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Madame Latifa Ibn Ziaten a émis le souhait de se rendre, avec son association, à Jérusalem, au Centre d’études de la Torah fondé par Éva Sandler
Cette année, les récipiendaires de ce prix sont deux femmes d’exception : Mesdames Éva Sandler et Latifa Ibn Ziaten.
Devant un auditoire de plus de deux cents personnes, composé de nombreux élus et de personnalités politiques, civiles et religieuses de premier plan, et en présence de Monsieur Richard Prasquier, président d’honneur du CRIF national, Monsieur Michel Destot, député-maire de la Ville de Grenoble a pris la parole.
Soulignant le mérite des deux lauréates du Prix Louis Blum 2013, qui ont résolument choisi de « ne pas aller du côté de ceux qui pleurent, mais en face, de l’autre côté », le député-maire a évoqué toutes les victimes froidement assassinées à Montauban et à Toulouse par le terroriste Merah en mars 2012.
Madame Sandler a perdu son mari, le Rav Yonathan Sandler et ses deux fils Arieh, âgés de 6 ans et Gabriel, de 3 ans ; Madame Ibn Ziaten, elle, a perdu son fils Imad, Maréchal-des-Logis-Chef du 1er régiment du Train parachutiste. Les militaires Abel Chenouf et Mohamed Legouad, ainsi que Myriam Monsonego, 8 ans, fille du directeur de l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse, ont aussi été massacrés par le tueur.
Dressant un parallèle avec l’actualité et la mort de Nelson Mandela, Michel Destot a rappelé l’importance de la lutte pour la paix, la tolérance, la liberté.
Il a également évoqué les liens solides et constants qui l’unissent au CRIF grenoblois et à sa présidente, Madame Edwige Elkaim-Sebban, qu’il a chaleureusement félicitée pour son énergie et son action inlassable dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, et pour le respect des valeurs de la République.
Puis ce fut au tour de la présidente du CRIF Grenoble-Dauphiné, de s’exprimer. Elle aussi a loué le courage et la dignité d’Éva Sandler et de Latifa Ibn Ziaten.
Ces deux mères meurtries ont eu la force de surmonter cette terrible épreuve, en privilégiant l’action et non le repli sur soi, ou la haine. Elles ont toutes deux créé une association pour perpétuer la mémoire de leurs proches et transmettre un message de paix et de tolérance.
Éva Sandler a fondé un « kollel », ou Centre d’études de la Torah, à Jérusalem, ayant pour vocation de faire vivre le souvenir de son époux et ses enfants, et d’apporter « plus de lumière », par l’enseignement de la Torah. Aujourd’hui, ce sont plus d’une cinquantaine d’étudiants francophones qui suivent des cours talmudiques dans ce centre.
Latifa Ibn Ziaten a fondé l’association « Imad pour la Jeunesse et la Paix », dont les objectifs sont d’intervenir auprès de jeunes, dans des écoles ou en milieu carcéral, pour informer, éduquer et prévenir les dérives sectaires et extrémistes. Parmi les projets de l’association IMAD, Madame Ibn Ziaten a organisé en octobre dernier un voyage au Maroc pour une trentaine de jeunes collégiens issus de quartiers sensibles, afin de promouvoir les valeurs de vivre ensemble et de tolérance qui caractérisent la laïcité.
Pour la présidente du CRIF Grenoble-Dauphiné, c’est un combat de tous les jours : « Il faut élever une digue infranchissable aux idées de haine raciste et antisémite, si l’on veut prévenir l’enchaînement d’esprits fragiles à des pulsions mortifères ».
Madame Elkaim-Sebban a achevé son allocution par cette note très émouvante : « Je suis particulièrement heureuse que les femmes d’exception que vous êtes, chère Latifa, chère Éva, se soient portées, avec courage et talent, au-devant de cette jeunesse pour délivrer un message de Paix et d'Amour. Il fallait tout l’amour de mères aux inépuisables ressources d’affection, capables même de pardonner, pourvu que l’on veuille revenir dans le camp du Bien ».
Après ces allocutions, Madame Gaby Blum est montée à la tribune pour remettre les trophées du Prix Louis Blum aux deux récipiendaires, et Monsieur Destot leur a offert la Grande Médaille de la Ville de Grenoble.
Dans un silence recueilli, la voix timide de Madame Éva Sandler s’est élevée pour remercier le CRIF Grenoble-Dauphiné et sa présidente pour cette distinction qui l’honore. Liant son épreuve à celle de Madame Ibn Ziaten, elle invoque le fait que « toutes deux avons été victimes de l’horreur la plus absolue, et toutes deux, à notre manière, tâchons d’apporter un peu d’espérance autour de nous ».
La création d’un Centre d’études talmudique en mémoire de son mari et de ses fils est pour elle une réponse à son deuil inconsolable, car à travers ce centre, ce sont les enseignements de son mari, et son amour sincère pour toute l’humanité, qui continueront d’être transmis.
Refusant de « vivre avec la haine », Madame Latifa Ibn Ziaten a ému toute l’assemblée en rappelant les conditions de la mort de son fils, puis en soulignant sa volonté de lutter de toutes ses forces contre l’intolérance, les préjugés, l’incompréhension, auprès de ces jeunes à la dérive, livrés à eux-mêmes et qui ont besoin de repères.
Elle a émis le souhait de se rendre, avec son association, à Jérusalem, au Centre d’études de la Torah fondé par Éva Sandler, car « on n’est pas différentes ; une maman musulmane, une maman juive, on a perdu la même chair, on a la même souffrance, et aujourd’hui on est là, ensemble ».
Un tonnerre d’applaudissements et une « standing ovation » ont ponctué ces deux témoignages bouleversants.
La cérémonie s’est achevée par un récital de piano au cours d’un intermède musical ; puis par un cocktail offert par la mairie dans la Grande galerie du Musée de Grenoble.
Viviane Maislisch Attard