Le CRIF en action
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Publié le 17 Janvier 2013

Intervention de Jonhatan Simon-Sellem à la Convention du CRIF, dimanche 13 janvier 2013

 

 

La principale évolution du conflit israélo-arabe depuis la fin des dernières grandes opérations de guerre conventionnelle, est une évolution étymologique. La guerre des mots est une guerre totale, ce sont les mots qui conditionnent et préméditent les actes, ce sont les mots qui déclenchent et attisent la haine. Les Romains ne le nommaient pas, l’église pratiqua l’antijudaïsme, le nationalisme inventa l’antisémitisme, la psychanalyse se risqua à la judéo-phobie, puis le palestinisme se vautra dans l’antisionisme. Devant ce constat la réponse à 4 questions permettrait de démontrer qu’il n’existe qu’une seule réalité recouvrant ce vocabulaire pléthorique.

La lutte contre l’antisionisme devient de facto le combat majeur de tous les juifs, car sous prétexte de combattre une doctrine politique, on s’en prend à l’existence d’un peuple

 

Est-il possible de développer une définition, non redondante des autres, pour chaque terme utilisé à travers les circonstances de l’histoire ? Doit-on voir pour autant une suite logique, voire chronologique dans cette évolution sémantique ? Pour quelles raisons objectives chaque époque développa-t-elle ce qu’elle voulait être sa propre notion raisonnée du rejet du « fait juif » ? Chaque terme recouvre-t-il une réalité différente des autres ?

 

Je voudrais dans un premier temps livrer des définitions basiques et comparatives.

 

Afin de s’affirmer comme la seule et unique religion révélée, le christianisme développa des dogmes ayant survécu jusqu’à aujourd’hui. L’un de ces piliers intemporels est l’antijudaïsme, ayant pour objectifs et avantages de discréditer les bases du judaïsme pour mieux imposer un culte neuf, mais aussi de livrer à la vindicte populaire, un bouc émissaire facile pour tous les maux de la vie quotidienne et au-delà.

 

L’antisémitisme du XIXe siècle se voulait être, au siècle des idéologies, un pathos pseudo scientifique, ou la preuve serait établie de la nocivité d’un peuple pour l’ensemble des sociétés, c’est en s’appuyant sur cet axiome branlant que chacun pût faire un fructueux marché et développer sa propre branche d’un antisémitisme devenu un terme fourre-tout et finissant par englober l’antijudaïsme initial, le transformant en « antisémitisme religieux ».

 

La judéo phobie est de loin le terme le plus compliqué à appréhender, il est pourtant sans doute le plus juste, la peur du juif, peur irrationnelle, inexplicable et obsessionnelle, si la phobie est parfois qualifiée de maladie mentale, alors la phobie des juifs est la seule contagieuse vu le nombre de nouvelles victimes que l’on déplore.

 

Mais la judéophobie reste, avant tout, l’héritière de l’antijudaïsme religieux, se caractérisant par une peur de non légitimité des nouvelles doctrines apparues postérieurement au judaïsme, et de l’antisémitisme accusant de mille mots les juifs et se voulant être une réaction d’autodéfense si l’on en croit sa mystique pathologique, or l’auto défense est avant tout une réaction violente à la peur d’être attaqué, la filiation entre les termes devient évidente et la boucle est bouclée.

 

Le dernier avatar de cette logique malsaine qu’est la haine du juif nous est fourni par l’actualité quotidienne.

 

Le palestiniste, est un partisan fanatisé de la cause palestinienne, enfin si elle existe... mais en nous penchant sur son profil type, des incohérences apparaissent qui nous renvoient violemment sur les caractéristiques communes des trois autres notions déjà évoquées.

 

Rarement sur le terrain des opérations, le palestiniste n’admet l’idée même de l’existence d’Israël, il ne trouve aucun argument à l’explication de l’existence d’un pays honni, dont le seul avenir est de disparaitre.

 

Le plus souvent il n’est pas concerné directement par le conflit, son implication a des motifs ethniques, quête identitaire de racines dans une société prétendument incapable de reconnaitre des valeurs différentes des siennes, des motifs politiques, de l’extrême droite antisémite par principe et habitude à l’extrême gauche en racolage permanent d’un électorat fuyant, pratiquant une surenchère démagogique pitoyable sur le dos d’un bouc émissaire facile : Israël.

