Le 26 février 1969 sort dans les salles un film qui aura un grand retentissement : Z, de Costa Gavras, avec Yves Montand, Jean-Louis Trintignant et Irène Papas. Il est adapté du roman de Vassilis Vassilikos, écrit à partir de l'affaire Lambrakis. Lambraskis était un député progressiste qui a été assassiné en 1963, en Grèce. Dans le film, le juge d'instruction s'occupant de l'enquête (interprété par Trintignant) met en évidence, dans ce crime, la participation de l'armée et de la police, l’assassinat du député fut camouflé en banal accident. Le film de Gavras est un chef d’œuvre, c’est aussi un véritable réquisitoire contre la dictature des colonels instaurée à la fin des années 1960 en Grèce (sans que ce pays soit mentionné explicitement dans le film).
Rappel des faits : le 21 avril 1967 un groupe de colonels ambitieux passe à l'action, et profitant de l'inertie de la monarchie, s'empare du pouvoir et abolit la constitution. Il se murmure alors que les colonels ont disposé du soutien des services de renseignement américain, inquiets d'une possible révolution socialiste en Grèce. Le résultat ; c'est d'abord la liquidation complète de toute la vie politique habituelle, l'interdiction de quelque trois cents groupements et associations, le nouveau régime s'arroge de prendre n'importe quelle décision en tout domaine, qu'il s'agisse de l'arrestation d'un indésirable ou de la suspension d'un fonctionnaire, d'un règlement sur les transports publics ou d'une révision de la Constitution. Dès le coup d'État, des personnalités politiques, principalement de gauche, mais aussi des libéraux et de simples défenseurs des droits de l'homme, furent persécutés. Nombre de militaires et de fonctionnaires furent révoqués afin de permettre aux colonels de disposer d'instruments de gouvernement idéologiquement conformes aux « principes du régime ». Les opposants politiques étaient mis en résidence surveillée, emprisonnés, déportés sur des îles désertes de l'Égée mais aussi parfois torturés.
Or, 28 ans après la chute de la dictature, Makis Voridis et Adonis Georgiadis, deux députés issus du parti d’extrême droite Laos, "Alarme populaire orthodoxe", ont été respectivement nommés ministre des Transports et secrétaire d'Etat au Développement et à la Marine marchande.
Makis Voridis, 47 ans, est un avocat qui a fait ses premiers pas en politique au sein de l'organisation de jeunesse du parti d'extrême droite Epen. Une formation créée après le régime militaire et qui a longtemps côtoyé le Front national français de Jean-Marie Le Pen, précise Le Figaro du 11 novembre 2011. La nomination de ce dernier a d’ailleurs été positivement accueillie par l’extrême droite française. "L'entrée de notre ami Makis Voridis au gouvernement grec est une excellente nouvelle", s’est ainsi félicité sur Twitter Pierre Cheynet, membre du comité central du FN (Europe 1, 14 novembre 2011). Ce député a également participé, lorsqu'il était à la tête du mouvement Front hellénique, à la structure pan-européenne lancée par Bruno Gollnisch au nom du Front national, indique Rue89 du 11 novembre 2011. Après avoir rejoint le Laos, Makis Voridis a aussi noué des liens avec un dissident du FN, Carl Lang, allant jusqu'à s’exprimer publiquement le 8 novembre 2009 au congrès de fondation du parti de la France, lancé par l’ancien cadre du Front national.
Adonis Georgiadis, Co-éditeur en 2006 d'un pamphlet antisémite intitulé Juifs : l’entière vérité, un texte faisant l’apologie d’Adolf Hitler et appelant à l’extermination des Juifs, est abonné aux controverses. En novembre 2009, à la télévision, le député du Laos s’en était directement pris au Premier ministre socialiste d’alors, Georges Papandréou, l’accusant d’avoir "vendu la Grèce à la communauté juive". "Le peuple juif, en contrôlant le système bancaire mondial, peut l’utiliser comme une arme pour faire chanter et contrôler les pays étrangers, comme la Grèce".
Notons par ailleurs que, le président du LAOS, le député Georges Karatzaféris, est lui aussi un personnage haut en couleur, relate en détail le site Conspiracy Watch, du 11 novembre 2011. Ce « Le Pen grec » est à l’origine de plusieurs dérapages conspirationnistes antisémites comme le révèle aujourd’hui Ynetnews. Après les attentats du 11 septembre 2001, il avait demandé devant le Parlement hellénique « pour quelle raison les Juifs avaient tous été avertis qu’ils ne devaient pas venir travailler ce jour-là (au World Trade Center - NDLR) » (à propos de cette intox, lire : Le mythe des 4000 Juifs absents du World Trade Center). Lors d’un débat télévisé avec l’ambassadeur d’Israël en Grèce, Karatzaféris avait également tenu des propos aux relents clairement négationnistes (« Parlons un peu de toutes ces légendes sur Auschwitz et Dachau ») et en 2002, il avait interpellé le Premier ministre social-démocrate Kóstas Simítis en lui demandant s’il était vrai que sa fille avait secrètement épousé un Juif…
De quoi frémir, non ?
Photo (Georges Karatzaféris) : D.R.