Lu dans la presse
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Publié le 13 Janvier 2021

Monde - Qu'est-ce que Gab, ce réseau social devenu le bastion des trumpistes les plus extrémistes

Après la fermeture du compte Twitter de Donald Trump et du réseau social d’ultradroite Parler, une partie des militants pro-Trump s’inscrivent sur des plateformes alternatives. Parmi elles, Gab, où la liberté d'expression est un leitmotiv, s'impose comme le nouveau bastion de l'extrême droite américaine.

Publié le 12 janvier dans LCI

Les géants américains de la Tech barrent la route, l’un après l’autre, au président américain Donald Trump et à ses partisans les plus extrémistes, comme ceux se déclarant de la mouvance QAnon, dont Twitter a annoncé ce mardi la suppression de plus de 70.000 comptes. Assez confidentiel jusqu'à présent, le réseau social Gab offre aujourd’hui une terre d’asile à ces exilés, tout en profitant de la débandade de son grand rival Parler - après le retrait d'Amazon, qui l'a expulsé d'Internet en coupant l'accès à ses serveurs en raison de la persistance de messages d'incitation à la violence après l'assaut du Capitole, à Washington le 6 janvier dernier.

Profitant de l'éviction de Donald Trump des réseaux sociaux mainstream, Facebook et Twitter en tête, la plateforme s'offre un coup de projecteur inespéré et fait le plein de nouveaux membres depuis une semaine. Environ "600.000 à 700.000" internautes s'inscrivent actuellement chaque jour sur le réseau social Gab, a indiqué Andrew Torba, co-fondateur et directeur général de l’entreprise, dans une vidéo postée lundi... sur Twitter. "C'est notre heure", s'est réjoui le texan de 30 ans dans une autre vidéo postée vendredi sur Twitter. "C'est notre tour de briller", a-t-il encore lancé.


Le réseau social attirait surtout à ses débuts des franges ultraconservatrices, voire d’extrême droite. Mais elle accueille maintenant des voix républicaines plus traditionnelles. Gab dit avoir enregistré plus de 40 millions de visiteurs uniques la semaine dernière. C’est quatre fois plus que son trafic total de décembre, selon le site SimilarWeb. Le réseau social affirme par ailleurs être en contact avec l'entourage de Donald Trump en vue de lui ouvrir un véritable compte sur Gab. Il n'y a pour l'instant qu'un compte qui reprenait ses messages existants sur Twitter, fort d'1,1 million d'abonnés.

Il fonctionne grosso modo comme Twitter

Sur la page d'accueil, le message adressé aux utilisateurs parle de lui-même : "Bienvenue sur Gab, un réseau social qui encourage la liberté d'expression, les libertés individuelles et le flux libre de l'information en ligne". Autre signe distinctif, bien que la plateforme assure n’avoir aucune étiquette politique, son logo représentant une grenouille verte ressemble clairement à Pepe the Frog, une mascotte populaire de l'alt-right (la droite alternative) américaine et de la mouvance suprémaciste, qui prônent tous deux la supériorité de la "race blanche".

Fondé le 25 août 2016, en pleine campagne présidentielle américaine, Gab, qui signifie "bavardage" en anglais, est une plateforme dérivée du réseau social libre Mastodon. Il fonctionne un peu comme Twitter, avec des profils à suivre et des "gabs" au lieu de tweet. L’année suivante, le site lance une offre premium, Gab Pro, à 5,99 dollars par mois, qui donne accès, entre autres, à des tchats privés où les messages s'effacent au bout de 24 heures, ainsi qu'à la GabTV, un service de streaming de vidéos reprenant le principe de feu Périscope, alimenté par "des contenus libérés de la censure". Car sur Gab, pas de restriction ni d’équipe de modération, mais un slogan : "La liberté de parole en premier !".



Pour financer son expansion, l'entreprise fait appel à sa très active communauté via des campagnes de financement participatif. La plus grosse collecte de fonds avait eu lieu en 2017, quelques jours après les violences de Charlottesville et les sanctions de la Silicon Valley envers les sites d'extrême droite. Andrew Torban se félicitait alors d'avoir atteint 1 million de dollars, dont la moitié avait afflué... en seulement cinq jours. Google venait de supprimer l’application du PlayStore, après des propos d’Andrew Anglin, rédacteur en chef du site néo-nazi Daily Stormer, très actif sur la plateforme. Apple en avait fait de même un an plus tôt en mentionnant la diffusion de contenus à caractère pornographique au sein du réseau. 

Un refuge pour extrémistes et complotistes


Plus récemment, la plateforme avait été mise en cause après que l'extrémiste Robert Bowers y avait posté plusieurs messages haineux avant d'attaquer, en octobre 2018, une synagogue de Pittsburgh et de faire 11 victimes. Gab avait alors été privé d'accès aux serveurs de GoDaddy.com, qui l'hébergeait jusque-là. Il ne lui avait fallu qu'une semaine pour revenir en ligne. La plateforme n'est aujourd'hui plus sous la menace d'une suspension car totalement indépendante. Gab "protège l'expression légale" et écarte les propos incitant à la violence, affirmait alors le fondateur du réseau social. Pourtant, à en croire le New York Times, des manifestants présents lors de l'insurrection au Capitole se seraient coordonnés et galvanisés notamment via ce canal. 

Une accusation qu'a immédiatement réfutée le co-fondateur Andrew Torba. "Ils essayent de présenter Gab comme un endroit où la violence est organisée, ce qui est absolument faux", a-t-il martelé, avant de compléter : "Nous n'avons aucune tolérance pour la promotion de la violence". Parmi les stars de Gab, on compte pourtant quelques figures notables comme Milo Yiannopoulos (ancien rédacteur du site d'extrême droite Breitbart), Tila Tequila (une personnalité de télé-réalité qui a acquis une certaine notoriété après avoir effectué un salut nazi à un événement nationaliste blanc) ou encore l'animateur radio Alex Jones, considéré comme le pape du complotisme. Tous ont été bannis de Twitter après avoir tenu des propos ne respectant pas les conditions générales d'utilisations de la plateforme.

Qui est le co-fondateur de Gab, Andrew Torba ?

Chrétien, conservateur et républicain, Andrew Torba n’a que 25 ans lorsqu’il lance Gab. Ce bouillant entrepreneur, natif d'Austin au Texas, a suivi une formation au sein du prestigieux incubateur américain Y Combinator et a fondé, en 2011, la startup Automated Ads, une entreprise spécialisée dans la publicité ciblée (rachetée en 2017).