Roger Cukierman : « Ce soir, j'en appelle à tous les Français parce que la haine des Juifs ne s'arrêtera pas aux Juifs! »

Nous le disons, haut et fort, car nous en avons assez, que l'on nous écoute avec bienveillance, puis que l'on nous dise que la France et le monde sont en crise, et que la violence est un phénomène général.

En fait, on nous dit beaucoup de choses. On nous dit aussi :

« Vous exagérez»

« Les auteurs d'actes antisémites sont des jeunes, mal dans leur peau. Il faut les comprendre.»

« Vous créez l'hostilité par votre soutien à Israël. »

« Vous contribuez au communautarisme. »

A ceux qui nous tiennent ces discours, je dis ce soir :

Non, nous n'exagérons pas ! Les Juifs représentent 1% de la population française, mais sont victimes de 40% des violences racistes recensées dans notre pays. Ces dernières années, notre situation de Français juifs s'est fortement dégradée. Les manifestants de mai 68 avaient pour slogan : « nous sommes tous des Juifs allemands ». Qu'il est loin, ce temps ! Dans les années 2000, quand des synagogues étaient incendiées, en 2006, quand Ilan Halimi a été assassiné, et en 2012, quand on a tué des enfants à Toulouse parce qu'ils étaient juifs, il y a eu des mobilisations, mais on n'a pas entendu le slogan : « nous sommes tous des Juifs français ».

Ces dernières semaines, les slogans qui ont résonné étaient, hélas, très différents. Ils cherchaient à nous retirer notre citoyenneté, à nous exclure de la communauté nationale et - c'est un comble - à nous expulser des manifestations contre le racisme et l'antisémitisme !!! On l’a vu vendredi dernier à l’Université de Paris VIII à Saint-Denis, où les étudiants de l’UEJF qui accompagnaient des étudiants israéliens venus dialoguer avec les étudiants de Paris VIII, ont été expulsés sur pression des étudiants pro-palestiniens du BDS.

Ce mauvais climat nous inquiète à la fois pour les Juifs et pour la France. Il exprime l'abandon d'une des valeurs essentielles-de notre République : la fraternité. Ce mauvais climat appelle un sursaut.

Le sursaut commence par l'affirmation de notre citoyenneté française.

Je suis français, je suis juif et je suis fier de l'être !

Oui, les Français juifs sont fiers de leur identité, de leur histoire, de leur citoyenneté, de leur amour de la France et de leur contribution à la grandeur de la France.

Oui, les Français juifs sont, ici, chez eux ! Ils ont droit, comme tous les autres citoyens, à vivre en France dans la sécurité et la sérénité.

Les institutions juives sont mobilisées. Le CRIF est déterminé. Il ne laissera rien passer. Chers amis, ne nous trompons pas ! Ce combat ne concerne pas uniquement les Juifs. L'antisémitisme est le problème de la France. Quand on attaque les Juifs, ce sont les libertés de tous qui sont en danger.

Notre avenir sera celui que nous construirons ensemble. Nous espérons encore que la France, ouverte et généreuse que nous aimons, se libérera de ce fléau.

Ce soir, j'en appelle aux pouvoirs publics pour qu'ils renforcent leur action contre l'antisémitisme.

Ce soir, j'en appelle aux enseignants parce qu'on ne naît pas antisémite et parce que l'éducation a pour grande et belle mission de faire reculer l'ignorance, et les préjugés. Ce soir, j'en appelle aux médias, aux responsables de toutes les religions et à l'ensemble de la société civile.

Ce soir, j'en appelle à tous les Français parce que la haine des Juifs ne s'arrêtera pas aux Juifs.

Si vous acceptiez que la haine gagne en France contre les Juifs, alors vous tourneriez le dos à la fraternité et vous vous prépareriez à perdre la liberté et l'égalité.

Voilà le véritable enjeu ! Car la haine des Juifs ne vise pas uniquement les Juifs. C'est pourquoi/je vous invite, tous, ce soir, à crier haut et fort : la haine des Juifs, ça suffit !