Editorial du président
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Publié le 15 Décembre 2011

Justice pour Lee Zeitouni, un éditorial de Richard Prasquier

Il y a quelques jours, le parquet de Créteil a envoyé à Israël les résultats de l’enquête effectuée à la demande de la justice israélienne sur les deux hommes, citoyens français, suspectés d’avoir écrasé à Tel Aviv, au matin du 16 septembre 2011, il y a trois mois, une jeune femme de 25 ans, Lee Zeitouni, de l’avoir laissé agoniser sur le bord de la route sans lui porter secours et de s’être enfuis vers la France le plus vite possible pour échapper aux tribunaux israéliens.



C’est désormais à la justice israélienne de décider si elle demande officiellement à la France de se saisir de l’ensemble de ce dossier, cette demande pouvant éventuellement être faite aussi directement par la famille de la victime. Jusque-là, il semble que les israéliens espéraient qu’un nouvel événement, par exemple un déplacement des suspects hors de France, leur permettrait de demander l’extradition en Israël. Cela ne s’est pas produit, et il y a peu de chances que cela survienne désormais, car les avocats des suspects connaissent leur métier.



La France, en effet, comme les autres pays européens, n’extrade pas ses nationaux pour un délit ou un crime commis à l’étranger, sauf s’il s’agit d’un pays appartenant à l’Union européenne. En revanche, une extradition est possible s’agissant de personnes qui ne seraient pas des citoyens nationaux, en visite dans un pays tiers.



Une manifestation très émouvante a eu lieu le jeudi 8 décembre au soir dans le quartier de Tel Aviv où la jeune femme a été tuée. Plusieurs centaines de personnes, probablement près de 500, y participaient ; beaucoup étaient des amis de Lee, dont la photo avec son merveilleux sourire plein de joie de vivre illuminait la cour de l’école où avait lieu le rassemblement. Les parents, admirables de dignité, étaient venus de leur kibboutz de Galilée, père francophone d’origine égyptienne, mère d’origine anglaise, une famille israélienne exemplaire de ce qui fait la force de ce pays.



Une délégation du CRIF était là au cours de cette manifestation, et le public a apprécié de nous entendre, le vice-président, Meyer Habib, et moi-même, exprimer à la tribune notre dégoût de l’attitude cynique des auteurs de l’accident, qui n’ont apparemment pas eu un geste pour voir ce qui était arrivé à la personne qu’ils avaient renversée et qui se sont enfuis hors du pays à toute vitesse. Le fait que l’un d’entre eux arguerait de sa pratique religieuse comme si c’était un viatique ne rend pas son attitude moins abjecte, bien au contraire. Il est de notre devoir de créer, comme cela a été écrit avant moi, un cordon de séparation morale absolue vis-à-vis de deux hommes qui, il faut le rappeler, n’ont pas pu être encore interrogés, ni a fortiori mis en examen, par la justice française faute de directives d’origine internationale, c’est-à-dire de demande israélienne.



Malgré les espoirs exprimés par une partie du public israélien, l’extradition, si j’en crois les avis juridiques que j’ai sollicités, ne sera pas possible ; elle nécessiterait un changement des traités et celui-ci n’aurait de toute façon pas de caractère rétroactif. Il faut faire confiance à la justice française qui agit en fonction de ses normes propres, même si ces normes, en ce cas, pourraient être moins sévères que celles de la justice israélienne dans ces faits qui relèvent techniquement de la catégorie des délits (homicide involontaire, refus d’assistance à personne en danger, etc.…).



La coopération judiciaire entre la France et Israël a fonctionné et continue de fonctionner de façon étroite. La justice française attend d’être mise officiellement en action, ne pouvant se saisir d’elle-même de ce dossier. En ce qui nous concerne, nous devons apporter à la famille de Lee Zitouni l’expression de notre soutien unanime, sans laisser planer le moindre doute au sujet d’une soi-disant solidarité d’origine. L’ouverture d’un site internet où nous pourrions manifester ce soutien me paraît logique. Elle serait, je le sais, appréciée par les parents et les amis de Lee.



La pratique du « hit and run » (paga ou barach) se répand malheureusement, en Israël comme dans beaucoup d’autres pays. Est-ce la manifestation de sociétés où le laxisme, les facilités matérielles, la promotion de soi aux dépens du collectif et le relativisme ambiant finissent par oblitérer chez un nombre croissant de personnes le sens de la responsabilité morale ? Je ne sais pas. Mais le drame qui a fauché la vie si prometteuse de Lee Zeitouni doit aussi nous interpeller chacun d’entre nous.



Richard Prasquier
Président du CRIF



Photo : D.R.