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Publié le 4 décembre dans Le Figaro sous le titre Face à la haine qui gangrène la société française, Christophe Castaner crée un nouvel office national
La déclaration est saluée par tous ceux qui ont été touchés par la profanation de 107 tombes du cimetière juif de Westhoffen. En visite sur dans un Bas-Rhin fortement secoué par une flambée d’actes antisémites, Christophe Castaner a officiellement annoncé «la création d’un office national de lutte contre la haine». Mais d’aucuns se questionnent sur les similitudes entre cet office et l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), créé en 2013.
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«L’office national de lutte contre les haines» évoqué par le ministre de l’Intérieur «sera chargé de coordonner pour la gendarmerie nationale» l’enquête sur les profanations de ce cimetière du Bas-Rhin, «mais aussi l’ensemble des enquêtes pour les actes antisémites, antimusulmans, antichrétiens que nous connaissons sur notre territoire en zone gendarmerie». Concrètement, cet office aura la forme d’une «cellule», déjà testée depuis quelques mois en Alsace sur des actes similaires à ceux de Westhoffen, a déclaré l’entourage du ministre, rapporté par Paris Match. Le dispositif test sera étendu au niveau national en zone gendarmerie. «Il sera chargé aussi d’accompagner l’ensemble des acteurs de tous les territoires, de faire le lien avec la police, la justice, pour que les auteurs de ces actes ignobles soient condamnés».
Or, l’OCLCH, qui a pour mission d’enquêter sur les crimes internationaux les plus graves, est également chargé de la lutte contre les crimes motivés par la haine et l’intolérance, selon l’article 2 de son décret fondateur. Les magistrats peuvent donc saisir cet office, ou le co-saisir avec un service classique d’enquête, pour diligenter des enquêteurs ayant une certaine technicité en matière de crimes racistes, antisémites ou homophobes. Ainsi, en janvier 2018, cet organe qui compte une vingtaine de gendarmes et de policiers avait été co-saisi d’une enquête pour «apologie de crimes contre l’humanité», suite à la découverte d’une stèle érigée en l’honneur de soldats nazis à Volmunster (Moselle), soupçonnés d’avoir orchestré l’un des plus grands massacres de France pendant l’Occupation, en exterminant 124 habitants du village de Maillé (Indre-et-Loire), le 25 août 1944.
En février 2019, l’OCLCH avait aussi été saisi d’une enquête après la profanation du cimetière juif de Quatzenheim. Cet office ayant démontré son efficacité, la création d’un nouvel office de lutte contre les haines pourrait sembler inutile, voire contre-productive.
Mais en 2018, la secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Magali Lafourcade, se réjouissait sur le site du ministère de l’intérieur à l’idée que l’OCLCH puisse, à terme, «devenir un centre d’expertise ouvert sur l’international pour la police et la gendarmerie en matière de crimes de haine, ce qui fait défaut aujourd’hui dans le paysage français et européen. En cette matière, une connaissance approfondie de ces phénomènes et du ressenti des victimes et des groupes auxquels ces victimes sont susceptibles d’appartenir est nécessaire pour les traiter de manière adaptée sur le plan judiciaire». Or, la lutte contre les haines ne constitue qu’un faible volet du travail de l’OCLCH, pouvant engendrer une perte d’efficacité à cause d’une spécialisation plus faible.
C’est pourquoi Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), se félicitait mercredi de la création d’un organe de lutte contre les haines auprès du Figaro. «J’accueille cette annonce avec satisfaction parce que cela fait des mois, peut-être des années, que je ne cesse de dire que la haine - qu’elle s’exprime par l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie ou même le sexisme - gangrène la société française et qu’il faut prendre des mesures radicales. L’annonce de la création d’un office national spécialement dédié à la lutte contre la haine ne peut être accueillie que positivement.» Pour lui, il n’y a pas de risque que la proximité des compétences de l’OCLCH et du nouvel office diminue l’efficacité de la lutte. Au contraire: «l’idée qui a dicté cette décision est peut-être de libérer l’OCLCH de cette partie. A priori, il y aura, non pas un chevauchement, mais un transfert de compétences», qui ne peut que rendre la lutte plus efficace.