Lu dans la presse
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Publié le 8 Septembre 2020

L'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine

Ce jeune homme, en train de se convertir au judaïsme, a été agressé par plusieurs hommes le 2 septembre dans le quartier des Quatre-Chemins. L’un d’eux a été condamné à un an de prison. Le caractère antisémite a été reconnu par le tribunal.

Cet article avait été publié dans le newsletter du  10 septembre 2020. Il est l'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine. 

France - Victime d’une agression antisémite à Aubervilliers, Youness raconte

Publié le 7 septembre dans Le Parisien

Le tribunal de Bobigny n'a pas hésité à requalifier son «agression avec circonstances aggravantes», en «agression en raison de la religion». Les juges ont ainsi reconnu le caractère antisémite des violences dont a été victime Youness, 26 ans. Ce lundi Mohamed, 21 ans, a été condamné un an de prison ferme auquel s'ajoute la révocation de deux sursis de six mois.

Le 2 septembre, vers 20h30, Youness rentre chez lui à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Comme d'habitude, il traverse à pied le quartier des Quatre-Chemins où les vendeurs de cigarettes à la sauvette hèlent les passants. En s'engageant dans la rue Paul-Bert, trois inconnus s'avancent vers lui. L'un, plus menaçant, l'interpelle en arabe : «Sale juif! Donne ton argent!» Ces mots prononcés d'emblée justifieront le caractère antisémite de l'agression.

Une étoile de David et un «haï» autour du cou

Youness, grands yeux noirs et teint mat, est d'origine algérienne et pourrait se fondre dans la foule. Mais un détail le distingue. À son cou est attachée une petite étoile de David et la lettre hébraïque «haï» (NDLR : «vie»). Ces médailles discrètes attirent l'attention d'un des badauds qui essaie de se saisir de la chaîne. Il pique la pointe du couteau sur le torse de Youness qui esquive et porte la main à son cou. Quelques gouttes de sang tachent sa chemise. Mais rien de grave. L'autre homme sort aussi un cutter et, après avoir brisé une canette, agite le tesson sous les yeux de Youness. Ils sont rejoints par un troisième individu qui à son tour exhibe un couteau.

La nuit commence à tomber dans cette petite rue un peu à l'écart de l'effervescence des Quatre-Chemins. Personne n'est là pour prêter main-forte à Youness malgré ses appels à l'aide. Les trois assaillants lui dérobent son collier mais aussi sa sacoche qui contient argent, papiers et téléphone. Ils s'enfuient. L'incident pourrait en rester là mais Youness part à la poursuite de ses agresseurs. Il veut récupérer ses médailles et ses papiers.

Il retrouve son agresseur dans un fast-food

Le trio et leur victime s'engouffrent dans la rue des Cités, débouchent dans l'avenue de la République. Animé d'un courage peu commun, Youness essaie même de raisonner ses agresseurs, tout en appelant les passants à la rescousse. Il finit par perdre la trace des voleurs, jusqu'à ce qu'il se réfugie dans un fast-food.

«Je me suis retrouvé nez à nez avec un de mes agresseurs. Je l'ai alors agrippé. J'ai demandé autour de moi d'appeler la police car j'avais été volé», confie-t-il.

Dans le snack, tout le monde semble figé. «Ils avaient peur des représailles, je pense», veut croire le jeune homme, magnanime. Une patrouille de police passe fortuitement dans les parages.

Excuses au tribunal

L'un des agresseurs de Youness est interpellé. Il est SDF et n'a que 21 ans. Originaire du Maroc, sans papiers, il avait déjà été interpellé pour quatre agressions au couteau. Au tribunal, il s'excusera devant la victime : «Les juifs et les Arabes, c'est pareil.» Le jour de l'agression, il avait au contraire lâché : « Nous, les juifs, on les tue.»

En s'attaquant à Youness, il ignorait le parcours très particulier de sa victime. Depuis trois ans, le jeune homme a entamé une démarche rare. Musulman, il a choisi de se convertir au judaïsme. «Cela correspond à ma quête spirituelle», glisse-t-il. Il a dénombré une vingtaine de conversions de musulmans au consistoire, cette institution chargée de gérer le culte israélite en France.

«La peur était un sentiment que je ne connaissais pas»

L'agression l'a profondément bouleversé mais elle n'a pas modifié son projet. «Ça m'a renforcé encore plus, sourit-il timidement. On me dit que j'ai subi un baptême du feu avec cette agression. Je pensais que grâce à mon faciès, à ma culture d'origine, ce genre de chose ne pourrait pas m'arriver. La peur était un sentiment que je ne connaissais pas.»

L'unité médico-judiciaire (UMJ) qui l'a examiné a établi une incapacité totale de travail (ITT) de 10 jours en raison du traumatisme psychologique subi.

Youness ne porte plus d'étoile de David. Il veut aussi quitter Aubervilliers pour rejoindre Paris : «Je m'y sentirai plus en sécurité», explique-t-il.

Il poursuit son processus de conversion en lien avec le consistoire. «J'ai le projet ensuite de faire mon Alyah (NDLR : immigration en Israël). Mais j'avais ce désir bien avant mon agression.»