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Une année de plus vient s’ajouter aux 25 précédentes. Oui, il y a 26 ans aujourd’hui, Ron Arad disparaissait. 26 ans dont nous sommes sans nouvelle… Ou presque !
En écrivant cela, je pense aussi à ces 4 autres militaires israéliens disparus eux aussi : Zacharie Baumel (3), Zvi Feldman et Yehuda Katz (11 juin 1982), Guy Hever (16 août 1997).
Qui se souvient encore de ces noms, exception faite pour celui de Ron Arad qui fut longtemps un symbole, mais qui peu à peu s’estompe ?
Qui se souvient encore de ces captifs, de nos captifs, à part les participants à quelques petites initiatives privées très et même trop timides ? Nos Institutions officielles devraient à mon sens en faire beaucoup plus ! Les responsables du Centre Communautaire Juif de Paris, par exemple, pour vraisemblablement « faire comme les autres », c’est-à-dire comme Libération, Le Monde et autres, s’empressèrent à l’époque d’accrocher sur la façade du bâtiment les portraits de Mme Florence Aubenas et de son guide-interprète, M. Hussein Hanoun, mais n’accrochèrent jamais celui de Ron Arad. « Il n’est pas Français », me rétorqua-t-on un jour. Et M. Hussein Hanoun l’était-il ?
« Arévim zé la zé » nous enseignent nos Sages, « nous sommes tous responsables de notre prochain » (4), car nous sommes « un seul Peuple, un seul cœur », « Am ehad, Lev ehad ». Nous avons célébré cette unité du Peuple juif tout dernièrement sous la Souccah.
Il y a 3 semaines, en cette fin de journée de Kippour, dans notre Synagogue pleine, nous nous couvrîmes de nos Talith pendant que le son du Shofar retentissait. Je ne pouvais m’empêcher de penser à ces militaires disparus. Je ne pouvais m’empêcher de penser à eux alors que nous nous souhaitions « Gmar ‘Hatima Tova », alors que nous embrassions nos parents, nos grands-parents, nos femmes, nos enfants, nos petits-enfants, nos amis. Behezrat Hachem (1), à l’année prochaine. Je ne pouvais m’empêcher de penser à eux alors que nous rentrions précipitamment chez nous afin de rompre ce jeûne de 25 heures avec nos plats traditionnels, nos confitures, nos gâteaux…
Mais qui aura souhaité « Gmar ‘Hatima tova » à nos 5 soldats disparus ? Depuis de très nombreuses années maintenant leurs chaises sont désespérément vides pour toutes ces fêtes ! Depuis de très nombreuses années maintenant il ne leur est plus souhaité « ‘Hag Sameah, Chana Tova, Gmar ‘Hatima tova, Chabbat Chalom ». Quel malheur ! Quel drame !
Quel Shofar auront-ils entendu ? S’ils sont encore en vie, ce qu’espèrent leurs proches, ce que nous espérons tous, ont-ils encore la notion du temps ?
Toutes ces questions, et bien d’autres encore, je me les suis posées pendant toute la journée de Kippour. Et je dois avouer que, pendant cette journée pourtant si importante, je n’arrivais pas à me concentrer sur les prières que je ne suivais que par intermittence. D.ieu me le pardonnera-t-il ?
Lors de la lecture du « ligotage/sacrifice » d’Isaac, je m’interrogeais, sans y apporter naturellement de réponse, pour savoir si M. Netanyahou devait discuter directement ou non avec « le-devenu-respectable » M. Abbas-Mazen,
- ce Monsieur qui soutint une thèse négationniste sur la Shoah,
- ce Monsieur qui finança l’assassinat des athlètes israéliens aux J.O. de Munich en septembre 1972,
- ce Monsieur qui fut le co-organisateur du massacre de Maalot le 15 mai 1974 au cours duquel 27 Israéliens furent assassinés dont 22 enfants,
- ce Monsieur qui dénonce régulièrement et avec véhémence les opérations de Tsahal dans la bande de Gaza,
- ce Monsieur qui exige le retour des « réfugiés » et la création d’un état palestinien ayant pour frontières « celles d’avant 1967 » avec Jérusalem-Est pour capitale,
- ce Monsieur qui exige « un passage sécurisé » entre la bande de Gaza et la Judée-Samarie,
- ce Monsieur qui considère comme « inacceptable » toute autre proposition israélienne,
- ce Monsieur qui refusa les 92% des « territoires occupés » comme proposé en 2000 à Camp David,
- ce Monsieur qui refuse de reconnaître le caractère juif d’Israël,
- ce Monsieur qui n’accepte pas que les Israéliens puissent construire où bon leur semble et surtout pas dans leur capitale Jérusalem,
- ce Monsieur soutenu par la communauté internationale, État uni et Union européenne en tête,
- ce Monsieur qui décerna une très haute distinction à 2 femmes terroristes, emprisonnées en Israël, coupables d’attentats particulièrement meurtriers,
- ce Monsieur qui n’acceptera pas la moindre présence juive, quelle qu’elle soit, dans « son futur état »,
- ce Monsieur à qui, à Paris, des personnes juives n’ayant aucun mandat demandèrent à être reçues,
- ce Monsieur…
Lors de la lecture de la solitude de Jonas « dans le ventre du gros poisson », je pensais à la solitude de nos 5 militaires dans les repaires des terroristes arabes. Jonas en est sorti, pas encore eux…alors que pendant ce temps-là, certains hommes politiques israéliens envisagent, et demandent même, la libération du chef terroriste arabe Barghouti condamné à la prison à vie pour la mort de plusieurs Israéliens. Et j’apprends de temps à autres que cet « échange » pourrait prendre de plus en plus forme avec, en « prime », la libération de centaines de terroristes qui, n’en doutant pas un seul instant, « reprendront du service » immédiatement comme ce fut le cas pour certains « bénéficiaires » de l’accord Shalit !
