Tribune
|
Publié le 5 Mars 2007

La nostalgie de Raymond Barre…

En ce jour de Pourim, on se place un peu sur la défensive en entendant les informations. Il est d’usage d’y glisser quelques fantaisies qui contribueraient à la joie de la fête. Mais il est une information qui ne fait pas rire du tout lorsqu’à l’écoute d’une récente interview de Raymond Barre, le CRIF est obligé de constater que l’ancien Premier ministre se situe dans le camp de l’extrême-droite. Si Raymond Barre a toujours été classé sur l’échiquier politique au centre-droit, il est à noter qu’il n’a jamais appartenu à aucun parti politique. Pourtant cette fois-ci, il a choisi son camp.


Le vieil homme pris d’une intense nostalgie évoque la mémoire de son ami Maurice Papon. Selon lui, ce « commis de l’Etat » est un « bouc émissaire », une victime expiatoire en quelque sorte de la France de Vichy. Raymond Barre se plait, au passage, à affirmer que la France est le pays qui a le mieux protégé ses juifs et que proportionnellement aux autres pays touchés par la déportation, la France a su limiter les dégâts. Même traitement pour Bruno Gollnisch condamné par la justice française pour négationnisme. Dixit Raymond Barre : « c’est un homme bien » ! Dans la même veine, l’ancien premier ministre revient sur ses déclarations suite à l’attentat de la synagogue de la rue Copernic, qui démontrent au passage qu’il convient de relativiser ce que l’on qualifie aujourd’hui de « bourdes », puisque l’on se souvient qu’à l’époque, alors que l’opinion publique était très justement émue, le Premier ministre en fonction eut ces mots : "un attentat odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic". Toutes les contorsions qui suivirent furent semblables à un homme qui essaye de se débattre dans des sables mouvants.
C’est donc très logiquement, qu’avec la même violence verbale, Raymond Barre parle aujourd’hui de "lobby juif capable de monter des opérations indignes, et je le dis publiquement". Car il y aurait dans notre pays, la France, des Français et parmi eux (ou à coté ?) des juifs suffisamment puissants et rusés pour s’organiser en lobby qui comploterait contre l’Etat. C’est une autre version du « Protocole des sages de Sion » qui se nourrit de la même idéologie antisémite. Car il faut le dire, les propos de Raymond Barre sont antisémites. J’en vois déjà bondir et s’offusquer contre cette affirmation. Convenons qu’il ne s’agit pas ici d’un dérapage puisque la teneur entière de l’interview accordée à « France Culture » va dans ce sens. Le fait de terminer sa phrase par « et je le dis publiquement » renforce la parole d’un Le Pen qui « dit tout haut ce que les autres pensent tout bas ». Raymond Barre ferait presque œuvre d’utilité publique en brisant le tabou que le lobby juif. On a peur en considérant qu’il fut un économiste reconnu et ministre des finances. Il semble nous dire qu’il sait de quoi il parle. On pourrait, avec indulgence, mettre tout cela sur le compte du grand âge et de l’aigreur d’un homme qui n’est pas sollicité en période électorale. Je pense plutôt qu’il vient dire à certains de l’extrême-droite qu’ils sachent pouvoir compter sur lui.
Rabbin Gabriel Fahri
Judaiques-FM
4 mars 2007