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Le peuple juif de Grèce a versé un lourd tribut de sang pendant l'occupation allemande et nous considérons notre devoir de défendre non seulement les droits de la communauté juive de ce pays, mais aussi la mémoire de ceux qui ont été victimes du nazisme
A Athènes, les membres de la délégation française ont été accompagnés par des membres du Conseil central des communautés juives de Grèce dirigé par son président David Saltiel et par le président de la communauté juive d'Athènes, M. Benjamin Albalas.
Ils ont rencontré le ministre de l'Ordre public et de la protection des citoyens Nikolaos Dendias, le ministre de la Justice, Antonis Roupakiotis avec le vice-ministre Kostas Karakounis, le ministre de l'Éducation, de la Religion, la Culture et des Sports Konstantinos Arvanitopoulos, accompagnés du Secrétaire général à la religion Giorgos Kalantzis.
Au cours de ces réunions, le CRIF a exprimé sa préoccupation concernant l'élection des sympathisants du parti néonazi Aube Dorée au Parlement, la popularité de ce parti et l'augmentation du nombre d'incidents racistes en Grèce. La nécessité d'une action de l'Etat contre toutes les manifestations de racisme a été soulignée. La délégation a insisté en particulier sur le négationnisme et l'importance de l'éducation à la Shoah, dans un pays où presque 90% des juifs ont été déportés dans les camps. A Salonique, autrefois « Jérusalem des Balkans » par exemple, 96% de la communauté a disparu.
De manière générale, les ministres ont exprimé une position claire et catégorique contre le racisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations. La déclaration faite par le ministre de la Justice est un exemple caractéristique.
Le ministre Roupakiotis a déclaré: «Le peuple juif de Grèce a versé un lourd tribut de sang pendant l'occupation allemande et nous considérons notre devoir de défendre non seulement les droits de la communauté juive de ce pays, mais aussi la mémoire de ceux qui ont été victimes du nazisme et de la Shoah. » M. Roupakiotis a également déclaré que le ministère de la Justice travaillait sur une législation plus stricte contre le racisme.
La délégation du CRIF a également rencontré l’Archevêque d'Athènes et de toute la Grèce Ieronimos et a discuté des relations entre l'Eglise orthodoxe et la communauté juive, ainsi que du rôle joué par l'Eglise orthodoxe grecque pour sauver la vie des Juifs pendant l'occupation allemande. En se référant aux déclarations antisémites faites par des représentants de l'Église orthodoxe grecque, l’archevêque Ieronimos a marqué sa désapprobation: «Ce sont des cas isolés condamnés par l’Eglise», a déclaré l'archevêque.
Les dirigeants du CRIF ont également rencontré le maire d'Athène, Giorgos Kaminis, son Excellence l'Ambassadeur de France en Grèce Jean Loup Delforge et son Excellence l'Ambassadeur d'Israël Arye Mekel, avec lequel ils ont discuté de l’évolution positive des relations entre la Grèce et Israël.
Les échanges entre les membres de la délégation représentant la communauté juive de France et la communauté juive grecque ont été nombreux. La délégation française a renforcé ses connaissances sur l’histoire de l’une, si ce n’est la, plus ancienne communauté juive d’Europe, installée en Grèce depuis le IIIème siècle avant J.C. et renforcée par l’arrivée de Juifs sépharades au XVème siècle sous l’Empire Ottoman. La délégation a ainsi visité le Musée juif de Grèce et les synagogues romaniotes et sépharades d'Athènes, avant de déposer une gerbe sur le mémorial de l'Holocauste. Son séjour à Athènes s'est terminé par une visite d’une école primaire, où les enfants apprennent, dès le plus jeune âge, trois langues, le Grec, l’Hébreu et l’Anglais.
À Thessalonique, la délégation du CRIF a été accueillie avec un dîner organisé par la Communauté juive locale auquel ont assisté également les membres du Conseil de la Communauté, le vice-gouverneur de la région Apostolos Tzitzikostas et le nouveau Consul de France à Salonique, M. Christophe Le Rigoleur. Des réunions officielles ont également eu lieu entre la délégation et le ministre de la Macédoine et de Thrace Theodoros Karaglou et le maire de Salonique Yiannis Boutaris, qui a évoqué l’histoire passée et le développement actuel de la ville. La délégation a été très intéressée par la visite des sites juifs de Thessalonique, notamment le Musée juif de Thessalonique, mais aussi une école primaire et une maison pour les personnes âgées, dont certaines sont des rescapées des camps, avant de déposer une gerbe sur le mémorial de l'Holocauste.
La commémoration des 70 ans de la déportation des juifs de Grèce aura lieu à Salonique, en mars 2013. Les juifs de Grèce ont été déportés jusqu’à très tard dans la guerre, le 25 mars 1944 pour Ioannina, capitale d’Epire autrefois capitale de la communauté juive Romaniote, c’est-à-dire de la communauté juive grecque hellénophone dont les origines diasporiques remontent à la période hellénistique.
Eve Gani, d’après :
Ci-après, l’article du journal le Monde « La Grèce tente une contre-offensive contre ses néonazis, devenus omniprésents », paru le jeudi 20 septembre 2012
Le gouvernement grec s'est résolu à hausser le ton face au parti néonazi Aube dorée, omniprésent dans la rue et en pleine forme dans les sondages, après son entrée au Parlement à la faveur de la crise. Après des années d'incurie face à l'extrémisme de droite, qui bénéficie de collusions policières et de l'inertie judiciaire, les autorités grecques semblent avoir pris conscience de la menace qui se profile pour une société démocratique.
