Tribune
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Publié le 12 Décembre 2013

«Quenelle», comment un geste antisémite est devenu un emblème

Par le Monde

 

Elle s'est popularisée sur la Toile puis s'est invitée sur les plateaux de télévision avant de devenir un geste politique. Provocation antisystème pour les uns, gestuelle antisémite pour d'autres, la quenelle garde une signification très floue. Un flou dont bénéficie l'humoriste Dieudonné, qui en a fait un symbole politique des causes qu'il défend.

Qu'est-ce qu'une quenelle ?

 

Pour certains archéologues de la quenelle, c'est dans un sketch sur les mammifères lors de son spectacle intitulé 1905 et joué en 2005 que, pour la première fois, Dieudonné a effectué ce geste.

 

S'il est difficile de dater les origines exactes de la quenelle, sa première utilisation politique remonte aux élections européennes de 2009. Dieudonné avait déposé une « liste antisioniste » en Ile-de-France. Il avait alors expliqué sa démarche lors d'une conférence de presse au théâtre de la Main d'or, à Paris : « Glisser une petite quenelle dans le fond du fion du sionisme. »

 

Sur l'affiche de campagne, où il pose avec l'idéologue d'extrême droite Alain Soral, Dieudonné effectue le geste de la quenelle, qui connaît depuis une viralité certaine. « Pour une Europe libérée de la censure, du communautarisme, des spéculateurs et de l'OTAN », clame le slogan.

 

Le geste de la quenelle consiste à tendre un bras vers le bas tout en plaçant sa main opposée sur l'épaule du bras tendu. Entre le salut nazi inversé et le bras d'honneur.

 

Que signifie-t-elle ?

 

Plus largement, l'ancien humoriste définit la quenelle comme un « symbole d'insoumission au système ». Dans une vidéo postée sur YouTube, Dieudonné explique qu'il s'agit d'un acte subversif qui ne lui appartient plus. « Il appartient à la révolution », dit-il. Une définition large, fourre-tout, qui a depuis fait des émules, rassemblant les provocateurs de tous poils qui souhaitent pour beaucoup dénoncer par ce geste « le système », un terme qui regroupe aussi bien les élites politiques, économiques ou médiatiques.

 

La signification que les uns et les autres donnent à ce geste peut varier. Un jeune homme qui s'était fendu d'une quenelle sur le plateau du Petit Journal a expliqué à Arrêt sur images ce qu'il y voyait : « Oui, c'est associé à Dieudonné, au départ, mais je regrette que ça leur profite, à Alain Soral et compagnie. Je vois simplement ça comme un geste subversif, antisystème, mais ça ne va pas plus loin. J'associe davantage ça à une grimace, si vous voulez. »

 

Interrogé par Libération, le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus expliquait que « la quenelle est avant tout un code identitaire, qui a acquis une vraie popularité chez les jeunes. Difficile de dire que tous ont conscience de la portée de ce geste »… Lire la suite.