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Emission diffusée le 30 décembre sur France Culture
Photo : Crédits : STEPHANIE KEITH - AFP
Ça s'est passé samedi soir, dans une petite maison de la lointaine banlieue de New-York, à Monsey, à une cinquantaine de km de la Grande Pomme. Dans la maison d'un rabbin qui avait convié une douzaine de personnes, des membres de sa famille, des amis, des grands et petits, à participer à l'allumage de la 7ème bougie de Hanoucca, cette fête à la symbolique très forte pour les juifs, puisqu'il s'agit de célébrer la victoire de la lumière sur les ténèbres. On souhaite la paix aux membres de sa communauté, on souhaite la paix à l'Humanité.
Mais à peine la bougie allumée, raconte un article de Times of Israel, un homme au visage masqué fait irruption. Dans sa main, une machette... Ou peut-être une épée... Toujours est-il qu'elle était grande, de la taille d'un manche à balai, disent même des témoins de la scène. Le forcené se alors lance dans la barbarie, taillade tous ceux qui se trouvent sur son chemin. Hystérie générale. Les détails et les témoignages relatés dans cet article, et dans le New York Times également, sont glaçants et je vous en épargne les mots. L'assaillant fini par quitter la maison et tente de prendre d’assaut la synagogue qui se trouve à côté. Mais alerté par les cris de panique, les occupants se sont déjà barricadés à l'intérieur. Découragé, l'attaquant s'enfuit. Derrière lui, il laisse cinq blessés dont deux dans un état critique, et une communauté juive new-yorkaise terrifiée.
Quelques heures plus tard, Grafton Thomas, est arrêté. Un homme de 37 ans qui vit dans le comté voisin. Débusqué par les policiers, il porte encore ses vêtements maculés du sang de ses victimes. Face à la justice qui l'inculpe pour "tentative d'homicide", il plaide non coupable et se mure dans le silence. Aucune condamnation à son actif, on ignore ses motivations. Certains de ses proches évoquent des troubles psychiatriques. Mais pour les autorités comme pour de nombreux américains, on ne peut que constater, qu'encore une fois la communauté juive est touchée. De plus en plus ces dernières années : treize incidents ou attaques dans cet état de New York en trois semaines, précise le Washington Post. Et même au mois d'octobre, rappelle le New York Times, une tuerie dans une épicerie casher de Jersey City. Quatre morts à déplorer.
Certains élus de New York juifs orthodoxes en appellent au gouverneur de l'état, Andrew Cuomo, pour qu'il déclare l'état d'urgence et fasse déployer la Garde Nationale pour protéger les enclaves juives à travers l'état. Et qu'un procureur spécial soit nommé pour enquêter sur les violences antisémites. Andrew Cuomo, affiche en tout cas son soutien entier. Il parle d'un acte de terrorisme domestique, d'un cancer qui ronge l'Amérique.
Le lendemain du drame, hier donc, raconte le Frankfurter Allgemeine Zeitung, des tags sont laissés sur une synagogue et des devantures de commerces. Pas en Amérique, à des milliers de km de là, à Londres. Des étoiles de David peintes en rouge avec à côté, les chiffres 9 et 11, référence au complot qui accuse les juifs d'être responsable du 11 septembre. Ça change des croix gammées qu'on retrouve habituellement là-bas, ou en France et en Allemagne régulièrement.
L'Allemagne, terre d'accueil d'un nouveau fléau à surveiller, en provenance directe des Etats-Unis justement
C'est le quotidien El Mundo qui nous en informe via son correspondant à Berlin. La Division Atomwaffen, sordide réseau néo-nazi américain, considéré comme une organisation terroriste, qui se développe depuis peu Outre-Rhin et menace toute l'Europe. Certains de ses membres aux Etats-Unis ont assassiné 5 personnes. En Allemagne, on en est encore au stade des menaces, mais elle laissent présager le pire, nous dit le journal. Un député allemand, d'origine turque, a reçu ce mail de leur part en octobre dernier : "vous, le porc turc de gauche, avez été inscrit sur notre liste de mort. Nous vous y souhaitons la bienvenue. Nous planifions actuellement comment et où nous allons vous exécuter. Cordialement, la Division Atomwaffen Deutschland".
Il y a donc bien un cancer mais il ronge le monde entier. Il n'est pas que américain, mais il l'est aussi en partie. Il est vrai que la haine se porte bien ces derniers temps en Amérique. Et l'homme à la tête de ce pays n'est pas dénué de toute responsabilité à ce sujet. En témoigne ce passionnant reportage dans le New York Times, à Trumpstock, tout petit festival dans l'Arizona à la gloire de Donald Trump qui s'est déroulé en octobre dernier et révélateur de ce qui anime les plus fervents des soutiens au président américain. On y loue les positions et les politiques affichées par Trump, on y achète des casquettes et des t-shirts à sa gloire et à celle de l'Amérique.
Mais on y entend aussi discours islamophobes assumés, haines et théories du complot favorites de l'extrême droite. Une chanteuse sans renommée y délivre par exemple ses tubes aux titres explicites : "Fake News" ou encore "Smells like Soros in the USA" (référence à George Soros, milliardaire juif accusé de complot mondial).
Une Amérique blanche, parfois surveillée par la police pour menaces de terrorisme. « Je ne crois pas à la violence, mais je ferai ce que je dois faire », affirme un festivalier, pistolet à la ceinture, au sujet d'une potentielle défaite de Trump à la présidentielle l'année prochaine. Une Amérique "suprématiste", bien qu'elle réfute le terme et lui préfère celui de "patriote", explique un autre. Des militants, loin des appareils du parti Républicain, donc incontrôlables. Et qui représentent -selon les mots choisis par Donald Trump, et qu'on retrouve dans la bouche des populistes du monde entier pour les brosser dans le sens du poil- "la majorité en colère".