Après avoir lui-même tonné contre une "invasion" immigrée qui menacerait "la survie" nationale, le ministre de l'ordre public, Nikos Dendias, a fini par lancer la contre-offensive réclamée depuis des mois par les défenseurs des droits de l'homme. Il a décrété la tolérance zéro contre les groupes auteurs de violences, qu'il a désignés comme des "sections d'assaut", dans une référence directe aux SA hitlériennes. Il a également menacé les députés néonazis d'arrestations en cas de flagrants délits, les a privés de gardes du corps, et a fait tomber quelques têtes policières trop évidemment complaisantes.
La justice a elle aussi haussé le ton, en demandant la levée de l'immunité parlementaire de trois élus néonazis accusés notamment d'usurpation d'autorité, tandis que son ministre, Antonis Roupakiotis dénonçait des "comportements nazis, fascisants et inhumains de cadres d'Aube dorée". Un test crucial de cette nouvelle détermination sera la reprise prévue mardi, après sept ajournements, d'un procès de trois activistes accusés d'avoir poignardé des Afghans.
Contrôles d'identité
C'est en se substituant ouvertement à la police, en menant des contrôles de papiers d'identité début septembre dans un marché de plein air, suivis de saccages d'étals, le tout diffusé sur Internet, qu'Aube dorée a déclenché ce sursaut. Mais pour le journaliste Dimitris Psaras, spécialiste de l'extrême droite, cette escalade s'inscrit dans une "stratégie de tension très organisée et coordonnée" d'Aube dorée.
Le syndicat professionnel des vendeurs ambulants a d'ailleurs salué les raids néonazis, tandis que responsables politiques et médias convenaient de l'impératif d'une lutte contre les vendeurs immigrés à la sauvette, accusés de ruiner les Grecs. Au vu de l'exaspération sociale, "Aube dorée veut faire réagir l'Etat dans le but d'apparaître comme la seule force antisystème", estime M. Psaras.
Démonstration de force
Depuis cet été, Aube dorée (Chryssi Avghi) est dans la démonstration de force permanente. Ce parti est soupçponné d'orchestrer des violences visant, dans la rue, au travail ou à domicile, des étrangers ou présumés tels. Une situation qui a été dénoncée par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNCHR) fin août, ou encore par Human Rights Watch en juillet. Dans un rapport intitulé La haine dans les rues : la violence xénophobe en Grèce, l'ONG relatait : "Les migrants et les demandeurs d'asile ont parlé à Human Rights Watch de quartiers d'Athènes où ils ne vont plus à la nuit tombée car ils ont peur d'être attaqués par des groupes de Grecs souvent vêtus de noir et en quête de violence." Et assurait que des membres d'Aube dorée ont été impliqués dans certaines de ces attaques.
Lire le reportage : En Grèce, la grande détresse des migrants pris au piège de Patras
Cet ancien groupuscule semi-clandestin, qui a raflé en juin 18 sièges au Parlement grec, est "là pour rester", estime l'analyste politique Yannis Mavris. Après avoir obtenu 7 % aux élections de juin, Aube dorée est désormais créditée de plus de 10 % d'intentions de vote par plusieurs instituts de sondages. L'un d'eux lui octroie même le double de son score des dernières élections.
Au vu de son succès auprès des jeunes, de la "vague de désaffection des partis" traditionnels déferlant sur un pays en voie de paupérisation sous le poids de l'austérité, "il s'agit d'un nouveau phénomène, très dangereux pour le système parlementaire", ajoute M. Mavris. La gauche, dont la formation radicale Syriza représente près d'un tiers de l'électorat, juge désormais nécessaire la formation d'un "front antifasciste" susceptible d'allier toutes les forces démocratiques.
Du Sang "Grec Pour Les Grecs"
Injures et menaces lancées au Parlement, collecte de sang "grec pour les Grecs", distribution de colis alimentaires dont des gros bras chassent les non-Grecs, raids homophobes : pour la criminologue Sophia Vidali, Aube dorée "mène une politique activiste renvoyant au néofascime italien des années 1970".
L'objectif de la formation, dont les membres paradent en tee-shirt noir frappés du méandre grec, leur emblème, est "d'apparaître en justicier, en vengeur" d'une population mise sous pression par la crise et par les redoutables politiques de rigueur qu'elle a entraînées, relève Mme Vidali. Et aussi d'intimider, comme l'affectionne son chef. Le quinquagénaire Nikos Mihaloliakos, détenu deux fois pour violences dans les années 1970, est coutumier des menaces publiques.
La posture est d'autant plus porteuse que le centre politique est uni au sein d'un gouvernement de coalition droite-socialistes-gauche modérée, qui s'apprête à en rajouter dans l'austérité. Athènes est en effet sous la pression de ses principaux créanciers – la BCE, le FMI et l'UE – pour réaliser plus de 11,5 milliards d'euros d'économies. De ces efforts dépend le rapport de la troïka rassemblant ses créanciers, puis le versement d'une tranche d'aide de 31,5 milliards d'euros, vitale pour le pays, qui a des échéances de remboursement en novembre.