Editorial du président
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Publié le 8 Février 2012

Les déclarations de Serge Letchimy

L’insinuation suivant laquelle la formule utilisée par Claude Guéant « toutes les civilisations ne se valent pas » ramène aux camps de concentration, à l’esclavagisme et au nazisme relève de l’insulte par « reductio ad hitlerum » et de la pensée par amalgames, qui est un ersatz de la pensée.

Richard Prasquier

Le petit-fils que je suis de Juifs assassinés par les Nazis ne veut pas juger une culture par ses pathologies

La « civilisation européenne » n’a certes pas seulement enfanté Galilée et Mozart, Shakespeare et Einstein, Schoelcher et Dunant, mais aussi l’esclavage, les épurations ethniques, les totalitarismes et le nazisme ; il n’en reste pas moins que les amalgames que s’est permis M. Serge Letchimy pousseraient à rejeter le Darwinisme parce qu’il a irrigué le nazisme ou la génétique parce qu’elle a servi de support au racisme.

 

Si je suis réservé sur le terme de « civilisations », souvent ethnocentré, je pense que ceux qui considèrent que tous les systèmes politiques, sociétaux, juridiques ou normatifs sont moralement équivalents s’interdisent par avance toute préférence, toute action et toute idée de progrès, puisque celui-ci n’a plus de sens.

 

Les systèmes qui incluent la liberté d’expression des individus, celle de croire et de ne pas croire, l’égalité des droits entre les hommes et entre les hommes et les femmes et l’aide aux plus défavorisés me paraissent être effectivement des systèmes de qualité meilleure à ceux qui ne s’en préoccupent pas, voire prônent le contraire.

 

Le descendant d’esclaves qu’est M. Letchimy éprouve une amertume compréhensible à l’égard de la glorification d’une « civilisation » qui a, aussi, permis la traite des Noirs. Le petit-fils que je suis de Juifs assassinés par les Nazis, avatar monstrueux de la même « civilisation » occidentale, ne veut pas juger une culture par ses pathologies, mais par sa volonté dans l’histoire à s’autocritiquer et à s’améliorer dans le sens de certaines valeurs fondamentales. Je pense que c’est à ce niveau-là que nous devrions nous réunir sans anathèmes ou diffamations, avec lucidité et respect pour la longue voie pleine de cahots et de gouffres, mais aussi de grandeur qu’a été l’histoire de notre continent européen, que Valéry qualifiait de petit promontoire de l’Asie.