Tribune
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Publié le 28 Mars 2013

« Vous ne prononcez jamais son nom ? »

 

Par Pascale Davidovicz pour Tribune Juive.

                             

Jamais ! C’est ainsi que répond Samuel Sandler à Michel Denisot, quand il l’interroge sur l’assassin de son fils  Jonathan et de ses petits-fils Gabriel et Arieh, au Grand Journal de Canal + du 22 mars 2013.

 

Il dit avoir été très touché que le Président de la République vienne à Toulouse et que ses mots étaient exacts. « Car j’ai toujours ressenti qu’il y avait une analogie entre la perte de ma grand-mère qui a été arrêtée au Havre, de mon cousin Jean, de mon oncle et ma tante? emmenés à Drancy et déportés parce que juifs, et mes enfants tués dans la rue. » 

 

« Je voyais l’horreur dans les yeux des gens qui me regardaient »

                                                      

Il dit ne pas avoir compris, même s’il savait avoir perdu son fils et ses deux petits-fils.

« Et au fur et à mesure du temps que je découvre les petits détails de ce qui s’est passé ce 19 mars, c’est épouvantable. »

 

« Je me raccroche un peu à elle »

 

Michel Denisot lui demande comment il tient le choc. Il répond admirer la foi de sa belle-fille qui, dans son raisonnement, se sent protéger par ses enfants, et qui a beaucoup de projets en mémoire de son mari et de ses enfants.

 

Pour plus de Lumière

 

Samuel Sandler évoque le livre que son fils Jonathan tenait à publier, et qui le fût post-mortem par son épouse, brillant exégèse de versets bibliques.

 

A la question de savoir s’il fait confiance à l’Etat dans l’avancement de l’enquête et s’il pense qu’on ne lui cache rien, Samuel Sandler répond : « Absolument ! J’ai toujours eu confiance. Rien ne fera revivre mes enfants, par contre je pense qu’on est dans un pays de droit et que la Justice doit faire son travail. D’après les magistrats, il n’a pas agi tout seul. Je travaille dans l’aéronautique et je connais les procédures des dossiers confidentiels. Je le conçois très bien. Je crois que les services de police et judiciaires font leur travail, très dur, très minutieux, mais je ne crois pas qu’on me cache quoi que ce soit. »

 

« On ne nait pas avec la haine »

 

Jean-Michel Aphatie lui demande : « Vous dîtes qu’il n’a pas agi seul, mais c’est un acte de pure folie, de pure violence et personne ne revendique cet acte. On a l’impression que c’est un homme isolé.» Samuel Sandler répond : « Je crois qu’il y a un développement de haine qui s’est fait quelque part. On ne nait pas avec la haine. Il l’a acquise au cours de ses voyages. Pendant que lui voyageait pour apprendre la haine et la mort, mon fils au contraire essayait de travailler pour respecter autrui. Antithèse complète.» A la question de savoir si les commémorations lui apportent quelque chose, il dit être très sensible à un certain devoir de mémoire.

 

« Et je suis reconnaissant et exprime ma gratitude vis-à-vis de la République qui a marqué le souvenir »

 

« Je suis responsable de la communauté israélite de Versailles, et je raconte souvent que pas loin de là, il y a Louveciennes, où le 22 juillet 1944, alors que les Alliés ont débarqué depuis un mois, Aloïs Brunner arrête trente enfants. Plus personne ne s’en souvient et je me suis donné la mission de rappeler ce souvenir régulièrement. De même que pour l’assassinat de mon fils et de mes petits-enfants, on maintient un certain devoir de mémoire. »