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Publié le 6 janvier dans France Culture
Tewfik Hakem s'entretient avec le critique de cinéma, Philippe Durant, auteur d'un essai biographique, Le fantôme du cinéma français. Gloire et chute de Bernard Natan, paru aux éditions La Manufacture de livres. Hommage rendu à un personnage phare de l’industrie cinématographique d’avant-guerre, Bernard Natan (1886-1942), né Natan Tannenzapf, Juif français d’origine roumaine, qui inaugura les studios de cinéma de Montmartre en 1927, prit la direction de la firme Pathé, en fit un grand studio de cinéma, avant de mourir - emprisonné en 1939, puis déporté dans le camp d’Auschwitz en 1942.
"Il avait quitté sa patrie la Roumanie parce qu'il était juif et que les pogroms commençaient, il est arrivé en France, Eldorado pour tous les gens de l'Est, terre d'asile où tout est possible. Par coïncidence ou accident, il se retrouve dans le milieu du cinéma qui commence à éclore, où il travaille comme technicien dans un laboratoire. A cette époque, tout est à découvrir, et tout est encore artisanal".
"Il s'intéresse au cinéma et se met à faire de l'actualité - qui, à l'époque, se regardait en salles. Il en montre de plus en plus, il se développe ainsi, en autodidacte".
"On va passer du muer au parlant. Aux USA, on n'est sûr de rien quand le parlant arrive - c'est un énorme défi que le cinéma parlant. En France, on a les mêmes doutes, les mêmes inquiétudes. Lorsque Bernard Natan apprend que Pathé est à vendre - le Directeur a préféré partir avant la catastrophe ; il se fait vieux d'une part, et d'autre part, il comprend que le parlant va coûter bien trop cher - il prend le risque et trouve les fonds. " - On va foncer ".
"Il a un œil sur le cinéma américain : " comment font-ils ? " Il voit grand. Il réussit à réunir les fonds non seulement pour racheter Pathé en 1929, mais aussi pour produire des films dont le premier film parlant français".
"Pourquoi est-il si peu connu voire oublié ? Pourquoi ne parle t-on pas de lui aujourd'hui ? A travers son histoire, c'est tout un portrait de la France qui apparaît, et c'est une France totalement antisémite. On oublie cela, mais il faut s'en souvenir comme une évidence".
"Non seulement il reprend une firme en train de chuter, de mourir et qu'il fait renaître, mais il en fait la première de France voire d'Europe. On commence à douter : " Qui est donc ce métèque qui se permet de nous donner des leçons d'économie et de cinéma à nous, Français de souche ? "
"S'il n'avait pas été juif, son destin aurait peut-être changé. En tous cas, il l'a payé très cher".
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