 

Le palestinisme qui se réclame de valeurs morales irréprochables ne peut donc se permettre de se déclarer publiquement et ouvertement antisémite, il inventa donc un terme vide de sens, l’antisionisme.

 

Comme vous le voyez s’il est possible d’appréhender séparément chaque notion, le socle commun nous ramène toujours à une seule vérité qui est la matérialisation de la haine des juifs.

 

L’antisionisme est donc devenu le cheval de bataille médiatique des indignés sélectifs à vision cyclopique, il est de bon temps d’être antisioniste… même et surtout si l’on ne sait pas véritablement ce que cela recouvre.

 

Le sionisme est une idéologie politique prônant le retour sur la terre de Sion des juifs dispersés un peu partout dans le monde de l’époque.

 

Que veut donc dire « antisioniste », refuser ce fait ?, valider un nettoyage ethnique aussi vieux soit-il ?

 

Dans ces cas-là, comment dénoncer un pseudo nettoyage ethnique (celui prétendu des Palestiniens), sur le sang d’un autre nettoyage ethnique (celui des juifs vivant sur la terre d’Israël), la logique nous échapperait encore longtemps si nous étions convaincus que le palestinisme dispose d’une logique au sens scientifique du terme.

 

Comment aussi accepter de passer sous silence une interminable liste d’exactions contre les juifs à travers les âges pour se cristalliser sur le sort, que l’on voudrait malheureux, d’une population palestinienne trustant une part surdimensionnée de l’aide humanitaire mondiale au regard du préjudice réellement subi, et laissant des populations entières sans ressources pour le plus grand profit d’une oligarchie corrompue s’engraissant avec la complicité active de fonctionnaires internationaux soit stupides, soit complices, le plus souvent les deux.

 

Nouveau Monjoie, la bannière de l’antisionisme semble rallier irrésistiblement tous ceux qui ont des comptes à régler avec la société, qui comme on le sait est aux mains des sionistes…

 

L’antisionisme a de plus l’énorme avantage de ne pas relever d’une qualification pénale à la différence de l’antisémitisme, dernier terme générique véritablement passé dans le langage courant.

 

On est donc antisioniste, comme le disait l’inénarrable Président du Parti antisioniste, Yahia Gouasmi, depuis que « derrière chaque divorce se cache un sioniste », cela étant ce fils spirituel de Groucho Marx va jusqu’à prédire la fin certaine du monde si le sionisme continue de s’imposer.

 

La lutte contre l’antisionisme devient de facto le combat majeur de tous les juifs, car sous prétexte de combattre une doctrine politique, on s’en prend à l’existence d’un peuple, en ce sens, si la critique raisonnée d’Israël est nécessaire, sa remise en cause par des membres de la communauté est insupportable et font de ces supports des complices voire des criminels à part entière, l’antisionisme ayant comme son nom l’indique, pour seule finalité, la fin du sionisme donc d’Israël.

 

Si l’opposition idéologique autour de doctrine politique à parfois fait naitre des antagonismes violents, à part le nazisme, aucun courant de pensée n’envisageait l’éradication complète de son adversaire, même le communisme meurtrier de millions de personnes privilégiait « la rééducation » des opposants, alors comment expliquer la haine morbide des antisionistes vouant systématiquement à la mort ceux qu’ils considèrent comme des démons… si ce n’est par l’existence sous-jacente d’un sentiment à la fois plus maitrisé et plus irrationnel : l’antisémitisme.

 

Enfin n’est-il pas tant de se poser la question de l’obsolescence du sionisme ?

 

Israël existe et la quasi-totalité des juifs vivants à l’extérieur de ses frontières le fait par choix et non par contrainte. Dans ces conditions la tentation de faire du sionisme la seule grande idéologie du XIX / XXe siècle ayant atteint le but qu’elle s’était fixé est forte, et être antisioniste deviendrait alors aussi incongru qu’être anti bonapartiste en France ou anti confédéré aux États-Unis.

 

Le vide créé par le ridicule de la situation laisserait mieux apparaitre la réalité crue des sentiments qui meuvent ces prétendus antisionistes et aurait le mérite de replacer l’antisémitisme et son infamie au centre du débat sur Israël.

 

L’autre avantage sera d’obliger les adversaires d’Israël à repenser toute leur stratégie de communication et de recrutement, gageons que le poids de l’histoire rendra plus difficile de séduire en se présentant sous l’étiquette « antisémite » que sous l’étiquette « antisioniste ».