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Publié le 4 juin dans Ouest-France
La scène se passe à Concarneau, cité de bord de mer dans le Finistère. Dans les rochers, en contrebas de la corniche, des masques jetables abandonnés là. Il y en a aussi dans les rues, plus loin. À tel point que le service propreté de la Ville a lancé un appel au civisme : « Outre le risque sanitaire pour les agents de voirie, ces abandons de déchets nuisent à l’environnement », relève la mairie.
Concarneau n’est pas un cas isolé. Les protections sanitaires jetables se retrouvent désormais un peu partout dans la nature. Dans le sud de la France, le plongeur Laurent Lombard a filmé les fonds marins méditerranéens, à proximité d’Antibes, à la sortie du vallon Laval qui draine une grande partie des eaux pluviales de la ville : on y croise des gants, des masques parmi d’autres déchets… « Et ce n’est qu’un début, confie-t-il. Je pense que cela va devenir un problème récurrent. »
La crise sanitaire que nous traversons marque une rupture avec les avancées opérées ces dernières années dans la lutte contre la pollution, notamment plastique. L’urgence de la lutte contre l’épidémie a relégué au second, voire à l’arrière-plan les questions de protection de l’environnement, qui touchent pourtant également à notre survie.
Rappelons qu’en France, chaque année, 91 millions de tonnes de déchets sont incinérées ou stockées en décharges. Un chiffre en baisse, ces dernières années, grâce à des efforts de recyclage et de valorisation énergétique. Par ailleurs, comme le rappelle Alexis Krycève, directeur de la start-up Gifts for change, « quant à l’origine des masques [jetables], il semble bien qu’en raison de l’urgence de la situation et de ses capacités de production, ce soit à nouveau la Chine qui, ironiquement, fasse figure de principale usine mondiale… Avec un bilan carbone désastreux pour le transport d’un accessoire à l’éphémère durée de vie. »
Si l’utilisation de plastique à usage unique reste indispensable dans certains domaines, comme le secteur médical, des voix commencent à s’élever contre l’usage massif des gants, des masques, des lingettes dans le contexte épidémique.
« Le recours au jetable, dans l’urgence du début de la crise sanitaire, semble se transformer en une nouvelle normalité, sans que la question des alternatives possibles ne soit posée », regrette ainsi l’association Zéro Waste France, constatant le retour en force du suremballage dans les supermarchés et le retour aux lingettes jetables et aux bouteilles d’eau en plastique dans les entreprises. Le jetable « rassure », alors que, pour ces militants du zéro déchet, « une surface peut être rendue propre sans qu’il ne soit nécessaire de passer par l’usage unique ».
L’association déplore l’absence de débat sur l’impact environnemental des mesures d’adaptation au virus. Et craint que les habitudes bien vite reprises ne perdurent au-delà de l’épidémie.
Pourtant, des alternatives réutilisables existent. Les masques en tissu ont été adoptés par bon nombre de citoyens. Le réseau des magasins en vrac a prouvé qu’il est parfaitement possible de mettre en œuvre des mesures d’hygiène drastiques, permettant d’allier la lutte contre le virus à la poursuite d’un mode de vie plus respectueux de l’environnement et de la santé.