Le CRIF en action
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Publié le 27 Mai 2015

Le CRIF reçu à l’ambassade de Pologne pour rencontrer Sébastien Rejak, envoyé spécial du Ministre des Affaires étrangères pour les relations avec la diaspora juive

M. Sebastian Rejak, envoyé spécial du Ministre des Affaires étrangères pour les relations avec la diaspora juive a rencontré le 19 mai dernier une délégation du CRIF, à l’occasion de son passage à Paris.

En présence de l’Ambassadeur de Pologne, S.E. Dr Andrzej Byrt, Sebastian Rejak  a présenté les grandes lignes de sa mission et a répondu aux questions de la délégation du CRIF.

Celle-ci  comprenait Yonathan Arfi, vice-président du CRIF et président de la commission des relations internationales, Claude Hampel, président de la commission du souvenir du CRIF, Paul Rechter, conseiller du Président du CRIF, Sacha Reingewirtz, président de l’UEJF, Eve Gani, directrice des relations internationales du CRIF, Nicolas Woloszko, trésorier de l’UEJF, et Liliane-Carol Benoit, secrétaire générale de l’Association européenne du Musée de l’Histoire des Juifs Polonais.
Sebastian Rejak  a notamment exposé lors de cette rencontre son rôle de porte-parole de la Pologne auprès de la diaspora juive : créer du lien entre la Pologne et la communauté  juive vivant hors de Pologne pour  établir un dialogue qu’il définit comme « éthique » et initier une coopération.
S’il n’ignore pas que de nombreux stéréotypes figent les  difficiles relations entre les Juifs et les Polonais et que certains  antagonismes perdure, M. Rejak estime que le processus de confrontation avec ce passé difficile est en marche. Le rapport entre  Juifs et  Polonais pendant la Shoah est ainsi étudié par les historiens et fait partie intégrante de l’histoire. L’antisémitisme avéré, les szmalcowniczy (Polonais ayant dénoncé des Juifs), les pogroms notamment ceux de Jedwadne et Kielce  ne sont plus passés sous silence et sont aujourd’hui évoqués  aux côtés des sujets concernant  le gouvernement polonais à Londres et  l’action de la résistance en Pologne. Il a fait également un état des lieux des mesures déjà mises en œuvre pour lutter contre l’antisémitisme et réinscrire les Juifs dans l’histoire de la Pologne.
Sebastian Rejak a également souligné la renaissance d’une vie juive en Pologne. Reprenant les paroles de Marian Turski prononcées lors de l’inauguration du Musée de l’Histoire des Juifs de Pologne en octobre 2014, il a rapporté que les Juifs de Pologne affirment avec détermination « Nous sommes là ». Et cette communauté juive veut se faire voir, veut que l’on vienne en Pologne non plus seulement pour participer aux « Marches de la mort » mais aussi  pour découvrir la « terre de Juifs vivants ». Et tant le Ministère des Affaires étrangères que l’Ambassade souhaitent aujourd’hui organiser des voyages pour les enseignants et les jeunes à la découverte de la Pologne juive. S’il est difficile de déterminer le nombre exact de Juifs vivant actuellement en Pologne,  selon  le recensement de 2011  il y aurait  7300 Juifs déclarés dont 600 à Varsovie. Selon le Grand rabbin Michael Schudrich, la communauté comprendrait de 20.000 à 40.000 personnes incluant ceux qui ont « une identité juive émotionnelle ». A titre d’illustration de cette vitalité, M. Rejak a rappelé que huit communautés juives orthodoxes se sont créées et que des mouvements non orthodoxes se sont également formés notamment à Gdansk, Katowice et Poznan. L’on note en outre un développement de cercles juifs non traditionnels, séculaires comme Beth Polska ou le club Maccabi  et  Hashomer Hatzair. Un mensuel est publié en Yiddish -Die Yiddishe Wort, cet intérêt pour le Yiddish étant d’ailleurs partagé par des étudiants non juifs. L’un des buts de Sebastian Rejak qui se veut le porte parole de la communauté est ainsi de créer du lien entre cette communauté juive polonaise et la diaspora.
Sur la question de l’antisémitisme, l’envoyé  spécial du Ministre des Affaires Etrangères a exposé les différentes mesures  mises en œuvre dans l’éducation pour sensibiliser les jeunes générations. Selon lui, l’Holocauste fait ainsi partie intégrante de l’enseignement en Pologne aujourd’hui. On ne passe sous silence ni les massacres de Kielce et Jedwabne ni les actions des quelques milliers de szmalcowniczy qui ont persécuté les Juifs. Le livre «  La Shoah, comprendre pourquoi » vient ainsi d’être réimprimé pour le secondaire et 400.000  jeunes Polonais visitent chaque année  les camps de concentration et d’extermination.

M. Rejak a souligné combien se confronter aux aspects sombres de leur histoire pouvait être difficile pour les Polonais, qui  pendant des siècles ont développé une image de nation forte dans laquelle il n’y avait pas de place  pour une image de persécuteur. Ils étaient eux-mêmes soumis à l’occupation et à la  barbarie nazie, a rappelé l’envoyé du Ministre. Mais il a également partagé une note positive : les slogans antisémites et xénophobes ne font pas recette. Aux dernières élections présidentielles les deux représentants de l’extrême droite (sur 11 candidats) ont obtenu moins de 2%.

Pour lutter contre l’antisémitisme sur internet la Pologne vient de ratifier un protocole, signe d’un changement au niveau sociétal. Chaque cas doit remonter au niveau du Procureur général si le Procureur régional n’a pas condamné l’auteur d’un acte antisémite ou  de propos négationnistes. Les membres de l’association « Never Again » et de «  Stop Hate » se mobilisent contre l’antisémitisme dans la vie publique, sur Facebook et dans la société civile, en effaçant les graffitis antisémites par exemple. Les interventions négationnistes sont punissables et un professeur d’université a été limogé après avoir publié un livre négationniste.

Sur la question des spoliations, Sebastian Rejak a expliqué qu’il fallait distinguer les biens communaux des biens privés. Il a rappelé que  l’Etat polonais n’existait pas pendant cette période et donc  la responsabilité de l’Etat au regard des biens confisqués par les autorités allemandes et soviétiques ne peut être mise en cause. En revanche, elle est engagée pour les biens confisqués pendant le régime communiste. Une loi de 1997 gère ces questions et un fond de compensation a été institué. L’Etat a ainsi déjà payé des compensations à hauteur de 27 millions de $  pour des biens communaux et certains biens en nature ont été restitués. Pour les biens privés deux fonds de compensation de 1,5 milliards de $ ont été créés pour soutenir le processus de restitution mais le prix de la procédure est exorbitant et la documentation justificative difficile à produire.

L’Ambassadeur Andrzej Byrt a clos la réunion en soulignant que cette rencontre  est un témoignage de la volonté de la Pologne d’inscrire les Juifs dans le récit national, de faire revivre cette histoire commune : c’est une bataille que Juifs et Polonais doivent livrer ensemble.