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Publié le 11 septembre dans Le Point
Sommes-nous en train de baisser la garde face au terrorisme ? « La menace est toujours présente, mais les Français la relativisent et ils ont besoin de la mettre à distance. » C'est le constat que dresse Jérôme Fourquet, directeur du département opinions de l'Ifop, à partir des résultats d'un baromètre qui sonde les Français sur le sujet depuis le 11 septembre 2001, et que Le Point publie en exclusivité.
Aujourd'hui, selon le dernier sondage réalisé les 1er et 2 septembre derniers, si 60 % des Français jugent la menace terroriste « assez élevée », ils ne sont que 16 % à la considérer comme « très élevée ». « Nous avons un mouvement linéaire de relativisation et de mise à distance, insiste Jérôme Fourquet. Il y a une volonté collective, plus ou moins consciente de refermer cette parenthèse. »
L'étude d'une longue série historique, comme le fait cette enquête de l'Ifop, permet de suivre l'évolution de cette perception. Ce qui, évidemment, est riche d'enseignements. Juste après les assassinats perpétrés par Mohammed Merah, en mars 2012, seulement 53 % des Français perçoivent la menace terroriste comme élevée, parce qu'ils considèrent, souligne Jérôme Fourquet, qu'« il s'agit d'un loup solitaire, d'un cas isolé ». Quelques mois plus tard, en octobre 2012, avec l'arrestation du gang de Torcy, dans la mouvance islamiste radicale, on passe de 53 à 71 %, parce qu'on a affaire à un groupe structuré, et non plus un seul individu.
En décembre 2014, quelques jours avant l'attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo, le climat ne paraît déjà pas serein. Il y a eu la prise d'otages à Sidney, les attaques contre le commissariat de Joué-lès-Tours et le marché de Dijon : 80 % des Français s'inquiètent. Après Charlie, le chiffre bondit à 93 %. Et ceux qui jugent la menace « très élevée » passent de 18 à 49 %. Puis à 68 % après les attentats du 13 novembre au Bataclan et en région parisienne : « On est dans l'intensité la plus forte », note Jérôme Fourquet. Le massacre de Nice, puis l'assassinat du père Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray maintiennent le fort niveau de l'inquiétude. Une vraie psychose de l'attentat qui ne faiblira pas jusqu'à la fin 2017.
« Manifestement, nous sommes sortis psychologiquement de cette période très anxiogène, de façon progressive », constate Jérôme Fourquet. Même si la France continue d'être visée : attaque au Super U de Trèbes avec le sacrifice du colonel Arnaud Beltrame en mars 2018, assaut contre le marché de Noël de Strasbourg en décembre qui fait cinq morts, puis, plus récemment, l'attaque à la préfecture de police de Paris…
Ce relâchement notable face à la menace perdure, alors que, comme l'a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, trois jours avant l'ouverture du procès Charlie, une trentaine d'attentats ont été déjoués en France depuis 2017. Plus d'un millier de détenus de droit commun sont considérés comme radicalisés, 500 autres ont été condamnés pour des faits de terrorisme. « On peut avoir des acteurs publics qui diffusent des messages, mais la perception sur le terrain est autre », commente Jérôme Fourquet. Et quand on observe la ventilation des jugements par proximité partisane, seuls 4 % des sympathisants LFI, 5 % des proches du PS, 7 % de LREM perçoivent la menace comme « très élevée ». Et ils sont 21 % chez les électeurs LR et 31 % RN. Élément intéressant, dans la perspective politique, la confiance en Emmanuel Macron face à cette menace, alors même que celui-ci peine à investir le champ de la sécurité, reste élevée : 45 % – le même niveau que François Hollande avant l'attentat de Nice. Et si, dans notre sondage, 91 % des Marcheurs soutiennent le chef de l'État, c'est le cas aussi de la moitié des électeurs PS (56 %) et aussi LR (46 %). Le président chef de guerre, ça plaît !