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Publié le 28 septembre dans La Croix
Le 9 octobre 2019, jour du Yom Kippour l’an passé, un terroriste attaquait la synagogue de Halle, en Saxe-Anhalt. « Nous avons eu beaucoup beaucoup de chance ce jour-là », reconnaît Naomi Henkel-Gümbel, étudiante en rabbinat, qui se trouvait alors dans la synagogue. Si le terroriste a échoué à entrer dans ce bâtiment plein à craquer, grâce à la résistance d’une simple porte, il a ensuite tué une femme dans la rue et un homme dans un restaurant turc. Le procès de l’assaillant néo-nazi a débuté en juillet.
Cette année, le Yom Kippour, principale fête religieuse du judaïsme, tombe lundi 28 septembre. Et les esprits restent marqués par cet attentat. « Cela a laissé des traces profondes dans nos esprits », reconnaît Naomi Henkel Gümbel. « Il y a eu beaucoup de hauts et de bas cette année, mais je me sens en sécurité à Berlin, dans ma communauté. Beaucoup de choses se passent, en revanche, au niveau psychologique », avoue-t-elle, avant de préciser : « nous nous demandons si ce pays est le bon endroit pour nous ».
Un an après l’attentat, la sécurité des lieux de culte, écoles et autres lieux de vie juifs a été renforcée, comme le confirme une enquête du centre de recherche MedienDienst. « Presque tous les Länder ont relevé la présence policière devant les institutions juives », note le rapport. « La plupart des régions ont mis à disposition des moyens financiers en plus, afin que les bâtiments de ces institutions puissent être mieux protégés, notamment avec des portes blindées et des barrières », ajoute Mediendienst.
Quant à l’État fédéral, il a débloqué 22 millions d’euros de plus en 2020 pour améliorer la sécurité des différents lieux. Parmi les régions les plus actives, la Bavière a débloqué 8 millions d’euros, et la Hesse, 4 millions d’euros.
À Halle, la synagogue est désormais surveillée en permanence par les forces de l’ordre. Il y a un an, aucun agent ne s’y trouvait. La police locale a reconnu avoir mal estimé le danger, sans pour autant que son dirigeant ne soit démis de ses fonctions, comme le demandent certains.
À Berlin, où vit la grande majorité des 200 000 Juifs d’Allemagne, la coopération avec la police est jugée « très bonne ». « Je ne sais pas ce que l’on pourrait faire de plus à Berlin », reconnaît Andreas Nachama, présidente de la conférence générale des rabbins d’Allemagne, citée par le rapport.
Malgré ces avancées, des lacunes persistent, notamment pour les petites communautés. « Il est facile pour les institutions juives d’obtenir des avis d’experts pour connaître les manques en matière de sécurité », commente Ronen Steinberg, juriste et journaliste. « Mais ensuite, c’est un combat administratif sans nom pour obtenir les aides d’état qui ne sont pas toutes versées. Certaines petites communautés ne se voient rembourser qu’à hauteur de 50 % », explique-t-il.
Pour ce juriste, l’État devrait assurer la sécurité des lieux de cultes. « Nous ne parlons pas de bijouteries, ni de banques, mais de la pratique d’une religion. Si nous n’assurons pas leur sécurité, nous ne sommes plus une société basée sur des valeurs », juge-t-il.
Pour Sigmount Königsberg, chargé des questions d’antisémitisme au sein de la communauté juive de Berlin, le climat général en Allemagne ne s’est pas amélioré en un an, notamment avec le développement de théories complotistes en lien avec la pandémie de Covid-19. « Les manifestations dites hygiéniques de ces dernières semaines ont donné libre voie à des actes ouvertement antisémites, s’inquiète-t-il. C’est malheureusement le même état d’esprit qu’à Halle l’an dernier. Un nouvel attentat n’est pas impossible ».