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Publié le 20 novembre sur France Culture
Ce soir le Musée d’art et d’histoire du judaïsme projette un film perdu et retrouvé. Unzere Kiender le dernier film tourné en yiddish en Pologne raconte les lendemains de la Seconde guerre mondiale à travers le parcours initiatique de deux hommes en quête d’espoir pour reconstruire et se reconstruire. C’est l’histoire des Juifs de Pologne rentrés chez eux après l’occupation nazie, après les camps de mise à mort, l’histoire du retour à la vie.
Les acteurs Shimon Dzigan et Israel Schumacher, le producteur Shaul Goskind et Natan Gross qui a survécu à l’occupation s’associent en 1948 pour tourner un film à Lodz avec les enfants d’un orphelinat juifs. Cette rencontre est au cœur du scénario d’Unzere Kiender, « Nos enfants ». Mais c’est aussi une histoire de théâtre, une fable, sur la confrontation de deux manières de vivre le deuil celle : des adultes et celles des enfants à travers un théâtre comique, acerbe, qui se moque de la tragédie et parvient à arracher des éclats de rire en rejouant les scènes d’humiliation des ghettos organisés par les autorités allemandes dans les villes polonaises avant leur liquidation et la déportation.
Tourné avec les enfants de l’hôpital d’Helenowek, Unzere Kiender est produit par le Parti Communiste. Le film correspond d’ailleurs aux standards de la mémoire communiste de la Grande guerre patriotique : se préoccuper des enfants et des tourments de leur mémoire c’est leur rappeler qu’ils ont combattu à leur manière et ont réussi à survivre malgré tout, les enfants ont résisté comme les autres.
Le film s’ouvre sur une représentation du célèbre duo comique formé par Shimon Dzigan et Israel Shumacher perturbée par un groupe d’orphelins en désaccord avec leur représentation de la vie dans le ghetto. Les deux comédiens font le constat amer que le sujet n’intéresse plus et s’apprêtent à ravaler leurs fantômes et leur mélancolie quand les garnements les mettent au défi de leur rendre visite à l’orphelinat où ils ont été recueillis. Une visite prétexte pour raconter la guerre à leur manière et pour combattre les cauchemars qui hantent leurs nuits. Pas facile pour les deux adultes d’admettre cette vision de l’occupation, les larcins pour survivre, et les jeux que les enfants se proposaient pour défier la surveillance de leurs bourreaux. Tous sont convalescents et tous s’allient pour arriver au bout du processus.
Mais Unzere Kiender ne sera jamais projeté en Pologne. C’est la redécouverte de la pellicule originale en 1979 et sa restauration en 1991 par le National Center for Jewish film qui nous permettent de voir aujourd’hui les derniers feux d’une culture juive polonaise flamboyante meurtrie par le génocide et achevée par le communisme soviétique.
La projection d’Unzere Kiender, cette fable sur la catharsis théâtrale annonce la tenue d’un colloque demain jeudi au Mahj sur le théâtre yiddish en partenariat avec la Revue d’histoire du théâtre. L’apparition du théâtre yiddish est lié à un fête de Pourim, la fête des sorts, au Moyen Age, mais c’est à partir du XIXe siècle qu’il devient le lieu d’une renaissance de la culture juive ashkénaze, une culture théâtrale et musicale qui prend ses distances avec la religion, et s’exporte à travers le monde grâce aux diasporas, jusqu’à connaître un âge d’or à New York dans les premières décennies du XXe siècle.
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