Et il en fut ainsi tout au long de cette journée de Kippour. J’enrageais au lieu de suivre le rituel de notre liturgie. Et de m’interroger à nouveau : « D.ieu me le pardonnera-t-il ? ». Je m’interrogeais bien qu’à Kippour, avec l’Assemblée, j’aie reconnu qu’« en dehors de Lui, nous n’avons personne pour pardonner et absoudre », bien qu’ayant reconnu avoir commis envers Lui « des fautes par ignorance, volontairement, par médisance, en secret, par erreur…».
À Kippour, avec l’Assemblée, je Lui ai demandé de « nous exaucer », de « nous annoncer de bonnes nouvelles », de « détruire ceux qui se dressent contre nous pour le mal » (2), d’« opprimer ceux qui nous oppriment ».
À Kippour, avec l’Assemblée, je Lui ai demandé, en lisant Avinou, Malkénou, notre Père, notre Roi, d’« éviter aux fils de Son alliance la peste… le malheur… la captivité… ».
Oui, la captivité. Et à nouveau mes pensées allèrent vers les 5 militaires israéliens mentionnés, Zaccharie, Zvi, Yehuda, Ron, Guy.
Pendant la prière à Kippour, je me souvenais de ce que nous enseignent nos Sages, à savoir que les Juifs ont l’obligation impérative de racheter les captifs, obligation considérée comme une grande mitzva quoique ne figurant pas dans la Thora.
Pendant la prière à Kippour, je pensais à ce qu’écrivait Maïmonide : « Il n’existe pas de commandements plus importants que le rachat des prisonniers », pidyon chvouïm en hébreu. Ce pydion qui incombe à la Communauté tout entière et qu’Israël paie souvent très cher pour le respecter, comme ce fut le cas pour la libération de Guilad Shalit.
Pendant la prière à Kippour, je pensais qu’il m’avait même été enseigné que ce commandement était si important que la Halacha permettait que l’argent collecté en vue de la construction d’une Synagogue serve au pidyon.
Pendant la prière à Kippour, je pensais que le 30 juin 1997, lors d’une manifestation devant l’Ambassade d’Israël, manifestation placée sous le slogan « Sois responsable de ton prochain – Arévim zé la zé », le Grand Rabbin de France de l’époque, M. Joseph Sitruk, déclara « qu’on pouvait aller jusqu’à vendre une Synagogue » pour ne pas transgresser cette mitzva.
Nous venons de passer 8 jours dans nos Souccot, ces frêles « habitations » en souvenir des 40 années d’errance de nos ancêtres dans le désert. Nous avons « vu le ciel » à travers le toit de branchages. Mais nos 5 militaires-otages, ont-ils vu le ciel, eux qui doivent être enfermés, et dans quelles conditions, dans des prisons ou dans des souterrains ? L’ont-ils seulement même vu depuis leur enlèvement ?
Avec l’Assemblée, j’ai prié avec ferveur pendant Souccot, pendant la lecture des Hocha’anot dans lesquelles il est beaucoup question de délivrance. « Délivre ! Ô délivre ! ». Délivrance pour nos otages !
Prions pour le retour de tous les prisonniers en cette année 5773, année du 65ème anniversaire de l’État d’Israël, afin qu’à Kippour prochain, Behezrat Hachem (1), nous puissions leur souhaiter « Gmar ‘Hatima tova ». Amen !
Ayons une pensée pour les courageux Parents de ces militaires qui, sans relâche et en dépit de tout, gardent l’espoir de revoir leur fils. Et, en ce jour du 26ème anniversaire de la disparition de Ron, ayant une pensée émue pour sa Femme Tami et pour sa Fille Yuval.
Tami Arad
Permettez-moi de terminer ce très long texte en ayant une pensée pour les familles de Vadim Norzich (Z’’L) et Asi Avrahami (Z’’L), ces 2 réservistes lynchés à Ramallah il y a 12 ans, le 12 octobre 2000, par des sauvages dont certains furent ensuite échangés contre Guilad Shalit… et «reprirent du service».
Zakhor ! N’oublions pas Vadim et Asi. Prions pour le repos de leur âme. Amen!
Charles-Etienne Nephtali
Le 16 octobre 2012
(1) Et non Inch Allah, comme scandaleusement prononcé, dans la Synagogue par surcroît, par certaines personnes, pas âgées du tout.
(2) Donc tous nos ennemis que nous assimilons au Léviathan, ce légendaire monstre marin incarnant le mal qui sera immolé à la fin des temps et dont la peau servira à la construction de la Souccah des temps futurs, ce monstre dont il est dit que sa mort mettra fin au mal dans le monde.
(3) En août 1997, j’adressais à Madame Myriam Baumel, la mère de Zacharie Baumel enlevé 15 ans auparavant, une lettre en réponse à son émouvante déclaration selon laquelle elle « avait l’impression que peu à peu tout le monde se [désintéressait] de son drame », lettre dont je reproduis ci-dessous quelques extraits.
(4) Un Rabbin, illustrant ce commandement, nous contait cette histoire quelque peu naïve : des habitants d’un Shtetl, voulant passer sur l’autre rive d’une rivière, payèrent leur place sur une petite embarcation. Au milieu du cours d’eau, l’un d’entre eux sortit un vilebrequin (nous dirions aujourd’hui une perceuse sans fil) et commença à percer un trou sur le fond de la barque, entre ses pieds. Les autres passagers l’invectivèrent, lui demandant ce qu’il était en train de faire. « Un trou, car cette place, je l’ai payée et elle m’appartient » leur répondit-il. L’embarcation coula, tous se noyèrent.