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Mais cette pensée unique s’incarne aussi dans ce conformisme massifié en matière de culture, issu pour une grande part d’un milieu fermé d’héritiers qui établissent ces normes rigides, mais invisibles à la fois et qui, incorporées, deviennent des évidences. Malheur à celui qui s'en écarte, il sera privé d'antenne, d'audience et de lecteurs. Beaucoup en ont fait l’expérience. La liste serait longue. C’est là le discours de la « bien-pensance », de la doxa, auquel il est vain d’opposer argument contre-argument, mais qui invite plutôt, à son propos, à explorer «ce qui pense en nous silencieusement» comme l’écrivait Michel Foucault dans la préface de son dernier livre, publié quelques jours avant sa mort, en 1984. La monoculture règne dans la plupart des médias français. S’en lamenter est d’ailleurs vain, voire contre-productif puisque cela alimente l’illusion que le débat existe.
« Les réponses nous appartiennent, mais nous ne choisissons pas les questions », notait récemment Marcel Gauchet. En 1910, dans "Notre jeunesse", Charles Péguy incitait chacun à «dire ce qu'il voit. Et ce qui est plus difficile encore, à voir ce qu'il voit. » Dire ce que l'on voit paraît évident. Moins évidente est la seconde partie de la phrase : nombre d’entre nous, en effet, ne parviennent pas à voir ce que nous voyons, parce que cette vision ébranle nos habitudes et nos certitudes et crée un inconfort intellectuel jamais très loin d’un état anxieux. Du coup, la pensée est confondue à la croyance et notre vie se passe non à penser, mais à nous rassurer.
Dans la France de 2012, nombreux sont ceux qui demandent à l’histoire des « leçons », telles des recettes pour temps de crise. Il n’y en a pas. Si le passé n’a pas forcément grand-chose à nous dire, c’est l’histoire comme méthode, en revanche, qui nous aide à lire le présent et à imaginer l’avenir. L’histoire comme méthode, c’est ce mouvement qui consiste à mettre en lumière la genèse des faits politiques, sociaux, culturels, à dénaturaliser le social et à rompre avec ce qui va de soi…