- English
- Français
D’ailleurs, les devantures des librairies ne faiblissent pas et ne désemplissent pas de livres, essais et romans qui portent sur le conflit. Les uns défendent la cause palestinienne avec fougue et rage, les autres dépensent une énergie considérable pour rehausser l’image d’Israël. Le lecteur a le choix et la presse rend régulièrement compte des nouveautés qui sont publiées.
Dans le numéro du 19 juin 2003 de Paris Match, Sylvie Santini s’entretient avec Kénizé Mourad, reporter et spécialiste du Moyen-Orient. Mourad publie Le parfum de notre terre. Voix de Palestine et d’Israël, chez Robert Laffont. Ce livre que l’on trouve un peu partout est un recueil de témoignages. En soi, l’idée est bonne. Palestiniens et Israéliens ont à dire, à conter, à raconter de leur tragédie respective. Et, comme il est indiqué dans l’entretien de Paris Match, Kénizé Mourad s’est donné le temps de composer l’ouvrage en s’entretenant avec le maximum de personnes. Elle a passé trois mois en Israël et dans les Territoires palestiniens, à questionner les uns et les autres. Seulement, Mourad donne davantage la parole aux palestiniens car, comme elle s’en justifie elle-même, « c’est un livre sur cette société là et ses relations avec Israël. » Dont acte.
Mais très vite dans l’entretien, le propos dérape, le semblant de neutralité que l’on pouvait estimer au préalable, laisse le pas à un ton si incroyablement inquisitorial et d’une extrême dureté : « On m’accuse de partialité parce que je dénonce les actes d’un monstre. Sharon ! » Mourad ne s’arrête cependant pas en si « bon » chemin. Puisqu’elle est lancée, il lui faut donc continuer et utiliser les termes les plus violents et les comparaisons les plus folles pour diaboliser l’entité « sioniste » : « c’est clair, il s’agit non pas d’un génocide, mais d’un sociétocide : on veut anéantir la société palestinienne pourtant la plus éduquée du monde arabe », poursuit-elle. Et nous voici donc en plein délire - et c’est un euphémisme. Mourad créée et invente son concept flash : le « sociétocide », parce qu’assurément elle se délecte de se mouvoir et de s’articuler dans une histoire tragique et qu’elle veut comparer le conflit israélo-palestinien au génocide, à la Shoah. Pourquoi donc faut-il toujours que les militants de la cause palestinienne en reviennent au génocide ?
« Mais en Europe, en France surtout, on ne peut pas dire cela sans passer pour un antisémite. C’est la grande force des sionistes que de jouer avec la culpabilité française à l’égard des juifs », poursuit l’auteur. Nous en revenons à la sempiternelle accusation qui est continuellement brandie par des militants de la cause palestinienne. Selon eux, ils ne pourraient rien dire parce que les sionistes veilleraient et brandiraient continuellement l’arme de l’antisémitisme. Nous remarquerons au passage cette subtilité de langage : Mourad assure que les amis d’Israël culpabilisent les Français, car ils utilisent la menace de l’antisémitisme. Mais, et comme si cela ne suffisait pas, la journaliste de Paris Match se croit autorisée de surenchérir à son tour et de demander : « Comment peut-on faire cela lorsqu’on a été soi-même victime de l’Holocauste ? »
Alors que les faits mentionnés et les événements répertoriés demandent de la rigueur, de la retenue et qu’une analyse scrupuleuse devrait être faite pour comprendre la complexité du conflit, Paris Match nous rappelle que l’on peut dire n’importe quoi, pour pouvoir vendre du papier…
Marc Knobel
Observatoire des médias