Editorial du président
|
Publié le 2 Février 2011

Editorial du président du CRIF Richard Prasquier : Sur la responsabilité

J’étais mardi 1 février 2011 à Auschwitz dans le voyage exceptionnel organisé par le Projet Aladin avec un public où se trouvaient de nombreux responsables politiques ou intellectuels du monde arabo-musulman ainsi que le Maire de Paris, l’ancien chancelier Gerhardt Schroeder, la Directrice générale de l’Unesco et une adjointe au Secrétaire Général des Nations Unies, accompagnés du Grand Rabbin de France, du cardinal-archevêque de Paris, de plusieurs imams, rabbins et dignitaires religieux chrétiens, d’anciens déportés, des présidents de la FMS, du Mémorial de la Shoah et du FSJU.




C’est en fin de voyage que j’ai appris les communiqués extrêmement inquiétants publiés par certaines organisations ne faisant pas partie du CRIF, sur un incendie terroriste d’une synagogue à Gabès en Tunisie. Le contexte du voyage leur donnait une coloration particulièrement accablante. Ces informations ont été démenties par l’AFP elle-même dans la soirée, mais il n’importe : le message d’angoisse était diffusé partout.



Voici ce qu’on peut en dire ce matin du 2 février après enquête auprès de spécialistes tunisiens et entretien prolongé avec M. Roger Bismuth, président de la communauté juive de Tunisie.



Il ne s’agit pas de Gabès, mais d’un bâtiment situé à une trentaine de km à l’ouest de Gabès, à El Hamma. Il ne s’agit pas d’une synagogue, mais du Mémorial en l’honneur du Rabbin Sidi Youssef Maaribi. Ce Mémorial est depuis une dizaine d’années visité une ou deux fois par an, pendant quelques heures, au détour notamment de la fête de la Ghriba à Djerba. Un petit local associant cuisine et lieu de prière, a été récemment aménagé.



C’est probablement ce petit local, et non le Mémorial lui-même, qui a été, non pas brûlé, mais partiellement dévasté au cours des troubles qui ont accompagné une manifestation dans le village. On ne sait pas encore si des rouleaux de la Thora s’y trouvaient, ce qui est probable, et s’ils ont été abîmés. La précision devrait être donnée dans la journée. En tout cas, les mises à sac ont touché tous les bâtiments attenants et ceux-ci n’ont rien à voir avec la communauté juive. Autrement dit, il s’agit d’actes violents survenus au cours d’une manifestation et absolument rien ne permet à l’heure actuelle de leur attribuer une connotation antisémite.



Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait en Tunisie. Nous avons un devoir de vigilance et nous l’exercerons, en lien étroit avec la communauté juive tunisienne. Ce que je sais, c’est que la publication de communiqués criant au terrorisme antisémite, alors que nous n’en avons aucune preuve, est triplement irresponsable :vis-à-vis du CRIF auquel on veut se substituer, vis-à-vis de l’ensemble de la communauté juive de France, qui perd sa crédibilité envers des pouvoirs publics, inutilement sommés de réagir , et vis-à-vis de la communauté juive de Tunisie, et cela est bien plus grave, car mettre de l’huile sur le feu est exactement ce qui risque d’entraîner les actions que nous voulons tous éviter.



Il y a le spectaculaire et il y a l’efficace. Il y a le scoop et il y a la vérité. Il faut deux minutes pour publier un communiqué. Il en faut plus pour vérifier une information et l’opportunité de sa diffusion. C’est ce que le CRIF continuera de faire avec fermeté et rapidité, avec réflexion mais sans précipitation irresponsable.



Photo : D.R.