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Publié le 7 janvier dans Le Parisien
« C'était un jeudi… » Accoudé au comptoir d'un bistro de l'avenue Pierre-Brossolette, côté Montrouge, Yann se souvient du 8 janvier 2015 comme si c'était hier. Chaque année, à la même période, il en reparle avec les copains.
« Il était 8 heures du matin, je remontais une petite rue qui débouchait sur Pierre-Brossolette, raconte le sexagénaire devant un verre de rosé. Il marchait derrière moi. J'ai bifurqué à droite et je l'ai entendu tirer. Je suis entré dans le premier bar et je me suis caché… »
Sur l'avenue Pierre-Brossolette, qui sépare Montrouge de Malakoff, Amedy Coulibaly vient alors d'assassiner d'une balle dans le dos Clarissa Jean-Philippe, une policière municipale de Montrouge en service âgée de 26 ans.
Ce mercredi matin, à 11 heures, une cérémonie en présence du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, de la ministre des Outre-mer Annick Girardin et de plusieurs élus locaux sera organisée en sa mémoire. Cinq ans après la série d'attentats qui a aussi visé Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de Paris (XIIe).
« Clarissa? Je l'avais occultée… Preuve que les hommages ont du bon », confesse Hanane, qui travaille dans le quartier. De part et d'autre de l'avenue, des plaques commémoratives font pourtant rempart contre l'oubli. La première a été inaugurée côté Montrouge en janvier 2016, la seconde côté Malakoff, là où la policière est tombée, deux ans plus tard, à la demande de sa famille.
« Je suis obligé d'y penser, je passe devant tous les jours », déclare tristement Henri, lui aussi présent au moment du coup de feu. C'est sur la grille de sa résidence, au 76 de la rue, côté Malakoff, que le mémorial le plus visible est installé : y sont accrochés fleurs, bougies, peluches, plaque et portrait de Clarissa, réalisé par le pochoiriste C215.
«Elle a sauvé des vies»
Beltrán vit un peu plus loin sur l'avenue avec son mari. Cette retraitée est encore marquée par l'événement. « On ne l'a jamais oubliée ! Clarissa a sauvé des vies, elle était jeune… On pense tout le temps à elle, ça fait mal au cœur pour sa famille. Elle était très gentille, on la voyait de temps en temps avec ses collègues… »
En 2015, Rudy était encore en apprentissage dans le secteur. A 28 ans, le jeune homme, « d'origine martiniquaise, comme elle », travaille désormais dans la voie qui porte le nom de la policière abattue. Une petite artère rebaptisée un an après le drame « Avenue de la Paix-Clarissa-Jean-Philippe » par la mairie de Montrouge, et qui débouche sur l'avenue Pierre-Brossolette. « C'est une très bonne idée », salue Rudy.
La police municipale s'est reconstituée
« L'émotion est toujours assez forte, chez nous, à Montrouge, confie le maire (UDI) Etienne Lengereau. Depuis, nous avons reconstitué une nouvelle police municipale, malgré les difficultés à recruter. Je ne peux pas dire qu'on a tourné la page mais cela se passe bien. On a relevé la tête, et il faut continuer à entretenir la mémoire de Clarissa. »
Anéantie par l'assassinat de leur collègue, l'équipe de la police municipale est longtemps restée en miettes, avec de nombreux agents en arrêt maladie. Entre 2018 et 2019, un nouveau directeur et de nouvelles recrues, treize au total, ont permis de remettre sur pied une brigade de 20 agents. Encore bouleversé, et par souci de protéger son équipe, le directeur de la police municipale n'a pas souhaité s'exprimer.
La cérémonie de mercredi sera accessible uniquement sur invitation. De 9 heures à 12h30, l'avenue Pierre-Brossolette sera interdite à la circulation entre les croisements avec l'avenue de la Marne et la rue Gabriel-Péri. Mardi soir, la présence de la famille de Clarissa Jean-Philippe, n'était pas confirmée.