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Publié le 1 février dans Le Parisien
A quelques heures de l'ouverture des discussions sur le projet de loi séparatisme, ce lundi à l'Assemblée, un vent (prudent) d'optimisme soufflait dans les rangs de la majorité et de l'exécutif. « Cela se présente bien », glisse le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, après des débats sans explosion en commission. « Le gouvernement rentre dans le débat parlementaire de la meilleure des façons. Ce texte est malin. Il ne fait pas dans la po-pol, il fait dans l'efficace », loue en écho le président du groupe LREM, Christophe Castaner. Mais le plus dur commence. Quinze jours de débats, quatre ministres (Intérieur, Citoyenneté, Justice, Education nationale) au banc. Le texte, copieux, est lesté de lourds enjeux politiques à dix-huit mois de la présidentielle. Ils sont majeurs pour Emmanuel Macron, dont chacun sait qu'il a initié et suivi, ce texte hautement sensible - « il le connaît par cœur », appuie un proche - dont il veut faire un marqueur fort de son quinquennat. Mais aussi pour les partis de l'opposition, qui trouvent là l'occasion de poser des jalons en vue de 2022. Quand bien même le texte a été toiletté, les amendements passés au tamis (resserré) de la Commission spéciale, il y a matière… 70 articles sur la neutralité du service public, la haine en ligne, les associations, les cultes, la polygamie, entre autres. Ou encore sur l'instruction à domicile, qui provoque des crispations (et des discussions en coulisses) jusqu'au sein de la majorité. Aussi techniques… qu'inflammables. L'exécutif ne le sait que trop, lui qui s'est échiné à désamorcer les polémiques potentielle s – au premier chef, sur la question du voile- mais aussi les divisions internes à LREM où deux conceptions de la laïcité s'affrontent. « La consigne, c'est de fabriquer du consensus et pas de l'antagonisme », souffle un proche d'Emmanuel Macron. A la tribune, les ministres se succèdent pour vanter une loi « de liberté », ne visant pas à « stigmatiser » une religion. « On n'est pas dans la naïveté comme une partie de la gauche. On n'est pas dans l'hystérie comme une partie de la droite », avance encore Darmanin en aparté, pour mieux revendiquer une position d'équilibre. Le ministre de l'Intérieur a pris soin, note un Macroniste, d'adopter un « ton très rond », allant jusqu'à saluer la qualité de ses débats en commission avec… Alexis Corbière (LFI) ou Boris Vallaud (PS). Le locataire de Beauvau le sait, « la séance publique sera un moment politique ». Première passe d'armes dès ce lundi, lorsque Jean-Luc Mélenchon défend (sans succès) une motion de rejet préalable contre « une loi inutile », « néfaste à l'unité de la patrie qui compte cinq à six millions de musulmans ». Moment politique aussi, lorsque le socialiste Boris Vallaud regrette « une loi qui fait de la République une injonction », déplorant la faiblesse des mesures sociales. Car l'opposition entend aussi parler de ce que le texte n'aborde pas… Jugeant au contraire le texte trop timide, les députés LR entendent notamment remettre à l'ordre du jour l'interdiction du port du voile pour les mineurs dans l'espace public, reprenant là l'amendement retoqué de la députée LREM Aurore Bergé. La présidente du RN, Marine Le Pen, n'avait, elle, pas attendu présentant dès vendredi une contre-proposition corsée prévoyant l'interdiction du voile dans tous les lieux publics. « C'est un coup de baguette magique, abracadabra et hop, il n'y a plus d'islamisme! » la raille Darmanin en retour. Et le ministre de remettre au goût du jour une maxime gaullienne : « Si LFI et le RN ne sont pas d'accord sur ce que l'on propose, on doit être dans le vrai. » Entre deux feux, la majorité ne pourra baisser la garde. En témoigne ce message passé sur les boucles LREM avant le week-end, rappelant (fermement) aux Marcheurs la nécessité de ne pas déserter l'hémicycle pendant les débats.Des jalons posés en vue de 2022
«On n'est pas dans l'hystérie»