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À leur parution, Shlomo Sand a pu développer sa thèse, ses thèses, devant un public attentif, intéressé ou, à l’inverse, dubitatif ou/et irrité. Les Juifs forment-ils un peuple ? Grande question. Quelques intellectuels (sociologues, orientalistes, linguistes, géographes, spécialistes en science politique, chercheurs en littérature, archéologues…) se saisissent de ces sujets éminemment complexes. Ils veulent en disséquer tous les enjeux, ils déconstruisent aussi les grands récits nationaux et notamment les « mythes » de l’origine commune, chers aux chroniques du passé. Shlomo Sand, lui, parle du « mythe de la nation éternelle », reconstituée pour se rassembler sur la « terre de ses ancêtres ». Voici qu’il revient ensuite avec une réflexion sur le territoire d’Israël. Partant de considérations sur l’éclosion du concept de « patrie » en Occident et sur la (quasi) absence de ce terme dans les textes sacrés du judaïsme, Shlomo Sand se consacre alors à démonter l’argumentaire qui sous-tend l’élaboration de ce qu’il nomme un véritable « mytherritoire », superposition d’une aire géographique réelle ou supposée, constituée ou reconstituée à partir de récits légendaires, et du projet politique conçu par les sionistes à la fin du XIXe siècle de « foyer juif ». Soit. Tous les sujets peuvent être traités. Encore faut-il maîtriser, faire preuve de discernement, disposer de la connaissance, sans l’effleurer et ne pas tomber dans le piège. Quel piège ? Lorsqu’un livre d’histoire devient pamphlet politique, lorsqu’une analyse que l’on prétendait sérieuse et recherchée, détaillée et scientifique, contient de grandes faiblesses d’argumentation, lorsque « l’utilisation biaisée des faits et le mépris affiché pour l’histoire des mentalités », en devient le seul ciment, le piège fonctionne. En une seule phrase, Mireille Hadas-Lebel, historienne française de l’Antiquité, spécialiste de l’histoire du judaïsme, résume ce travail : « Le ton choisi est révélateur du parti pris de l’auteur. » Dans ce numéro des Études du CRIF, Mireille Hadas-Lebel analyse, résume, explique, décortique, déconstruit minutieusement ce que Shlomo Sand prétend révéler. Elle publie ici deux articles qui jaugent le « parti pris » de l’auteur : « En prétendant traquer l’influence de l’idéologie sur la science, Sand tombe précisément dans le travers qu’il veut dénoncer », résume-t-elle. Un « travers », un triste « travers ».