Editorial du président
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Publié le 28 Juin 2011

Cinq ans après, ne pas oublier Gilad Shalit, par Richard Prasquier

Jusqu’au retour de leur fils, ils resteront dans leur tente, où amis et passants viennent les soutenir. Dans le centre de Jérusalem, entre la place de France d’un côté, l’angle entre la route de Gaza et la résidence du Premier Ministre israélien de l’autre : en quel lieu plus riche de symboles Noam et Aviva Shalit pouvaient-ils s’installer pour exprimer leur pathétique désarroi ?



Parmi les otages français, Gilad Shalit est le plus vieux, et il est aussi le plus jeune : dans quelques semaines il aura 25 ans d’état civil ; dans quelques jours il aura passé cinq années en captivité.
Ce n’est pas un emprisonnement banal : personne ne l’a rencontré, hormis ses ravisseurs ou leurs complices. Pas de visite de sa famille ou de la Croix Rouge, pas d’information sur ses conditions de détention, pas de certitude d’ailleurs qu’il soit encore vivant. Un enregistrement audio en juin 2007, une vidéo de septembre 2009 échangée contre la libération de prisonniers palestiniens. Depuis lors, plus rien. Cinq ans. Est-il enchaîné, peut-il parler ou lire, reçoit-il des coups, des menaces ou des insultes? Fait-il la différence entre le jour et la nuit ? Est-il en train de devenir fou ?
Pour ses geôliers, laisser la famille dans l’angoisse et l’ignorance augmente sa valeur marchande. Aucun sentiment n’est de mise, puisqu’il s’agit d’un israélien, d’un soldat, et pour tout dire, d’un Juif. Le monde a oublié Leon Klinghofer, ce juif américain, vieillard invalide, jeté à la mer du pont de l’Achille Lauro. Depuis le Front de Libération de Palestine de 1985 jusqu’au Hamas d’aujourd’hui, qui s’accroche à sa Charte et à son programme judéocide, la déshumanisation du Juif transcende les divergences politiques.
Le gouvernement israélien a accepté de libérer en échange du seul Gilad Shalit 1000 prisonniers palestiniens dont 450 choisis par le Hamas avec parmi eux des meurtriers de masse. Les deux tiers des citoyens israéliens soutiennent cet échange pourtant indécent qui ouvre la perspective du retour en activité de terroristes endurcis: mais les israéliens connaissent ces tractations où des centaines de palestiniens jugés et emprisonnés sont échangés contre un israélien et parfois contre des cadavres….
Rien n’y a fait. Les négociations indirectes ont buté devant l’intransigeance du Hamas, le jeu des factions et des hypocrisies et probablement l’influence de l’Iran jusque là tout puissant dans le territoire.
La France reste au premier rang de ces négociations, et il faut rendre hommage à la fermeté de ses positions. Le Président de la République a répété sur Gilad Shalit une double évidence: il est un français, il est un otage.
Il est, comme Ingrid Bettencourt, un de ces binationaux grâce auxquels l’influence de notre pays peut s‘étendre au delà de nos frontières et à qui la France doit assistance en cas de besoin. La loi est claire et ne pas le compter parmi les français enlevés dans le monde est faire parmi les citoyens des distinctions injustifiables.
Mais il est aussi otage, pas prisonnier de guerre, comme certains le disent. Il a été kidnappé, pendant son service militaire, en plein territoire israélien (non, pas dans « les territoires occupés » !). Il n’y avait aucune offensive israélienne à ce moment contre Gaza, que les Israéliens avaient quitté auparavant. Si on appelle cela une opération de guerre et pas un acte de terrorisme, alors il faut admettre que l’état de guerre existe entre Gaza et Israël et avec lui le droit au blocus que certains (les mêmes ?) veulent en même temps dénier à Israël. Et un prisonnier de guerre dont on est sans nouvelles depuis si longtemps est victime de crimes de guerre caractérisés.
De ce point de vue, entre la situation de Gilad Shalit et celle de Sala Hamouri, jugé avec tous les droits de la défense, condamné pour terrorisme, emprisonné dans des conditions normales de visite et bientôt libéré, il n’y a aucune autre similitude que celle de la double nationalité. Hormis cela, ils représentent les exacts contraires et tracer un signe d’égalité entre eux n’est rien d’autre qu’une ignominie, qui assimile la pire des dictatures à une démocratie qui malgré tout essaie d’être exemplaire.
Les organisateurs de la flottille pour Gaza, qui n’ont que les mots « humanitaire » et « paix » aux lèvres ont refusé de plaider la cause de Gilad Shalit. Ils ont confirmé ainsi que leur opération, inutile et hypocrite, ne vise qu’à rendre le Hamas « présentable ».
Maintenant que celui-ci a passé un « accord » avec l’Autorité Palestinienne, celle-ce ne peut plus esquiver sa responsabilité : elle peut faire taire les sceptiques et montrer que cet accord pourrait être un vecteur pour la paix: il suffit pour cela de libérer Gilad Shalit….
Richard Prasquier, président du CRIF
(article publié samedi 25 juin 2011 dans le Figaro)
Photo (Richard Prasquier lors de la manifestation pour Gilad au Trocadéro en 2010) : © 2011 Alain Azria