Lu dans la presse
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Publié le 2 Février 2021

L'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine

Le président de la région Grand Est a dévoilé, ce lundi, les grandes lignes de ce projet à la mémoire des victimes de la Seconde guerre mondiale. Des interrogations demeurent.

Cet article avait été publié dans le newsletter du 2 février 2021. Il est l'article de presse que vous avez le plus lu cette semaine. 

France - En Alsace, controverse autour d'un "monument mémoriel"

Publié le 1 février dans Le Figaro

En Alsace, la mémoire est un sujet qui continue de faire débat. Il aura fallu dix ans pour aboutir à la présentation d'un « monument » à la mémoire des 54 000 morts et disparus alsaciens-mosellans pendant la Seconde guerre mondiale. Avec toujours en arrière-plan ce dilemme : peut-on mélanger les noms des 40 000 incorporés de force, morts ou disparus dans les combats de la Wehrmacht, avec ceux des autres victimes, déportés, résistants, soldats tués en 1940 sous l'uniforme français, civils morts dans les bombardements ? Pour la communauté israélite, la question est loin d'être réglée.

Portée par Philippe Richert, président du conseil régional d'Alsace, puis du Grand Est, l'idée d'un « Mur des noms », s'inspirant du Mémorial de la Shoah à Paris, devait permettre aux familles des morts et des disparus, sans sépulture connue, de se recueillir. Une première commission scientifique avait validé, en 2017, un projet de mur en pierre érigé dans la montée vers le Mémorial d'Alsace-Moselle à Schirmeck. Voulu en 2000 par Richert, le mémorial raconte de manière didactique l'histoire compliquée de l'Alsace-Moselle entre 1871 et 1945, avec un espace récent dédié à la construction européenne. Il a reçu, en 2019, 48 000 visiteurs dont 18 000 collégiens.

Un « mélange des victimes »

Très vite, le débat s'était focalisé sur la présentation des noms par ordre alphabétique, qui aboutit à un « mélange des victimes ». Les anciens résistants et familles de déportés ont refusé que « leurs morts soient associés à ceux des enrôlés de force ». Conscient de la difficulté, Jean Rottner, qui a succédé à Philippe Richert à la présidence de la Région Grand Est, a désigné une nouvelle commission scientifique, en 2018, sous la présidence de l'historienne Frédérique Neau-Dufour. Ses membres ne se sont réunis que deux fois, mais ont abandonné l'idée d'un «Mur des noms» en faveur d'un nouveau projet, baptisé sobrement «Monument mémoriel».

Dévoilé lundi, ce bâtiment d'1,6 million d'euros, qui sera construit en contrebas du Mémorial de Schirmeck et confié à l'agence spécialisée en ingénierie culturelle Syllab, prévoit, dans 240 m2, un espace d'« hommage collectif » et « des bornes interactives par groupes distincts » permettant l'accès à des fiches individuelles détaillées.

«Nous voulons un lieu qui n'oppose pas et qui dénonce le nazisme », a expliqué d'emblée Jean Rottner, en reconnaissant que « pour arriver au bout du récit, il faut encore du travail ». « L'histoire de l'Alsace annexée par les nazis est complexe », a rappelé son prédécesseur, convié à son côté.

Les incorporés de force ont tous été déclarés morts pour la France

« Déçu » par le projet, Gérard Michel, président des Orphelins de Pères Malgré-nous, regrette « le Mur des noms qui aurait permis, à l'instar de celui érigé à Ground Zero à New-York, de prendre la mesure du drame de l'incorporation de force qui n'a touché aucune autre région de France ». Les incorporés de force ont tous été déclarés, après une enquête, morts pour la France. D'après les dernières études, les volontaires étaient 2000 et 3000.

Mais les réticences les plus fortes sont venues de la communauté juive. « Vouloir mettre tous les morts au même niveau, c'est aider à la dédiabolisation que recherche l'extrême droite française », a mis en garde le Crif Alsace. Pour le président du consistoire israélite du Bas-Rhin, Maurice Dahan, « on ne peut pas mettre sur un même plan ceux qui ont été assassinés parce qu'ils étaient juifs et ceux qui sont morts parce qu'ils étaient soldats ». « Même s'il éprouve de la compassion pour les familles des morts sans sépulture», a-t-il ajouté. Autant dire que la discussion sur l'architecture du bâtiment ne fait que commencer.

 

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