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Au nom du CRIF et de toute la communauté juive, nous condamnons cet acte criminel avec la plus grande fermeté et nous pensons avant tout aux victimes, pour la plupart des jeunes gens, et à la détresse de leurs familles.
Les chancelleries occidentales, la France parmi elles, ont immédiatement fustigé cet attentat. On n’a pas encore lu, ce matin, les communiqués du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, ainsi que celui de Mme Navi Pillay, Commissaire international aux Droits de l’Homme, très réactifs dans d’autres circonstances, notamment lorsque Israël pouvait être incriminé.
Moins d’une heure après les faits, le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu, mettait en cause l’Iran.
Il y a dix-huit ans exactement, le 18 juillet 1994, un terrible attentat contre l’immeuble de la communauté juive de Buenos Aires (AMIA) faisait 85 victimes. Après de nombreux retards, provenant entre autres des hautes sphères politiques (Président Menem), le Hezbollah (Imad Mugniye, tué en février 2008 à Damas) et ses commanditaires iraniens ( parmi lesquels Ahmad Vahidi, actuel ministre iranien de la Défense) avaient été nommément mis en cause et recherchés par l’Interpol.
Cette coïncidence de date, aussi frappante soit-elle, n’est certainement pas l’argument principal des accusations du Premier Ministre israélien.
Il y a quelques jours, un libanais lié au Hezbollah avait été arrêté à Chypre avec des plans d’attaques contre des bus et des lieux de villégiature de touristes israéliens. Plusieurs autres attentats auraient été récemment prévenus par les services secrets israéliens. Tout suggère que le Hezbollah plutôt que de lancer des opérations par delà la frontière nord d’Israël essaie de frapper les Israéliens à l’extérieur.
Ce même 18 juillet un spectaculaire attentat, survenu à Damas au cœur d’un des lieux les plus protégés de la Syrie, vient de décapiter la plus haute hiérarchie du ministère de la défense, entre autres le ministre, un ancien ministre et le vice-ministre, Assef Chawkat, beau-frère de Bachar el Assad, un des hommes les plus puissants du pays. Pour la plupart des commentateurs, les jours du régime alaouite sont comptés.
Si entre Damas et Bargas, la coïncidence chronologique est certainement fortuite, la liaison logique est très vraisemblable.
Avec la chute de la maison Assad, l’Iran risque de perdre son allié le plus fidèle. Le Hezbollah, qui reçoit ses instructions de Téhéran, se trouverait dans un environnement locorégional beaucoup plus défavorable.
Comment renforcer la position de l’Iran, engagé par ailleurs dans son projet nucléaire ? Redorer son blason et sa popularité dans le monde arabe.
L’hostilité entre chiites et sunnites qui est à la source de la révolte syrienne repose dans ce pays sur un passé particulièrement lourd (20 000 morts probablement dans la destruction de Hama par le père et l’oncle de Bachar el Assad en 1982). Mais, sauf en Arabie Saoudite (berceau du wahhabisme rigoriste), on assiste aujourd’hui dans le monde arabe à des appels au renforcement des liens entre les Frères Musulmans et l’Iran. Un discours du nouveau président Egyptien, M.Morsi, était tout à fait explicite. Ainsi doivent s’analyser la présence d’une délégation iranienne au moment du Congrès de Ennahda, les articles des journaux iraniens comparant l’Iran, berceau de la révolution de 1979 et la Tunisie, lieu d’origine du printemps arabe. Plus que tout, il ne faut pas oublier que le Hamas, branche palestinienne des Frères Musulmans, est largement financé militairement par l’Iran chiite. On ne sera donc pas étonné d’entendre désormais le Ministre des Affaires Etrangères iranien, M.Selihi, appeler à des rencontres entre l’Iran et l’opposition syrienne, contrastant avec la position classique de l’appui sans réserve apporté jusque-là au régime syrien.
Quelle est la meilleure façon de souder ce Moyen Orient, actuellement parcouru par le conflit entre chiites iraniens et le monde sunnite, qui risque de fragiliser l’Iran et le Hezbollah ? C’est de réactiver un fossé bien plus profond que celui qui sépare les sunnites et les chiites, celui qui existe contre l’archi ennemi israélien. Car qui dit fossé, dit aussi ciment.
Et pour cela, rien ne vaut un attentat contre des Israéliens à l’étranger, avec l’espoir que des représailles pourraient reconstituer l’union sacrée…
Richard Prasquier
Président du CRIF