Tribune
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Publié le 18 Septembre 2014

Le rejet de l'autre nous concerne tous: passons aux actes

Par Aya Cissoko, écrivaine franco-malienne, publié dans le Huffington Post le 17 septembre 2014

Une journée caniculaire. Je rentre dans une librairie.

- Qu'est-ce qu'il fait chaud !

- Vous devriez pourtant avoir l'habitude dans votre pays.

Une salle d'attende d'un laboratoire d'analyse. Je relis Vingt-quatre heures de la vie d'une femme de Stephan Zweig.

- Vous lisez ça?

Dans un bus. Un homme se lève de son siège. Une femme noire prend la place. Se rendant compte qu'il n'en descend pas, elle lui propose de lui rendre son siège. La dame qui accompagne l'homme :

- On appelle ça la politesse chez nous !

Notre degré d'intimité zéro et une certaine lassitude me décourage à répondre à mes interlocutrices :

- Je suis née à Ménilmontant et je ne suis jamais allée en Afrique.

- J'aime Stefan Zweig, Romain Gary et Amadou Hampâté Bâ.

- Vous aurez l'hospice en guise de respect. Les Blancs ne s'occupent pas de leurs « vieux ».

Je m'amuse moi aussi des clichés. Mais les attaques ou remarques, quand elles émanent d'inconnu et que leur rythme s'accélère, deviennent blessantes, humiliantes, douloureuses.

Ceci étant dit, loin de moi l'idée de faire le procès d'un racisme uniquement blanc. Le rejet de l'autre nous concerne tous. « On est toujours le raciste de quelqu'un. » Ma mère me disait souvent : « Les blancs, ils sont pas comme nous ! »

L'identité se construit dans l'altérité. Le danger advient quand on définit, classifie, hiérarchise les individus selon des critères qui leurs seraient intrinsèques, dans le but de justifier la haine de l'autre, sa stigmatisation, son rejet. Non, les arabes ne sont pas tous des voleurs. Non, les Roms ne sont pas tous des mendiants. Non, les noirs ne sont pas tous fainéants. Non, les juifs ne sont pas tous riches. Oui, les blancs ne sont pas tous racistes.

Je suis inquiète. Les racistes, antisémites, extrémistes gagnent du terrain.

Les responsables politiques des grands partis traditionnels semblent avoir renoncer à être les garants des fondements de notre République « une et indivisible ». Ils et elles désignent des boucs émissaires. Ils et elles n'hésitent pas à cliver, favoriser, discréditer des groupes, une communauté, une religion pour nous détourner de leurs manquements. Ils et elles ont participé à libérer la parole raciste… Lire la suite.

Photo D.R

Il revient au quatrième pouvoir de jouer pleinement son rôle. Le travail journalistique est un support à l'action démocratique d'un individu. Il est primordial dans la formation des esprits. Et la difficulté « ce n'est pas de dire la vérité, c'est dire toute la vérité. » La compréhension du monde et de ses enjeux ne peut se faire à travers un axe bien/mal. Ou encore à l'échelle d'une nation.

Aux citoyens de reprendre la main et ne pas céder face aux ennemis de la démocratie. Le combat se gagne dans les urnes. Le « à quoi bon ? », le « tous pourris » ou « tous les mêmes », le « ça ne sert à rien », « ils font quoi pour moi ! » ne peuvent justifier le fait de ne pas voter. Les extrêmes n'ont pas autant d'état d'âme.

La guerre contre l'obscurantisme se gagnera sur le terrain des idées. Rien ne sert de censurer, diaboliser les racistes, antisémites, et autres extrémistes religieux. Il faut au contraire les identifier, les nommer, les dénoncer et démonter un à un leurs arguments.

Je termine avec les instances représentatives des religions musulmanes. La respectabilité et la légitimité d'une institution s'acquièrent par sa capacité à maintenir l'ordre et la discipline en son sein. Les dérives et la barbarie doivent être dénoncées. On ne peut pas se contenter de dire : « Ça ce n'est pas l'islam. »

Aux musulmans de prendre leur destin en main. Des individus ne peuvent pas prendre en otage une religion et ses croyants.

L'heure et grave. Il y a urgence à agir en rang serré. Nous sommes rentrés en guerre, en résistance. Les extrêmes gagnent du terrain. Et leur gouvernance n'a jamais rien donné de bon.