Editorial du président
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Publié le 20 Janvier 2010

Mgr Williamson : le retour ?

Malgré l’ordre reçu par sa congrégation (la Fraternité Saint-Pie X) de ne plus s’exprimer sur ses opinions politiques, l’évêque intégriste Mgr Williamson récidive dans une vidéo publiée sur Internet (Dailymotion), s’émeut La Croix du 20 janvier 2010. Alors qu’il refuse toute interview à la presse (y compris La Croix), l’évêque controversé a en revanche a accepté de se laisser filmer par Pierre Panet, candidat sur la liste antisioniste mené par le grandguignolesque Dieudonné. En quinze minutes, Williamson aborde des questions politiques et religieuses. Interrogé sur l’Iran, il affirme qu’il « n’y a pas de raisons d’attaquer ce pays selon la doctrine catholique de la guerre juste. » Sur la légitimité de l’Etat d’Israël, il hésite un instant, rapporte La Croix, avant d’affirmer : « Beaucoup de monde croit que cet Etat est légitime, mais cela ne fait pas nécessairement qu’il l’est. » Enfin, concernant les négociations entamées en octobre entre la Fraternité et Rome, il se dit convaincu que les positions sont « inconciliables » : « Ou la Fraternité se trahit, ou Rome se convertit, ou l’on aboutit à un dialogue de sourds ».



Retour sur une nébuleuse : la Fraternité Saint-Pie X



Il y a un an (le 21 janvier 2009) Benoit XVI tendait la main aux intégristes, nostalgiques des croisades et partisans de la messe en latin. Le Pape décidait de lever l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint-Pie-X (1-2-3), dont Monseigneur Richard Williamson. Du coup les intégristes ont eu le vent en poupe, même si leur montée en puissance a fait débat notamment au sein de l'Eglise de France. Dans l’Hexagone, la polémique a été d’autant plus retentissante que, avec environ 30.000 fidèles, dont beaucoup ne font pas mystère de leurs sympathies pour l’extrême droite, la France est le pays qui compte le plus de lefebvristes, du nom de leur fondateur français (Mgr Marcel Lefebvre).



Or, l'un des quatre évêques intégristes dont l'excommunication avait été levée par le pape Benoît XVI, en l’occurrence Mgr Williamson, a mis en doute l'existence des chambres à gaz dans un entretien diffusé par la télévision suédoise. « Je crois qu'il n'y a pas eu de chambres à gaz (...) Je pense que 200.000 à 300.000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz », a-t-il déclaré au cours de l'émission Uppdrag gransning (mission investigation), programme hebdomadaire de la télévision publique suédoise SVT.



Mgr Williamson a présenté ses excuses. Mais, pour le président du CRIF, Richard Prasquier, la lettre de Richard Williamson publiée le jeudi 26 février 2009, demandant pardon pour ses propos négationnistes ne règle rien : « La seule idée qu’un évêque, un prêtre tienne un pareil discours me révulse. Je n’ai pas à donner de leçons à l’Église catholique, mais je pense que cela n’est pas compatible avec la vocation d’un prêtre. Car les propos de Mgr Williamson sont la dénégation complète de ce qui nous est commun, juifs et catholiques : la dignité humaine », écrit Richard Prasquier dans La Croix (2 mars 2009).



Le 27 octobre 2009, la justice allemande a condamné Richard Williamson à 12000 euros d'amende pour avoir publiquement nié la Shoah. Un tribunal de Bavière a ainsi répondu favorablement à une demande du parquet.



Autre scandale : en 2007, Williamson a affirmé dans un entretien que les attaques terroristes du 11 septembre auraient été montées par les Etats-Unis « pour pousser l'opinion publique américaine à accepter les invasions de l'Afghanistan et de l'Irak », selon un article de Jack Kenny paru dans le numéro du 15 novembre 2007 du journal hebdomadaire catholique traditionaliste The Wanderer : « Sans le 11 septembre 2001, il aurait été impossible d'attaquer l'Afghanistan ou l'Irak. Les forces à l'intérieur du gouvernement des Etats-Unis souhaitaient absolument attaquer et détruire l'Irak. Les destructions infligées à l'Irak sont indescriptibles. Et maintenant, les mêmes forces souhaitent faire la même chose avec l'Iran… Ces forces pourraient même être en train de comploter un second 11 septembre… »



Doit-on s’étonner ? Les observateurs attentifs savent depuis longtemps que ce prélat s'est toujours situé sur des positions apocalyptiques conspirationnistes, antisémites et négationnistes. Ajoutons que certains membres de la Fraternité Saint-Pie X ont signalé le caractère extrémiste des déclarations de Williamson (« moins il parle et mieux c’est »), sans pour autant se démarquer formellement de ses positions.



Bien évidemment, nous savons que les positions de Mgr Williamson sont très minoritaires : les Églises de France et d’Allemagne notamment se sont élevées avec vigueur contre ce qu’il a dit et elles continueront certainement de le faire. Par ailleurs, tout le monde a noté que le Pape Benoît XVI, lors de son allocution à la synagogue de Rome, a insisté sur la pérennité de Vatican II. A ce titre, il a fait plusieurs propositions de coopération avec le monde Juif, malgré les difficultés actuelles. Nous gardons donc notre confiance sur la poursuite et le renforcement du dialogue judéo-catholique.



Marc Knobel



Photo : D.R.



Note :



1) Pie X fut pape de 1903 à 1914.Son pontificat a été marqué par la fermeté dans le domaine religieux, politique et social.
2) Dès 1969 Mgr Marcel Lefebvre critique les décisions du Concile Vatican II qui s'est déroulé de 1962 à 1965. Ses principales cibles sont l'œcuménisme, les droits de l'homme, la laïcité, la révolution française et la messe dans des langues autres que le latin. C'est ce dernier point qu'il défend en continuant à célébrer la messe selon le rite défini lors du Concile de Trente au XVIème siècle. L'évêque fonde alors la Fraternité Saint Pie X en 1970. Mais, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X est officiellement dissoute le 6 mai 1975 par l’évêque de Lausanne, dont elle dépend. Cependant, le 30 juin 1988, Mgr Marcel Lefebvre, assisté de l’évêque brésilien de Campos, Mgr Antonio de Castro Mayer, ordonne illicitement quatre évêques. L’excommunication latae sententiae sera confirmée le 1er juillet de la même année par la Congrégation pour les évêques. Le lendemain, dans le motu proprio Ecclesia Dei adflicta, Jean-Paul II crée la commission du même nom chargée d’étudier le retour des intégristes dans la communion de l’Église. Les prêtres refusant de suivre Mgr Lefebvre dans le schisme seront notamment regroupés au sein de la Fraternité Saint-Pierre. L’excommunication des évêques a finalement été retirée par un autre décret de la même Congrégation en date du 21 janvier 2009, sur mandat du pape Benoît XVI.