Lu dans la presse
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Publié le 21 Décembre 2020

France - Miss France 2021 : les questions qui se posent après les insultes antisémites subies par April Benayoum

D'origine israélienne, la première dauphine d'Amandine Petit a été la cible d'un flot d'insultes samedi soir sur les réseaux sociaux. Une enquête pour «injures à caractère raciste et provocation à la haine raciale» a été ouverte par le parquet de Paris.

Publié le 21 décembre dans Le Figaro

L'affaire éclipse le sacre d'Amandine Petit. L'élection de Miss France 2021 a été ternie samedi 19 décembre par un flot d'insultes antisémites adressées sur les réseaux sociaux à l'encontre de sa première dauphine, April Benayoum. Nous faisons le point en cinq questions sur ces attaques, visées depuis ce lundi par une enquête pour «injures à caractère raciste et provocation à la haine raciale».

  • Que s'est-il passé ?

La fête devait célébrer le centenaire des concours de beauté en France, créés en 1920 par le journaliste Maurice de Waleffe. Elle restera finalement dans l'histoire pour les nombreuses insultes antisémites proférées à l'encontre d'une des Miss de la soirée.

Aux alentours de 21h50 sur TF1, alors qu'ont déjà été présentées plusieurs candidates au sacre, le portrait d'April Benayoum, Miss Provence et accessoirement désignée favorite par de nombreux internautes, est diffusé.

La jeune femme assure avoir mûrement réfléchi sa candidature : «J'aurais pu me présenter bien avant pour mes 18, 19 ou 20 ans. Je ne me sentais pas encore totalement prête pour cette expérience. Cette année, je me sens plus mature», déclare-t-elle face caméra. Accro à la géographie, spécialisée dans le marketing, sensible à l'environnement, April Benayoum se dévoile et révèle un élément dont certains internautes se serviront pour s'en prendre à elle : «J'ai moi-même des origines assez variées. Ma mère est serbo-croate, et mon père israélien-italien.»

  • Quels sont les tweets potentiellement visés par l'enquête ?

S'en suit alors, sur Twitter surtout, un déluge d'insultes antisémites jusqu'à la fin de la soirée, qui verra sacrée la Normande Amandine Petit face à April Benyamoun, élue première dauphine. «Tonton Hitler ta oublier d'exterminer Miss Provence» (sic), peut-on lire dans un des messages publiés (depuis supprimé). «Ne votez pas Miss Provence. Raison : elle est JUIVE», a également été écrit dans une publication. «Provence j'arrive pas à la sacquer depuis qu'elle a dit qu'elle était israélienne», peut-on aussi lire.

Le nombre de tweets, pour l'instant difficilement quantifiable, devra être déterminé par l'enquête en cours, ouverte ce lundi matin par le parquet de Paris pour «injures à caractère raciste et provocation à la haine raciale». C'est la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) qui a été chargée des investigations et devra identifier les auteurs des messages incriminés, a appris Le Figaro auprès du parquet.

  • Quel est le profil des auteurs de ces tweets ?

Certains médias, comme Voici , attribuent ces tweets à des «militants d'extrême droite». L'enquête, qui vient d'être ouverte, ne permet pour l'instant pas de l'affirmer. La plupart des tweets et captures d'écrans consultés par Le Figaro semblent issus de jeunes internautes affichant parfois, notamment dans leurs pseudos, des émoticônes représentant des drapeaux palestiniens. Face à la polémique, nombre d'entre eux, dont l'auteure du tweet évoquant «Tonton Hitler», semblent avoir désactivé leurs comptes.

  • Quelles ont été les réactions politiques ?

Les réactions politiques face à ce flot d'insultes antisémites ont été nombreuses. «Certains des tweets sont encore en ligne : ce n'est pas acceptable. Les réseaux sociaux doivent prendre leurs responsabilités», a affirmé ce lundi la ministre de la Citoyenneté Marlène Schiappa, ancienne secrétaire d'État chargée de la Lutte contre les discriminations. «C'est un signal qui est envoyé aux auteurs pour leur dire que ce n'est pas anodin de proférer des appels à la haine et de proférer ce genre de propos antisémites puisqu'ils seront, je l'espère, poursuivis et ils devront en tout cas répondre de leurs actes devant la justice», a-t-elle assuré après l'ouverture de l'enquête.

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, avait prévenu dimanche que la justice ferait «ouvrir grand les yeux» aux auteurs des messages antisémites, tandis que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, «profondément choqué», avait assuré que «les services de police et de gendarmerie (étaient) mobilisés».

«Inadmissible. Soutien à April Benayoum face à la haine antisémite qui sévit sur les réseaux sociaux. Il est temps que ça cesse», a écrit la députée LREM Laetitia Avia, qui avait porté la loi contre la haine en ligne.

«Insupportable antisémitisme. Ne rien laisser passer», a souligné l'ancien premier ministre Manuel Valls. L'élu du Rassemblement National, Julien Odoul, a estimé que «l'immigration massive et l'absence d'assimilation peuvent donc pourrir un concours de Miss France» sans plus de détails, tandis que l'eurodéputé Gilbert Collard affirmait que «vraiment, ces sales cons (sic) salissent tout !»

Enfin le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, a déclaré qu'il demanderait aux plateformes numériques de répondre de la prolifération de ces propos antisémites. «Les plateformes seront obligées de se donner les moyens» de répondre aux «propos haineux», en donnant les informations relatives à ceux qui les profèrent.

  • Comment ont réagi les Miss ?

Dès dimanche, la nouvelle Miss France 2021 Amandine Petit a tenu à défendre sa première dauphine. «C'est extrêmement décevant, je ne pensais pas qu'on pouvait avoir des propos tels à l'époque à laquelle on est, a déploré la reine de beauté sur BFMTV. On est dans des circonstances sanitaires assez particulières et compliquées, je ne pense pas que ces propos racistes et antisémites aient leur place dans un concours de beauté. Je pense que ces gens-là ont des propos extrêmement déplacés.» «Je soutiens énormément April Benayoum, et très clairement, si elle a été élue première dauphine, c'est parce qu'elle méritait sa place au sein du concours.», a-t-elle également déclaré.

Camille Cerf ou Marine Lorphelin, notamment, ont retweeté la condamnation de ces faits par TF1, la société de production Endemol et le comité Miss France. Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France, s'est dite «choquée» sur Instagram. «Malheureusement, on est encore obligé en 2021 de dénoncer ce genre de propos... Je pensais que cette année 2020 nous avait apporté un tout petit peu de tolérance et de respect les uns des autres. Eh bien non, c'est raté, merci les réseaux sociaux...»

April Benayoum, quant à elle, a réagi à la polémique dans un entretien à Nice-Matin : «Je n'ai bien sûr rien vu en direct, j'ai appris l'existence de ces propos par mes proches. C'est triste d'assister à de tels comportements en 2020. Je condamne bien évidemment ces propos, mais ça ne me touche absolument pas.» Et d'ajouter : «Je n'ai pas cherché à provoquer qui que ce soit, la France est un pays cosmopolite, les Miss viennent d'origines différentes, de cultures différentes, de régions différentes et c'est ce qui est beau dans cette compétition». L'année dernière, Clémence Botino, qui venait d'être élue Miss France 2020, a elle aussi été victime d'insultes racistes. Ont également été concernées Sonia Rolland, élue en 2000, ou Malika Ménard, sacrée en 2010.