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Publié le 5 février sur BFM TV
D’abord présenté comme projet de loi sur le séparatisme, le projet de loi confortant le respect des principes de la République est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Dans le texte, notamment écrit pour renforcer la lutte contre l’islamisme, figurent des dispositions dédiées à la lutte contre la haine en ligne. Trois articles (18, 19, 19 bis) ont été intégrés dans cette optique, notamment après l’assassinat de Samuel Paty, lié à des publications Facebook.
“L’objectif de ce texte est d’avoir une approche globale de la lutte contre la haine en ligne, avec le triple objectif: sanctionner, réguler et protéger” résume Laetitia Avia, députée LaRem et rapporteure du texte, à BFMTV.
Cette loi entend également précéder l’adoption d’un texte au niveau européen (le “Digital Services Act”) ayant un but analogue.
L’article 18 du projet de loi découle directement de l’annonce faite par Jean Castex le 20 octobre dernier, après la mort de Samuel Paty. Ce dernier avait en effet été décapité après qu’un parent d’élève a diffusé de fausses informations à son sujet et la localisation de son établissement sur Facebook.
Le texte punit ainsi de 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende “le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer”.
La sanction monte à 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende si la publication vise une personne dépositaire de l’autorité publique (par exemple un policier), d’un élu, ou d’une personne mineure.
L’article 19 est écrit pour lutter contre les sites haineux hébergés en ligne, en dehors des réseaux sociaux, mais par exemple référencés par Google. Le projet de loi vise à renforcer la lutte contre ces plateformes, notamment en prévenant l’éternel problème des sites dits “miroir”: des copies de sites mises en ligne dès lors que ces derniers se voient supprimés.
L’article permettra à une autorité administrative de demander aux hébergeurs, aux fournisseurs d’accès à internet, mais aussi aux moteurs de recherche d’empêcher l’accès à des sites illégaux comme à leurs copies.
Depuis la mort de Samuel Paty, mais également l’attaque du Capitole, la question de la modération des réseaux sociaux est au cœur des préoccupations du gouvernement. Avec l’article 19 bis, le gouvernement entend prendre les devants du “Digital Services Act”, qui pourrait ne pas intervenir avant deux à trois ans - en fonction des négociations au niveau européen.
Cet article vise à faire la transparence sur les outils de modération employés par Facebook, Twitter ou YouTube, qui refusent tous de communiquer en détail la nature des moyens déployés pour lutter contre la haine et la désinformation sur leurs plateformes.
On retrouve certains éléments clés de la loi Avia, largement censurée par le Conseil constitutionnel en juin 2020, et une mission de régulation confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
“Ils [les groupes possédants les réseaux sociaux] rendent compte au public des moyens mis en œuvre et des mesures adoptées pour lutter contre la diffusion des contenus mentionnés au même premier alinéa [les contenus illicites, ndlr], par la publication, selon des modalités et une périodicité fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel” détaille ainsi le texte.
L’article 19 bis obligera également Facebook et consorts à avertir tout utilisateur ayant signalé un contenu des suites qui auront été données à son signalement, en précisant si un humain ou une machine est à l’origine de cette modération.
Les plateformes doivent par ailleurs procéder annuellement à une évaluation des risques systémiques provoqués par leurs services dans un rapport transmis au CSA, organisme qui devra également prendre connaissance du fonctionnement précis des algorithmes de modération des différents réseaux sociaux. Le non-respect de la loi pourra impliquer des sanctions allant jusqu'à 20 millions d'euros ou 6% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise.
Le texte proposé par le gouvernement - et dont le volet lié à la haine en ligne sera débattu à partir de ce mardi 9 février à l’Assemblée nationale - va ainsi dans le même sens que le Conseil de surveillance mis en place par Facebook lui-même, qui a jugé les outils de modération de la plateforme peu transparents.
Ce qui n’a pas empêché la multinationale de faire parvenir une proposition d’amendement rédigée par ses soins à la rapporteure Laetitia Avia, visant à supprimer l’ensemble de l’article 19 bis, selon les informations de BFMTV.