnel. Ces enfants posaient, tirés à quatre épingles, pour cet événement que représentait à cette époque une séance de photographie. Et ces enfants, comme leurs parents, ont subi des conditions d’hygiène honteuses, au Vel d’Hiv. Et puis, ils ont été livrés, à l ‘ennemi, dans des wagons à bestiaux. Et à l’arrivée, des chiens, des soldats, et cette invention des cerveaux nazis : la chambre à gaz.

 

-           Ce que ces êtres humains ont subi était inhumain. C’était  le silence du monde. C’était la souffrance morale d’être avili.

 

Leur sacrifice nous fait  mesurer le prix de notre liberté.

 

Peu à peu les survivants disparaissent.  Au devoir qui nous incombe certains ont consacré leur vie. Comment  ne pas rendre hommage aux déportés survivants qui nous guident dans le devoir de mémoire, tels  Simone Veil, à toutes les associations de déportés réunies dans la Commission du souvenir du Crif, et enfin à l’irremplaçable Mémorial du Martyr Juif.

 

Les responsables de la Shoah ne furent pas les seuls nazis. Les indifférents ont leur part de responsabilité, ceux qui n’ont rien fait, ceux qui n’ont rien dit. Car le choix existait.

Si les deux tiers des juifs de France ont  échappé aux  nazis, c’est que de nombreux Français  refusèrent la collaboration.

 

 Qu’est-ce qui distinguait les Justes des indifférents? Ni la condition sociale, ni l’éducation, mais la conscience,  mais l’humanité,  mais le respect d’autrui.

 

Ces voix isolées venant d’horizons souvent  modestes,  ont osé alors rappeler que les Juifs sont des êtres humains. Ils prenaient, ce faisant, le contre pied des grands corps de l’Etat, le plus souvent unis derrière la politique de collaboration de Vichy.

 

Je n’oublierai jamais les bonnes sœurs qui ont caché l’enfant que j’étais, ou les employés de la clinique qui ont caché mes parents pendant un an. Ces justes de France nous ont sauvé la vie, au risque de la leur. Ils montraient la voie de la dignité. Oui, il y a des moments de l’existence, certes fugitifs, qui permettent d’être fier de son passage sur terre. Ces hommes, ces femmes, ont un point commun : ils trouvaient  naturel de laisser leur cœur guider leurs actes. On l’a vu en Corse, on l’a vu au Chambon sur Lignon, on l’a vu à Dieulefit.

 

Les dirigeants de notre pays ont pris conscience du danger que représente l’antisémitisme pour la sauvegarde des principes qui régissent la République française. Le discours historique du Président Jacques Chirac du 16 Juillet 1995, reconnaissant la responsabilité de la République dans les agissements de Vichy fut un grand moment de vérité et d’honneur.

 

 Aujourd’hui  la  classe politique démocratique, de gauche comme de droite, s’inscrit dans la même volonté. Le discours du Président François Hollande  ici même l’an dernier en témoignait.

 

Que  nous aimons cette France, celle de la  rigueur dans la défense des valeurs républicaines !

 

Nous, citoyens français  juifs, dont, disons-le, l’intégration républicaine depuis des siècles constitue un modèle, nous témoignons, aujourd’hui, de la générosité de cette France profonde.

 

Pour que demain l’histoire tragique ne se répète pas, pour que la France soit  unie, généreuse,  tolérante, il faut qu‘elle soit convaincue que les identités plurielles peuvent se  conjuguer  avec les valeurs de la République dans une condamnation sans faille du racisme, et de l’antisémitisme.

 

Le spectacle de violence que nous offre le début de ce troisième millénaire  montre que l’homme ne s’améliore pas, que les forces de haine  se déchaînent. Comment ne pas évoquer aussi la barbarie qui a conduit il y a un an dans le pays des droits de l’homme à une mort atroce les victimes de Toulouse et de Montauban. Comment ne pas évoquer cette épidémie  de fanatisme religieux, avec son cortège d’actes terroristes et d’attentats suicide.

 

Pour éviter le pire, sachons tirer avec courage, les leçons de l’Histoire ! Nous le devons au souvenir de nos martyrs, nous le devons à la voie tracée par les Justes.

 

Que  le souvenir de ces martyrs s’inscrive dans la mémoire de nos enfants !